Une den­si­fi­ca­ti­on en­co­re in­suf­fi­san­te

Dans notre pays, les surfaces de transport représentent 30% des surfaces d’habitat et d’infrastructure où elles occupent la deuxième place. Alors que le milieu bâti se caractérise par une densification accrue, la planification des transports peine à suivre le mouvement. Mais pourquoi?

Publikationsdatum
21-09-2021

Le Letten zurichois, le long de l’ancienne voie du chemin de fer de la rive droite du lac de Zurich, les douzaines de voûtes du viaduc de Letten où passait jadis ce chemin de fer et du viaduc de Wipkingen encore en service – tous démontrent de manière éclatante la réaffectation, l’usage mixte et la densification des infrastructures urbaines1. La multifonctionnalité ne date pas d’hier, mais son usage actuel a permis à tous les acteurs d’en prendre conscience.

Alors que les plus grandes villes suisses luttent depuis maintenant presque 20 ans contre la prolifération urbaine et qu’elles se battent pour réduire la consommation des surfaces habitables, la planification des transports hésite à aborder des questions semblables. Or la Suisse connaît depuis des années les nombreuses approches (chargement des automobiles, autoroute ferroviaire, ponts à deux niveaux de circulation) qui permettent un usage polyvalent des infrastructures de transport.

La pierre d’achoppement des compétences

Selon l’atlas statistique de la Suisse, les infrastructures de transport occupent en tout 30% de la surface d’habitat et d’infrastructure, si bien qu’elles offrent, en principe, un potentiel considérable en termes de réaffectation ou d’utilisation mixte.

Il apparaît toutefois clairement que, comparé aux infrastructures routières, le potentiel de densification des infrastructures ferroviaires est restreint car elles représentent un modeste 10% des quelque 950 km2 d’aires de circulation dont la vaste majorité (88%) revient aux autoroutes (7%) et aux routes cantonales et communales (81%).

La planification de l’utilisation polyvalente des infrastructures de transport est soumise à des cadres juridiques très contrastés. Deux exemples pris dans la ville de Zurich illustrent le caractère relativement malchanceux de ces projets: la mise en tranchée couverte de Schwamendingen (en cours de réalisation) et le Seebahnpark dans les quartiers de Wiedikon et Aussersihl.

Les premières idées de mise en tranchée couverte de l’autoroute A1 à Schwamendingen remontent à une initiative populaire de la fin des années 1990. Comme les émissions sonores dépassaient les limites légales et qu’à l’époque les cantons étaient responsables des routes nationales sur leur territoire, la demande a bénéficié d’une forte solidarité au sein de la population locale et régionale. À ce jour, le projet a toujours le vent en poupe. En résumé, deux aspects clés le font avancer: l’assainissement sonore incontestablement requis en raison du dépassement des valeurs limites et la compétence qui revenait à l’époque à l’autorité locale de planification.

La situation est différente pour le Seebahnpark où un parc devrait recouvrir la tranchée ferroviaire située entre la gare de Wiedikon et l’ancienne gare de marchandises à l’entrée de la gare principale de Zurich. Le projet est comparable au précédent sur le plan conceptuel, mais les valeurs sonores respectent les valeurs limites sur le tronçon ferroviaire concerné. En leur qualité de propriétaires des infrastructures, les CFF sont par ailleurs seuls responsables des éventuelles mesures d’assainissement. Tant qu’ils n’y sont pas obligés par la loi, ils ne prendront pas l’initiative d’envisager ni de financer un tel recouvrement.

Le rôle de l’aménagement du territoire

En 2014, la stratégie de développement territorial à long terme du canton de Zurich confirmait également que ces deux sites présentaient, à première vue, le même potentiel élevé d’utilisation polyvalente. À la Seebahnstrasse, qui est parallèle à la tranche ferroviaire de Wiedikon à la hauteur des quartiers environnants, le niveau des émissions sonores dépasse celles du chemin de fer, si bien qu’à lui seul, le recouvrement ne permettrait pas de les réduire de manière notable.

C’est ainsi que l’année dernière, malgré une bienveillance de principe, le Conseil d’Etat du canton de Zurich a répondu à une question du Grand Conseil sur le Seebahnpark en se référant aux fondements juridiques qui obligent uniquement le propriétaire d’une infrastructure de transport à satisfaire et financer les exigences nécessaires à une exploitation sûre dans le respect des prescriptions en vigueur.

Ce renvoi au cadre juridique est certes compréhensible, mais il revient à poser a priori une feuille de vigne bureaucratique sur une multitude d’idées en matière d’aménagement du territoire. Or la loi sur l’aménagement du territoire comprend des instruments tout à fait adaptés au financement – au moins partiel –  de tels projets: compensation des avantages résultant de mesures d’aménagements ou participation volontaire à de telles mesures. Lesdits instruments offrent en outre aux autorités chargées de l’aménagement du territoire la possibilité de jouer un rôle plus actif dans le processus de planification.

La densité se profilerait-elle à l’horizon?

La planification des transports ne semble donc pas avoir encore pleinement intégré la question de la densification, même si elle est inévitable, à court ou long terme. Du moins l’Office fédéral de l’environnement a-t-il défini la densification ou le regroupement des infrastructures de transport comme une tâche ayant une incidence sur le territoire. Dans la version actualisée de la Conception «Paysage suisse», l’OFEV définit des objectifs contraignants pour les autorités visant à un développement qualitatif du paysage.

Toutefois, ce caractère contraignant pour les autorités concerne uniquement les infrastructures de transport aux mains de la Confédération, soit les routes nationales et une partie des infrastructures ferroviaires. Les chiffres cités au début de cet article montrent qu’il s’agit de moins de 17 % de la surface totale occupée par les infrastructures de transport. Il ne nous reste plus qu’à espérer que ce principe gagne également les politiques d’urbanisation cantonale et communale.

Note

 

1. En 2011, «Au viaduc» s’est vu décerner une reconnaissance par la SIA qui distingue les projets apportant une contribution remarquable et innovante à des réalisations durables et porteuses d’avenir.

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