Le pa­tri­moi­ne com­me ca­pi­tal éner­gé­tique

Publikationsdatum
21-04-2022

Lors du premier Forum Énergie+Patrimoine, des spécialistes et administrateurs des services de l’énergie sont parvenus à s’entendre avec des représentants et spécialistes du patrimoine1. C’est un moment historique. Les deux camps opposés se sont retrouvés sur une voie commune, qui mènerait vers une plus grande sobriété: le «patrimoine» ne doit plus être perçu comme une collection d’objets singuliers à protéger mordicus des nouvelles exigences, des «exceptions» aux politiques de mises aux normes énergétiques, mais avant tout comme une ressource, un formidable capital d’énergie grise (et de matière grise) déjà investie et que nous devons absolument continuer à exploiter.

Si les mises en normes restent une priorité, on réalise désormais que la part des énergies grises deviendra bientôt prépondérante dans le bilan global des nouvelles constructions2. Or, il faut pouvoir s’entendre sur le calcul d’un bilan énergétique global. Et là, si rien n’est simple, il y a quand même quelques principes qui nous ont été rappelés3, qui permettent de hiérarchiser clairement l’impact des décisions. Dans l’ordre, les facteurs les plus déterminants seraient:

1. la taille du bâtiment projeté;

2. la décision de démolir et reconstruire;

3. le volume des sous-sols et l’emprise au sol;

4. et en dernier, le facteur de forme et la matérialité mise en œuvre (soit «son architecture»).

Ce sont donc les urbanistes et les Communes qui ont le plus fort impact dans le bilan global, suivis par les maîtres d’ouvrage et ensuite seulement les architectes. Aussi les calculs savants pour comparer l’impact d’une dalle bois vs en béton recyclé ne pèsent pas bien lourd dans l’équation, une fois les trois premières décisions arrêtées.

De même, il nous faut hiérarchiser ce qu’on entend par «recyclage», car l’efficacité grise est proportionnelle à la taille et l’intégrité des éléments réutilisés. Aussi 1) conserver un bâtiment entier est mieux que 2) le découper; et encore mieux que 3) le broyer4. Simple question de physique.

Ainsi, malgré sa petite taille, l’opération du Risoux, que nous présentons dans ce numéro (p. 60), est intéressante car elle repose sur un principe qui pourrait servir de précédent, de Lausanne à St-Gall, dans toutes ces petites villes suisses constituées de «plots» isolés. L’opération survient dans un site classé à l’Inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse (ISOS). Au lieu de démolir deux petits immeubles et d’en reconstruire un plus grand, les propriétaires ont proposé de les coupler, en insérant un volume à cheval entre les deux parcelles et en réemployant ce qu’ils pouvaient. Seule une exception dans le règlement a autorisé une telle opération, qui devrait au contraire être encouragée (à condition de le faire avec doigté, comme ici). Espérons que les PGA actuellement en révision dans le pays permettront de mettre fin à ces règlements désuets.

Notes

 

1. Forum Énergie + Patrimoine, 25 et 26 mars 2022, energie-patrimoine.ch. Compte-rendu des échanges à paraître dans la revue Tracés et sur ­espazium.ch

 

2. «Les nouveaux bâtiments ayant fait l’objet d’un bilan montrent que 30 à 50 % des émissions de GES liées aux bâtiments sont d’origine grise.», Transfer – Zéro net, espazium – Les éditions pour la culture du bâti, avril 2022, p. 12

 

3. Intervention de Francine Weggmüller, Weinmann énergies, fondée sur la documentation SIA D0258, complément à la SIA 2040.

 

4 L’occasion de rappeler aussi que «le béton recyclé préserve certes l’extraction des matières premières mais son retraitement génère autant de CO2 que la fabrication du béton conventionnel.», Transfer – Zéro net, p. 16.

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