La dou­ble por­te pa­liè­re com­me in­no­va­tion ty­po­lo­gi­que

Attentive aux évolutions récentes des nouveaux modes d’habitat, la Société Coopérative d’Habitation Genève (SCHG) cherche depuis sa création des réponses architecturales concrètes aux mutations contemporaines de la structure familiale. Poursuivant une révolution douce de l’habitat mixte, nous présentons l’une de leurs récentes évolutions typologiques: les logements à mixité intégrée (LMI)

Data di pubblicazione
15-10-2020

Si depuis quelque temps nous étions conscients que l’habitat collectif nécessitait une révision urgente pour s’adapter à la diversification des modes de vie, la pandémie n’a fait qu’accélérer cette demande de réponses typologiques novatrices. Parmi les rares solutions concrètes répondant à cet impératif, les logements à mixité intégrée (LMI) s’accordent à la perfection avec l’un des besoins grandissants de la population: la flexibilité spatiale et temporelle d’un logement.

Les logements à mixité intégrée: vers une souplesse fonctionnelle de l’habitat contemporain

Le bureau d’architecture genevois Ris+partenaires architectes est à l’origine de la théorisation et le développement de ce concept, axé sur la recherche d’une forme architecturale en adéquation avec des préoccupations d’ordre sociologiques. La Société Coopérative d’Habitation Genève (SCHG), convaincue par ce modèle, l’a ensuite matérialisé en étroite collaboration avec le bureau brodbeck roulet architectes associés, architectes d’une première opération emblématique ; le bâtiment de logements «LMI du Parc» situé le long du Parc Gustave & Léonard Hentsch dans le quartier des Charmilles à Genève. Une barre d’habitation de 145m de long pour 140 appartements de 3 à 6 pièces répartis sur 9 niveaux. Fruit d’une réflexion programmatique portant sur l’ensemble du bâtiment, les appartements LMI sont la résultante d’une interrogation bien précise: où situer les surfaces d’activités disposées habituellement au rez-de-chaussée quand les caractéristiques urbaines d’un projet suggèrent de limiter au maximum son emprise au sol?

Pour garantir la plus grande perméabilité des rez-de-chaussée, les concepteurs devaient relever le défi de répartir aux étages supérieurs les locaux d’activités et étudier quelles relations pouvaient tisser ces surfaces avec les appartements. La réflexion typo-programmatique qui s’en est suivi ne pouvait pas être plus ingénieuse et efficace: disposer ces cellules autonomes comme un «espace rotule» entre la sphère privée et le monde extérieur. Il suffisait pour y parvenir de relier l’une des pièces de l’appartement à la cage d’escalier par une deuxième porte palière. Cette pièce «joker» dotée de sa propre autonomie fonctionnelle –accès, rangement, sanitaire– et liée intérieurement avec le reste de l’appartement, permet aux résidents de se doter d’une souplesse fonctionnelle unique en son genre. Un espace multifonctionnel de 18 à 25m2 destiné originellement à accueillir une activité professionnelle sans nuisance, qui se décline parfois comme prolongement de l’habitat pour s’adapter à l’évolution de la cellule familiale. Et ce, grâce à une astuce typologique peu coûteuse: une seconde porte palière.

Quand une seconde porte palière modifie la dynamique de tout un bâtiment

Par les temps qui courent, les appartements LMI peuvent se présenter comme une solution pratique au phénomène grandissant du travail à domicile. Comme nous l’expliquent Louisa Gueddimi et Carol Jornod en nous présentant la vision de la SCHG, « ces projets sont plus largement une réponse manifeste à la transformation des modes d’habitat impliquant différents degrés de cohabitation sporadique ou pérenne ». La structure familiale se dote d’une nouvelle pièce pour abriter tout type d’activité ou loger un usager indépendant en profitant de cette flexibilité pour instaurer différents rythmes de vie indépendants, sans perturber l’ambiance générale du logement. L’un des défauts constatés du «home-office».

