Che­min de fer Mon­treux Ober­land ber­nois: ré­no­va­ti­on d'u­ne li­gne fer­ro­vi­ai­re cen­ten­aire

La ligne ferroviaire reliant Montreux (VD) à l’Oberland bernois, composée d’une simple voie métrique, a été mise en service en 1904. De par le relief escarpé du Pays-d’Enhaut, son tracé comporte galerie, tunnels et ponts. En raison de leur âge, plusieurs de ces ouvrages ne répondent plus aux critères de l’aptitude au service et de la sécurité structurale aux sens des normes en vigueur et nécessitent une profonde remise en état.

Publikationsdatum
24-01-2018
Revision
27-01-2018

La Compagnie du Chemin de fer Montreux Oberland bernois (MOB) prévoit d’assainir les ouvrages de génie civil les plus importants sur le tronçon Montbovon – Château d’œx de la ligne Montreux – Zweisimmen ainsi que de corriger la géométrie de la voie et le profil d’espace libre au droit de ces ouvrages. Ces travaux concernent notamment six ponts et viaducs : pont de la Sauta, viaduc des Riz, pont du Lanciau, pont de la Frasse, pont sur le torrent de la Chaudanne et pont des Trois Arches. Ces différents travaux sont décrits ci-après en suivant la logique géographique de la voie de chemin de fer.

Assainissement du pont de la Sauta


Ce pont en maçonnerie à deux arches de 6 m de portée chacune est implanté à flanc de montagne, en bordure de la route cantonale 702 reliant Bulle (FR) à Château-d’œx (VD), de la route communale du Revers et à proximité de la Sarine qui s’écoule en contrebas. Le ripage du futur tracé côté montagne, consécutif à l’assainissement du tunnel et de la galerie de la Tine, conduira à la mise en place d’une auge en béton armé au-dessus du pont existant. Ce principe constructif permettra également de stopper les phénomènes d’infiltration et de rétablir l’étanchéité sous la voie.

La nouvelle auge prendra appui sur l’ouvrage actuel ainsi que sur de nouveaux appuis fondés au rocher côté montagne. Ceux-ci seront accolés au parement de l’ouvrage existant et par conséquent invisibles depuis l’aval. L’ouvrage comprend un chemin de fuite de 1.20 m de largeur côté Sarine.

Assainissement du viaduc des Riz


Le viaduc des Riz est situé sur la commune de Rossinière (VD) et franchit le torrent éponyme. L’ouvrage est partiellement en courbe et comprend deux voûtes en maçonnerie de pierres naturelles, ayant une portée respective de 15 m et 13.5 m pour une largeur hors tout d’environ 4.10 m. La pente longitudinale de l’ouvrage existant est de l’ordre de 29 ‰ (descendante en direction de Montreux). L’axe de la voie a été modifié en 1941 lors d’une optimisation du tracé ferroviaire et le tablier du pont a été élargi en ajoutant une dalle en béton armé avec des consoles au-dessus de l’arche côté Zweisimmen. Globalement, celui-ci n’est plus étanche, ce que démontrent les traces de coulure entre les joints de la maçonnerie et la précipitation de sels minéraux (stalactites, croûtes, etc.).

Le projet prévoit de remettre à niveau le viaduc par l’intégration d’une auge en béton armé sur les voûtes portantes existantes. L’objectif de cette auge est double : il consiste à créer une étanchéité du pont en maçonnerie, et ainsi de supprimer l’eau dans le processus de dégradation de la maçonnerie porteuse, et d’offrir une passerelle de service.

L’ouvrage existant sera remis en état après un nettoyage complet au jet d’eau à haute pression. Ces travaux comporteront une purge des éléments dégradés de la maçonnerie avec réparation de la pierre endommagée ou son remplacement, une purge complète des joints de mortier en ciment Portland (max. 12-15 cm de profondeur), une purge des joints de mortier de chaux dégradés (max. 12-15 cm de profondeur, en général, 3-5 cm de profondeur) et la réalisation d’un nouveau jointoyage complet avec du mortier de chaux.

Le choix du mortier de chaux est primordial car son module d’élasticité est inférieur à celui des blocs de pierres, ce qui permet de donner un peu de « souplesse » à la structure pour préserver l’intégrité des blocs vis-à-vis de l’éclatement et/ou de la fissuration. La remise en état de la structure maçonnée se fera jusqu’à –0.50 mètre sous le niveau du terrain naturel. La surface totale à traiter est d’environ 690 m2.

