En­fin une com­mis­sion d’ar­chi­tec­tu­re et d’ur­ba­ni­sme à Lau­san­ne?

Data di pubblicazione
29-08-2019

Attentives à la qualité de leur développement urbain, nombre de villes suisses n’ont pas attendu 2016 et l’entrée de la «culture du bâti» dans le message culturel du Conseil fédéral, pour se doter de commissions d’architecture et d’urbanisme. Ce dispositif permet aux professionnels du bâti de s’exprimer sur les projets déposés. Zurich, pionnière en la matière, dispose d’une telle commission depuis les années 1850, Bâle depuis le début du 20e siècle. La plupart des villes qui se soucient de leur environnement bâti ont la leur: Berne, Bienne, Lucerne, Winterthour, St-Gall, Zoug ou encore Genève, dont les commissions sont organisées à l’échelle cantonale1. Lausanne a enfin prévu dans son programme de législature la création d’une commission d’architecture et d’urbanisme. Dans son rapport de février 2019, la Cour des comptes l’encourage à l’instaurer au plus vite. La profession s’en félicite et l’attend.

La densification vers l’intérieur, préconisée par la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT), exerce désormais une pression accrue sur les centres urbains. Une urbanisation constituée de projets de qualité est donc cruciale pour assurer la gestion d’une densité harmonieuse. Si le travail d’une commission ne peut, à lui seul, garantir l’excellence de la production architecturale d’une ville, il y contribue certainement.

Lire également l'entretien de Grégoire junod: «C’est la mul­ti­pli­cité d’in­ves­tis­seurs au sein de chaque pièce ur­baine qui gé­nère la mixité»

La Municipalité de Lausanne, à l’instar des autres villes vaudoises, bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation en matière d’esthétique et d’intégration, conformément à la constitution cantonale. Il incombe en effet aux communes de statuer sur ces thématiques qui s’écartent d’un cadre purement légal. Il s’agit de le faire de manière équitable et en bonne connaissance de cause. En réunissant des professionnels de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage, indépendants du politique, une commission a pour mission d’examiner les projets d’architecture sous l’angle de leur qualité architecturale et de leur intégration dans le tissu existant. Le rapport qu’elle rédige sur son activité constitue une aide précieuse à la décision pour l’autorité compétente en matière d’autorisation de construire, tout en favorisant l’émergence d’une vision globale et en contribuant à forger une culture commune. La valeur du bâti ne se résume pas à la couleur de sa façade ou à d’autres considérations subjectives : par la diversité de sa composition et le dialogue qu’elle instaure, une commission professionnelle garantit une approche concertée et la plus large possible.

Vers la démocratisation de la culture du bâti Luigi Snozzi, qui a présidé plusieurs commissions d’architecture et d’urbanisme, relevait déjà dans les années 1980 la nécessité d’une dissociation nette entre le travail du politique et celui de la commission. Ainsi, précisait-il dans un entretien2: «Chacun doit être responsable de ses propres décisions, dans le cadre de ses propres compétences.» D’ailleurs, le statut de la commission étant consultatif et non décisionnel, l’autorité peut à tout moment décider de se distancer de ses rapports, lors d’une pesée d’intérêts entre les différentes politiques publiques.

Par ailleurs, une commission, selon le rôle qu’on lui assigne, peut devenir un vrai partenaire pour un Exécutif qui porte de hautes ambitions en matière d’urbanisme et d’architecture. En prenant exemple sur des modèles existant en Suisse ou dans les pays voisins, tout en veillant à y insuffler ses spécificités, la ville de Lausanne pourrait créer une commission à sa mesure. Celle-ci, constituée de professionnels qualifiés, pourrait être associée aux études en cours, telles que le plan directeur communal (PDcom) et le nouveau plan d’affectation (PA). Ceci contribuerait favorablement à la mise en place d’une culture du bâti partagée par les services administratifs, les autorités décisionnelles et la profession. Lausanne pourrait ainsi contribuer à sensibiliser positivement ses citoyens sur les questions en lien avec le bâti et permettre à l’architecture contemporaine, en tant que patrimoine de demain, de prendre sa place en ville.

Car la culture du bâti est l’affaire de tous. Cela a été rappelé au niveau européen par la déclaration de Davos en 2018. Celle-ci prône la «mise en œuvre d’une culture du bâti afin d’accroître le bien-être humain»3. La création d’une commission d’architecture et d’urbanisme entre dans le processus de démocratisation indispensable de la culture du bâti, garant de la qualité de notre cadre de vie.

Notes

 

1. Un recensement des commissions de Suisse renseignant sur leurs différentes formes a été mené par la Fédération des architectes suisses (FAS) et publié en février 2019 : Commissions d’urbanisme – le fondement de la Culture du bâti. bsa-fas.ch

2. Entretien avec Luigi Snozzi publié dans Werk, Bauen + Wohnen, n° 3/1988 

3. davosdeclaration2018.ch (Lire également l'article Les mi­nistres eu­ro­péens de la culture dé­fendent à Da­vos une culture du bâti de qua­lité)À Genève se tient prochainement une conférence ouverte au grand public intitulée «Getting the measure of Baukultur», qui discutera l’amélioration de notre espace de vie. Conférence organisée en novembre prochain par l’Office fédéral de la culture (OFC) suisse, le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS), l’Union internationale des architectes (UIA), la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA) et le Département du territoire (DT) du canton de Genève.

Commission d’architecture – pourquoi et pour quand?
Débat SIA-Urbanités

 


2 septembre 2019 / 18:30
Forum d’Architectures de Lausanne

Avec la participation de:

 

Grégoire Junod, syndic et directeur de la culture et du développement urbain, Ville de Lausanne

 

Astrid Staufer, architecte, membre de la commission zurichoise 2014-2018

 

Barbara Schwickert, conseillère municipale, directrice des travaux publics, de l’énergie et de l’environnement, Ville de Bienne

 

Eric Brandt, ancien juge cantonal vaudois

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