Tout comme les récentes typologies du style «clusters» (= appartements autour d’espaces communs), qui ont montré en très peu d’années leurs avantages mais ont aussi engendré quelques frustrations de cohabitation, les unités du type LMI (= appartement + 1 pièce) se veulent résolument efficaces pour répondre aux mutations temporelles et dimensionnelles d’une structure familiale contemporaine. Des nécessités professionnelles croissantes (activité indépendante, travail à temps partiel, activité partagée, etc.) aux besoins intergénérationnels récurrents (adolescent indépendant, parent âgé dépendant, visites d’amis), les logements à mixité intégrée sont une réponse réaliste aux adaptations urbaines de la société. Seule limite au modèle, la sous-location et autres formes de mise à disposition à des tiers sont clairement prohibés, conformément aux statuts de la Coopérative. Cette variation typologique est aussi un exemple pratique qui montre que pour innover, il n’est pas forcement nécessaire de bouleverser.

La SCHG: une coopérative à l’avant-garde de l’habitat mixte

Première coopérative romande créée en 1919, la SCHG n’en est pas à sa première innovation en matière d’habitat. La Cité Vieusseux, imaginée par Maurice Braillard est sa carte de visite:  un ensemble urbain construit au début des années 1930 à Genève pour lutter contre la précarité des logements destinés à la population plus démunie. Cet ensemble résidentiel est le premier en son genre à offrir à ses habitants des services communs tels qu’une buanderie, un atelier ou une crèche. Une stratégie avant-gardiste pour l’époque, à même de générer un sentiment d’habitat collectif qui aujourd’hui, 100 ans plus tard, est le germe des nouvelles formes d’habitat du style coopératif.

Comme tel, le succès de ces différents modèles d’habitat mixte est fondé sur l’expérience de la SCHG pour maîtriser les équilibres financiers des opérations urbaines qu’elle réalise. Éloigné de toute tentation spéculative, ce bâtisseur sans but lucratif a la capacité de contrôler le rendement locatif des bâtiments de manière à garantir des loyers équitables et abordables pour tous les types de structures familiales. Dans le cas des logements LMI, la combinaison des baux d’habitation et commercial est aussi une des clefs du succès de cette opération immobilière. Cet avantage typologique n’engendre aucun surcoût disproportionné. La cellule polyfonctionnelle bénéficie de son propre régime commercial et s’équilibre parfaitement avec le coût contrôlé du reste de l’appartement. Le locataire peut prétendre à une subvention de l’Etat pour le logement, alors que la pièce mixte ne bénéficie d’aucune aide étatique.

Suite à cette première expérience, une deuxième opération LMI est actuellement en projet dans le quartier historique de la SCHG, comptant plus d’une centaine de logements. Ce nouveau modèle devrait profiter de l’enseignement du premier prototype du Parc Hentsch pour perfectionner l’engrenage typologique du bâtiment. Les pièces polyvalentes s’élargiront davantage – jusqu’à 30m2 – et les surfaces d’activités prévues dans le programme se répartiront dans le bâtiment à raison de 50% aux étages et 50% au rez-de-chaussée. L’idée est d’équilibrer plus pertinemment l’ensemble et d’assurer une vie de quartier balancée sur tous ses flancs. Il s’agit sans doute là d’une nouvelle révolution douce de l’habitat mixte que nous suivrons de près en espérant que d’autres acteurs immobiliers privés s’engageront en faveur de la diversification professionnelle et familiale des ménages. Et plus largement, dans la construction contemporaine de la ville de demain.

Le texte est basé sur un entretien de lauteur avec :

 

Louisa GUEDDIMI, responsable Promotion immobilière à la SCHG

 

Carol JORNOD, responsable Communication & Instances à la SCHG

 

Pour plus d’informations :

 

Société Coopérative d'Habitation Genève

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