Ga­le­rie de la Ti­ne: ré­fec­tion sous con­train­tes pa­tri­mo­nia­les

Située sur la ligne de chemin de fer Montreux Oberland bernois (MOB), la galerie de la Tine est un ouvrage unique en son genre. Inscrite depuis 2003 à l’inventaire cantonal en tant que monument d’importance régionale, sa rénovation a été un véritable défi pour les ingénieurs et les architectes.

Data di pubblicazione
30-08-2018
Revision
31-08-2018

La galerie de la Tine est un ouvrage de protection contre les chutes de blocs et les avalanches d’une longueur de 131 m. Elle est constituée de maçonnerie et de béton avec un profil de voûte en ogive et surmontée d’un matelas de remblai. Sa construction a été réalisée en plusieurs étapes: en 1903, lors de la mise en service du tronçon de la ligne du MOB, seuls existaient un mur de soutènement avec cinq voûtes en maçonnerie sous la voie ferrée et une galerie voûtée au droit d’un couloir d’avalanches (fig. 1). Elle sera étendue dans les années 1908-1914 (fig. 2) jusqu’au portail du tunnel de la Tine. En 1949, des désordres importants (fissuration des piliers et en calotte) mènent à un renforcement de la galerie au moyen de contreforts en béton au niveau du mur de soutènement et de longrines armées au niveau des cinq voûtes inférieures.

En 2008, le MOB lance un appel d’offres pour le projet de construction d’une nouvelle galerie de protection sur les 60 premiers mètres après le tunnel de la Tine – la suite du tracé étant sécurisée par des filets pare-pierres et des dispositifs paravalanches. Le choix de cette solution radicale par le maître d’ouvrage et le Canton de Vaud était motivé par l’état structurel jugé préoccupant de la galerie.

Respect du patrimoine


Ayant remporté l’appel d’offres, le groupement Monod-Piguet + Associés Ingénieurs Conseils SA et Merlini-Ventura architectes développe le projet d’une nouvelle galerie constituée d’une dalle de couverture soutenue par 13 poteaux en béton, en forme de Y ou d’arbres schématisés. Afin d’éviter de grandes excavations, le parement arrière de la galerie est conservé, la voie déplacée côté aval tout comme le parement soutenant la dalle.

Or, lors de sa mise à l’enquête en 2009, ce projet reçoit un préavis défavorable de l’Office fédéral de la culture (OFC), au motif que la galerie de la Tine est la seule galerie du pays dotée d’un double niveau d’arches et mérite à ce titre d’être conservée dans son intégralité. Ingénieurs et architectes développent alors plusieurs variantes basées sur les principes d’une reconstruction partielle ou totale de l’ouvrage et du parement aval. Parmi ces propositions, l’OFC préavise favorablement la conservation du parement en maçonnerie sur toute sa longueur – une solution qui nécessite toutefois un ripage d’environ 1 m du tracé au droit de la galerie en direction de l’amont afin de conserver le parement aval. Cela implique la correction de la géométrie ferroviaire sur 500 m environ et impacte les ouvrages adjacents que sont le tunnel de la Tine et le pont de la Sauta. Le MOB décide alors d’assainir et de mettre au profil d’espace libre PEL OCF B l’intégralité des ouvrages du tronçon situé entre les km 23.808 et km 24.355 de la ligne lors du cluster 20181.

Un planning serré


Pour l’ingénieur, le défi principal consiste dès lors à développer un projet d’assainissement, de renforcement et d’agrandissement de ces ouvrages réalisable dans les 10 semaines réservées aux travaux de génie civil durant le cluster. La partie souterraine de ce tronçon (287 m de long), comprenant tout ou partie de la tranchée couverte Montbovon (47.6 m), du tunnel (108.6 m) et de la galerie de la Tine (130.8 m), constitue la partie la plus délicate de ce projet. Un programme sur trois ans a permis d’atteindre cet objectif ambitieux. La pose de filets provisoires, le clouage de quelques éperons rocheux fissurés et une purge générale du versant au droit de la galerie ont été réalisés lors de l’été 2016 pour assurer la sécurité des ouvriers qui allaient travailler les années suivantes sur la dalle de la galerie. Ces travaux se sont déroulés dans un contexte d’exploitation normale de la ligne ferroviaire, car la voie était protégée par l’ancienne galerie.

