Ques­ti­ons d’espace

Covid-19 chez espazium

La rédaction romande d’espazium.ch et TRACÉS travaille à domicile depuis trois semaines maintenant, avec les rédactions de Tec21 et d’Archi. Comme une bonne partie d’entre vous, chères lectrices et chers lecteurs, nous sommes passés au télétravail. Nous venons de livrer notre premier numéro papier conçu entièrement en numérique, par e-mails interposés, à coup de vidéo-conférences, en tâchant d’organiser au mieux les gardes d’enfants.

Publikationsdatum
02-04-2020
Cedric van der Poel
Codirecteur d'espazium.ch, espace numérique des éditions pour la culture du bâti

Le dossier thématique de cette édition redéfinit la ruine comme porteuse de nouveaux modes de conception et de projets. Cette redéfinition s’inscrit dans un travail continu de réflexion sur la manière dont nous construisons nos territoires à l’heure de la transition environnementale. Or ces contributions font un écho étrange à l’actualité de ces dernières semaines, parsemée d’images de rues et de places abandonnées. Rassurez-vous, de notre côté, pas question de tomber dans la collapsologie facile. Nous préférons aborder cette crise comme un enseignement pour affronter celle que nous vivons déjà. En effet, un certain nombre de penseurs1 a émis l’idée que le virus nous obligerait à une «répétition générale» des mesures que nous devrions entreprendre sans attendre pour affronter la crise environnementale, bien plus destructrice et mortelle que celle que nous vivons actuellement. Nous l’observerons à travers le prisme du domaine qui est le nôtre: l’espace.

Contre les épidémies, il y a des mesures phar­ma­cologiques, et il y a des mesures spatiales. Nombreux sont les historiens qui nous ont rappelé ces derniers temps comment les villes ont été façonnées par les microbes, les bactéries et les «miasmes» – ou plutôt nos méconnaissances à leur égard. Quand on se souvient que la tuberculose, jusqu’à il y a un siècle, était soignée exclusivement par des cures d’air frais et de soleil, les percées hygiénistes d’Haussmann, les cités jardins et même certaines obsessions du Mouvement moderne naissant trouvent une bonne partie de leur explication. Le Corbusier ne proposait-il pas de raser le cœur historique de Paris vers 1930 afin d’éviter la propagation du choléra et de la tuberculose?

La situation de confinement que vit la moitié du monde heurte profondément notre rapport à l’espace –à différentes échelles: celle du logement, de la ville, du territoire. Elle soulève donc des réflexions que les professionnels et les chercheurs doivent absolument saisir. Elle apportera des mutations rapides et peut-être inéluctables dans nos métiers, elle révélera également certains dysfonctionnements que nous devrons pointer du doigt.

Une réflexion en deux temps
Au milieu de la cacophonie grandissante, la rédaction propose de prendre du recul et de traiter l’actualité en deux temps: d’abord, en prenant dès aujourd’hui le pouls des architectes, ingénieurs, enseignants et chercheurs dans une série d’entretiens publiés en ligne sur espazium.ch qui devront contribuer à faire circuler l’information, réunir les revendications et affleurer les failles d’un système en transition ; puis en élaborant une réflexion de fond sur ce qui se déroule, dans un dossier thématique à venir.

Les propos échangés avec les professionnels nous amènent déjà à quelques réflexions à chaud:
Alors que le ralentissement donne à certains architectes l’espoir romantique de retrouver le «temps de l’architecture» perdu, le confinement questionne le rapport à l’espace domestique. Pour Simon Chessex (Lacroix-Chessex, photo ci-dessus), cette crise «va mettre en exergue la disparité entre bonne et mauvaise architecture». Daniel Zamarbide (BUREAU) souligne l’importance dans la situation de confinement de concevoir des espaces facilitant la ritualisation de la vie quotidienne.

La crise révèle également les défaillances dans l’ensemble des métiers du secteur de la construction, qui sont constamment en flux tendu, remarque Guy Nicollier (Pont12 Architectes). Il soulève au moins trois points extrêmement problématiques: le manque de liquidités, le manque de temps et le manque de matériaux.

Du point de vue des enseignants, à côté des problèmes liés à la perte de la dimension matérielle, c’est surtout «le facteur humain» qui mérite la plus grande attention, rapporte Dieter Dietz, qui enseigne à distance l’atelier de première année à plus de 170 étudiants connectés en même temps.

Nous souhaitons que les professionnels de la culture du bâti puissent tirer de cette crise une réflexion enrichissante, et surtout passer ce cap sans trop de dommages.

 

Note

1. Lire par exemple la tribune de Bruno Latour, chef de file tout désigné de cette posture : «La crise sanitaire incite à se préparer à la mutation climatique», Le Monde, 25.03.2020.

En ligne sur espazium.ch

Retrouvez notre dossier spécial sur: COVID-19

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