La remise en état de l’ouvrage nécessite un démontage partiel du couronnement des murs tympans pour permettre de recevoir l’auge en béton. Ces travaux comprennent un démontage propre de la maçonnerie. Ils se feront à partir d’un échafaudage complet. Les éléments de maçonnerie qui ont été déposés seront partiellement réutilisés pour créer un parement partiel devant un élément d’appui sur la pile.

La largeur de l’auge, à sa base, est variable de 4.60 m à 6.59 m. L’épaisseur du radier de l’auge varie également, entre 26 cm et 47 cm, afin de créer des pentes sur la face supérieure permettant l’évacuation des eaux météoriques, mais aussi la rigidification de la dalle et le report des charges sur la pile. Les remontées, qui reposent sur le radier et supportent les porte-à-faux, possèdent un biais afin de faciliter la mise en place du ballast. Un renforcement réalisé au moyen de trois composés-soudés en acier noyé dans le radier de l’auge au droit de la pile centrale est nécessaire afin de permettre le report de l’effort tranchant sur le mur tympan et la reprise du moment de flexion. L’auge est équipée de « barres collectrices » de mise à terre ainsi que d’un système de contrôle du potentiel électrique en vue de détecter un éventuel problème de corrosion d’armature.

La réalisation de l’auge en béton se fera en deux étapes sur la longueur du pont et hors exploitation de la ligne. Le planning de construction étant court, le coffrage sera préfabriqué en atelier et, dans la mesure du possible, les armatures également. Le bétonnage est prévu avec du béton pompé. Les remontées de l’auge et les éléments en porte-à-faux de la passerelle de service sont bétonnés en une fois.

Remplacement du pont du Lanciau


Le pont du Lanciau se situe entre les gares de La Tine et de Rossinière. Il est construit sur la commune de Rossinière dans le canton de Vaud et permet le franchissement de la Sarine en aval du barrage du lac du Vernex. Cet ouvrage rectiligne supporte une seule voie métrique non ballastée. La structure en treillis métallique riveté de type PRATT est iso-statique et repose sur des appuis rotulés au niveau de la culée Montreux et des appuis à rouleaux du côté de la culée Zweisimmen. Sa portée est de 47.40 m pour une largeur (hors passerelle de service) de 3.50 m. La hauteur statique de l’ouvrage est de 4.84 m. Celui-ci ne possède aucune pente longitudinale.

Afin de satisfaire aux exigences concernant le profil d’espace libre et dans le but de renouveler la durée de vie du nouvel ouvrage à construire pour les cent prochaines années, le pont existant du Lanciau sera remplacé par un ouvrage neuf mixte composé d’un treillis métallique à hauteur variable pour la partie inférieure du tablier et d’une dalle en béton en forme d’auge aux bords inclinés en partie supérieure. La hauteur du tablier varie de 3.305 m sur appuis à 5.265 m à mi-travée. La connexion entre le treillis métallique et la dalle en béton est réalisée à l’aide de goujons.

La superstructure ferroviaire existante, composée de rails sur traverses en bois posées sur les longerons métalliques sera remplacée par une auge en béton, ballastée avec des nouveaux rails sur traverses béton. Les deux passerelles latérales, avec platelage en caillebottis, juxtaposées à la voie et fixées sur la structure porteuse métallique du pont seront également changées par des nouvelles passerelles métalliques sensiblement identiques fixées sur l’auge en béton. Les culées en maçonnerie sont quant à elles conservées. Seules les assises des appareils d’appuis sont modifiées, refaites à neuf et rehaussées car la hauteur statique du nouvel ouvrage est plus faible que celle de l’ouvrage existant. Ce nouveau socle d’appui en béton armé est cloué passivement dans la maçonnerie. La transition entre l’auge du pont et l’auge de transition est réalisée par des plats métalliques seulement boulonnés sur l’auge du pont permettant alors la libre dilatation de l’ouvrage.

L’ossature métallique du nouveau pont sera principalement assemblée en atelier. Le treillis métallique arrivera sur le chantier en cinq tronçons qui seront soudés in situ. La réalisation finale (assemblage du treillis, bétonnage de l’auge…) se fera sur une plateforme parallèle au pont actuel. L’ouvrage existant sera démonté et évacué afin de pouvoir riper le nouveau pont.

