Ga­gner un con­cours avec un par­king ré­ver­si­ble

Les lauréat·es des MEP portant sur la nouvelle plateforme de mobilités du site AgriCo à Saint-Aubin (FR) suggèrent des pistes d’évolution pour le parking-silo. Il s’agit de penser réversibilité, et non uniquement de résoudre un programme. Dans ce cadre, la performance de l’ingénieur·e civil·e est prépondérante.

Publikationsdatum
27-12-2023

«De nos jours, il est urgent d’interroger l’usage de nos bâtiments ainsi que la fonction que notre société leur attribue. Un parking ne peut plus être pensé comme un simple lieu de stockage de voitures. Dans un futur que j’espère proche, ces bâtiments sont voués à être réaffectés. Or, cette réaffectation future doit être pensée et intégrée dès le départ : il vaut mieux transformer que déconstruire.» Ces mots, ce sont ceux d’Emeric Paquier, ingénieur civil chez Basler & Hofmann. Le bureau a récemment remporté, en collaboration avec AFF Architekten, les MEP portant sur la construction d’une plateforme de mobilités organisés par l’Établissement cantonal de promotion foncière (ECPF), gérant du site AgriCo à Saint-Aubin.

Histoire du site

Commune du canton de Fribourg, au nord de la plaine de la Broye, Saint-Aubin se trouve au pied du relief du Vully. Elle a accueilli pendant des années une ferme, un domaine agricole de 100 hectares ainsi qu’un centre de recherche animale de Novartis, conçu par l’architecte Jakob Zweifel dans les années 1960. Le projet a été développé selon un système modulaire constitué d’iconiques et puissantes poutres de béton en U (système Gerber)1.

Aujourd’hui, l’ECPF a pour ambition de faire du lieu un site industriel pionnier et le campus Agroalimentaire & Biomasse de référence en Suisse; «un campus d’échanges d’idées, avec une mobilité intelligente, sans circulation motorisée en son centre». La plateforme de mobilités demandée dans le cadre des MEP a pour ambition de permettre la gestion des flux à l’entrée est du site.

La réversibilité comme mot d’ordre

Le projet lauréat Ligne durable donne le ton avec sa devise «un parking-silo, plus qu’un parking…». Son point fort? Sa réversibilité, qui se décline dans deux décisions: d’abord un phasage linéaire en deux étapes qui renforce l’axe central du site, tout en anticipant une réadaptation en fonction des besoins réels du futur (estimés aujourd’hui à 1350 places); ensuite l’étroitesse des bâtiments (16 m), gage de légèreté, aussi bien en termes d’expression que de structure. Desservi par un système de rampes au centre, le bâtiment est doté d’une faible épaisseur de planchers, qui permet de réduire sa hauteur totale. Les planchers sont conçus selon deux systèmes différents qui s’alternent, les dalles primaires étant pensées en IFB béton nervuré (Integrated Floor Beams) et les secondaires en IFB béton/bois. Ce type de construction, ainsi que les charges utiles différenciées prévues, permettent de supprimer un plancher sur deux et rendent donc le projet adapté à un changement d’affectation des locaux – même si pour l’heure, personne ne sait encore dire vers quelles fonctions.

Ligne durable n’était pourtant pas le seul projet à miser sur la réversibilité, c’était aussi le cas de Le grand Glâne. En revanche, l’équipe a fait le choix de modifier les matériaux de la structure porteuse entre le premier dialogue et le dernier: le jury a estimé que l’élégante structure bois-béton proposée, avec ses piliers doubles en V, nécessitait des détails de construction relativement complexes pour la descente des charges verticales d’un étage à l’autre, qui ne conviendraient pas après suppression des planchers en cas de réaffectation.

À retenir enfin, la proposition L’aile ou la cuisse, qui suggérait de réutiliser les éléments en U issus de la démolition de l’un des bâtiments de Zweifel pour construire un couvert périphérique au parking-silo. Saluée sur le plan patrimonial, la solution a toutefois été jugée excessive au vu des investissements nécessaires pour les usages proposés (quantités élevées de béton prévues au niveau du radier et dimensions peu optimales de la section prévue pour les sommiers secondaires des planchers des étages).

Comme un écho au dossier du mois dernier sur l’avenir avec ou sans voiture (TRACÉS 02/2023), les résultats de ces MEP montrent l’incertitude liée à l’automobile. Dans ce cas et dans l’exercice – toujours plus rare – d’une construction neuve, ce n’est pas tant la résolution du programme qui est déterminante que l’expertise de l’ingénieur·e civil·e, sa capacité à concevoir et dimensionner des structures évolutives. Autrement dit : le comment avant le pourquoi.

Nouvelle plateforme de mobilités sur le site AgriCo à Saint-Aubin (FR)

 

Maître d’ouvrage
Établissement cantonal de promotion foncière (ECPF)

 

Procédure
Mandats d’étude parallèles à un degré en procédure sélective

 

Projet lauréat
Ligne durable – AFF Architekten, Basler & Hofmann, Metron, Emch + Berger

 

Autres projets (par ordre alphabétique)

  • Être roseau – AREP, BG Ingénieurs Conseils
  • L’aile ou la cuisse – Bunq, Sabert, Team + mobilité – RR&A
  • Le grand Glâne – Itten+Brechbühl, SEGC Ingénieurs Conseils, KBM Engineers, Citec Ingénieurs Conseils
  • Mille-feuille – Architram architecture et urbanisme, sd ingénierie fribourg, Emch + Berger Mobilité & Transport

Note

 

1 Jakob Zweifel, «Centre de Recherches Agricoles à St-Aubin (Fribourg)», Bauen + Wohnen 23/1969

Rapport du jury et planches sur competitions.espazium.ch

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