De mars à décembre 2017 se sont déroulés les travaux préparatoires réalisables avec la ligne ferroviaire en service, en recourant à des travaux de nuit lors des travaux à l’intérieur des ouvrages. Le concept d’assainissement de la galerie comprend la réalisation d’une nouvelle dalle de couverture au-dessus de la voûte existante. Côté parement aval, elle s’appuie sur des micropieux définitifs forés au travers des piliers existants et, côté amont, sur des micropieux provisoires. Au stade définitif, après excavation de l’élargissement amont, l’appui de la dalle est constitué par un nouveau mur en béton projeté armé. Dans le tunnel, les seuls travaux qui ont pu être anticipés ont été la mise en place d’ancrages passifs systématiques de 4 à 6 m de long, scellés sur toute la longueur, et la réalisation, depuis la nouvelle dalle de couverture de la galerie de la Tine, d’une voûte parapluie de 12 m de long. Un concept similaire à celui appliqué à la galerie a été développé pour la tranchée couverte. Complexité supplémentaire: cette dalle a dû être réalisée en deux étapes afin de permettre en tout temps une circulation monodirectionnelle gérée par des feux sur la route cantonale Bulle – Château-d’œx. La bonne exécution de ces travaux dans les délais impartis était indispensable au démarrage du cluster.

Relever le défi des délais


Du 20 mars au 1er juin 2018, une fermeture totale de la ligne du MOB entre Montbovon et Château-d’œx a permis des travaux 7 jours/7 et 24 heures/24, afin de démolir, excaver, soutenir et reconstruire au gabarit l’entier du tronçon en souterrain. Pour relever ce défi dans les temps, le travail a été réalisé simultanément sur trois fronts: un accès a été aménagé côté Montbovon pour réaliser les travaux de la tranchée couverte de Montbovon et un autre au droit de la première arche de la galerie de la Tine, permettant d’une part de réaliser les travaux du tunnel et d’autre part les travaux de la galerie.

Afin de limiter au maximum les vibrations sur les structures existantes, des travaux de sciage ont permis de désolidariser les matériaux à démolir des éléments à conserver. Les travaux de démolition/excavation ont ensuite été réalisés à l’aide d’une pelle équipée d’un marteau. Les matériaux étaient évacués au fur et à mesure à l’aide d’un dumper. Etant donné la configuration de la galerie, le concept retenu pour tous les travaux de bétonnage des murs a consisté en une utilisation systématique de béton projeté par voie humide, mis en place dans deux nappes d’armature. Les banquettes ont ensuite été réalisées de façon classique avec la mise en place d’un coffrage et d’un béton coulé dans lequel des fibres polypropylènes ont été ajoutées pour limiter la fissuration. De juin à septembre 2018, des travaux de rejointoyage de tous les moellons du parement aval de la galerie, ainsi que les divers travaux de finition et de remise en état des zones d’installations de chantier, se sont déroulés en conditions normales d’exploitation à l’intérieur des ouvrages assainis.

Olivier Tappy, ingénieur civil EPFL/SIA, Monod-Piguet + Associés Ingénieurs Conseils SA
Olivier Reymond, ingénieur civil EPFL, Monod-Piguet + Associés Ingénieurs Conseils SA
Florent Ponticaccia, ingénieur, Maître en Géoingénierie de l’environnement Université Montpellier II, Monod-Piguet + Associés Ingénieurs Conseils SA.

 

 

Note

1. Pont de la Sauta, galerie et tunnel de la Tine et tranchée couverte de Montbovon, voir «Montreux Oberland bernois: rénovation d’une ligne ferroviaire centenaire», TRACÉS n° 2/2018, pp. 12-16.

 

Intervenants

Maître de l’ouvrage: MOB – Compagnie du Chemin de fer Montreux Oberland bernois
Projet et direction des travaux: Monod-Piguet + Associés Ingénieurs Conseils SA, Lausanne
Géologue: Karakas & Français SA, Lausanne
Réalisation des travaux: Consortium JPF Construction SA – Grisoni Zaugg SA – Infra Tunnel SA – Dénériaz SA

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