Assainissement du pont de la Frasse


Le pont sur la Frasse, datant de 1904, est situé sur la commune de Rossinière et franchit le ruisseau éponyme. Cet ouvrage est rectiligne et comprend trois voûtes en maçonnerie de pierres naturelles ayant des portées de 14 m pour la première et 15 m pour les suivantes, pour une largeur hors tout de 4.01 m. Le projet prévoit de remettre à niveau le pont sur la Frasse par l’intégration d’une auge en béton armé sur les voûtes portantes existantes et de construire deux nouvelles culées en béton armé qui seront des appuis transversaux et longitudinaux, sans blocage vertical. L’objectif de l’auge en béton armé vise ici aussi à créer une étanchéité du pont en maçonnerie et d’offrir une passerelle de service. L’ouvrage existant sera lui aussi remis en état selon un protocole identique à celui appliqué au viaduc des Riz, avec la mise en place d’une auge en béton armé au-dessus du pont existant, sauf que la partie verticale de l’auge sera revêtue de la même maçonnerie que le pont existant. L’impact visuel de l’assainissement sera ainsi très limité, seule une bande de la passerelle en béton sera visible. L’aspect du pont actuel est ainsi préservé au maximum.

Les éléments de l’auge en porte-à-faux d’une portée de 1.0 à 1.2 m, des deux côtés de l’ouvrage, servent de chemin de fuite et d’accès pour la maintenance. L’épaisseur de l’élément en béton est d’au minimum 20 cm avec une surépaisseur à l’extrémité du porte-à-faux pour intégrer une goutte pendante, mais aussi pour créer une pente de 1 % vers l’intérieur de l’auge pour les eaux météoriques. La largeur de passage est d’au minimum 1 m.

Pont sur le torrent de la Chaudanne et pont des Trois Arches


Le secteur de la Chaudanne est situé dans un goulet d’étranglement et sur le versant à forte pente de la Sarine, entre les localités de Rossinière et des Moulins. Les travaux sur ces deux ponts se font dans le cadre de l’assainissement du tunnel de la Chaudanne, ouvrage principal de ce secteur avec une longueur de 191 m.

Le projet du pont sur le torrent de la Chaudanne se limite à la mise en place d’une couche d’étanchéité sur la voûte en maçonnerie de ce pont. L’ouvrage sera découvert et assaini en surface par la mise en place d’une chape de 5 cm et une couche d’étanchéité en lés collés avec un revêtement de protection. Les eaux seront récoltées en bordure de l’ouvrage et rejetées dans le torrent de la Chaudanne.

L’objectif de l’assainissement du pont des Trois Arches consiste à élargir la plateforme avec des passerelles de service répondant aux exigences des normes de sécurité en vigueur, mais surtout de protéger l’ouvrage en maçonnerie des infiltrations d’eau pour assurer ainsi sa pérennité. Le principe retenu consiste à réaliser une auge en béton coulé sur place avec une étanchéité de type usuel pour les ponts, constituée de lés bitumineux collés avec une couche d’asphalte de protection. Les eaux de ruissellement seront récoltées latéralement et longitudinalement sur l’ouvrage, puis introduites dans le réseau des eaux de drainage du tunnel à son portail Est. Un garde-corps sera placé de chaque côté de l’ouvrage pour assurer la sécurité du personnel d’entretien de la voie ou en tant que chemin de fuite lors d’une évacuation d’urgence du train.

Une coupure de ligne indispensable


Ce projet d’assainissement de galerie, tunnels et ponts, dont les travaux préparatoires ont débuté en mars 2017, nécessitera une interruption totale de la circulation des trains lors des travaux les plus importants. Cela au cours d’une opération coup de poing qui aura lieu du 19 mars au 1er juin 2018 afin de garantir un niveau suffisant de sécurité de l’exploitation ferroviaire et des ouvriers sur le chantier. La durée de l’interruption est déterminée par les travaux d’alésage de l’intérieur de la galerie et des tunnels. L’interruption est également mise à profit pour la réfection des ponts. La fin des travaux est prévue pour la mi-juillet 2018. Le budget de l’ensemble du projet d’assainissement des ouvrages importants du tronçon Montbovon – Château-d’œx se monte à quelque 50 millions de francs.

Gaëtan Baudin, ingénieur HES chef de projet chez Emch+Berger SA à Lausanne ; chef de projet BAMO.

 

 

Intervenants

Maitre d’ouvrage : Compagnie du Chemin de fer Montreux Oberland bernois (MOB)
Bureau d’assistance au maître d’ouvrage : Emch+Berger S.A.

Auteurs de projets
Pont de la Sauta : MONOD - PIGUET + ASSOCIéS Ingénieurs Conseils S.A.
Viaduc des Riz et pont sur la Frasse : AF Toscano S.A.
Pont du Lanciau : T-ingénierie S.A.
Pont sur le Torrent de la Chaudanne et Pont des Trois Arches : BG Ingénieurs Conseils S.A.