Be­ing in a Bi­en­na­le – in­ter­view #05: Charles Pic­tet

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Finaliste du concours pour le pavillon suisse à la Biennale d'architecture de Venise 2018, nous retrouvons Charles Pictet qui présente sa proposition « outlaw » et élargit la discussion autour de l’intérêt général et l’influence actuelle des biennales d’architecture.

Publikationsdatum
09-07-2018
Revision
10-07-2018
Cedric van der Poel
Codirecteur d'espazium.ch, espace numérique des éditions pour la culture du bâti

«OUTLAW» – Proposition de l’architecte genevois Charles Pictet pour le pavillon suisse à la biennale d’architecture de Venise 2018. Projet retenu pour le deuxième tour du concours lancé par Pro Helvetia en novembre 2016.


Le travail des architectes a été modifié par la densification récente des normes de construction.
Mesures environnementales, sécuritaires, sociales, économiques. Ces contraintes multiples sont le reflet d’une société qui traduit l’évolution de ses paradigmes en lois.
Le manque de pertinence de beaucoup de ces nouvelles contraintes cumulées, produit une perplexité croissante parmi les architectes et les ingénieurs qui y sont soumis. La pratique de l’architecture s’en retrouve asservie à un corps de lois qui entravent sa mission.

Constat

Tout ce que les êtres humains ont construit depuis les premières sédentarisations mésopotamiennes jusqu’à aujourd’hui ; toutes civilisations confondues ; tout type d’objet confondu : abri, tente, igloo, yourte, temple, immeuble, cathédrale et autres édifices publics ou privés frustes ou opulents ; même l’héritage moderne du 20ème siècle ; en somme, tout le patrimoine que nous mettons sous protection soit 10’000 ans d’héritage de l’humanité se trouve oblitéré par les normes actuelles. Tout a été rendu illégal en vingt-cinq ans.

Formellement

Nous proposons de questionner cet état de fait de trois façons:

1. L’iconographie : en illustrant le constat par une vaste collecte de documents photographiques iconiques où figure paradoxalement un élément bâti devenu illégal.

2. Le questionnement des limites de la mise aux normes: en figurant par les outils de la représentation ce qu’impliquerait la mise aux normes de milieux singuliers ou emblématiques. Imaginons par exemple Venise mise aux normes respectant : barrières architecturales ou distance entre bâtiments... De larges photomontages installés dans la grande salle du pavillon imprimeront des images fortes dans l’imaginaire et permettront une compréhension instantanée du propos de l’exposition.

3. L’expérience du dépassement de la norme par le projet  une ou plusieurs constructions spatiales à grande échelle permettront d’expérimenter un champ de possibles.

Ces trois volets occuperont respectivement les trois espaces du pavillon, le troisième occupant le patio.

Le cas échéant, pour le deuxième tour de jury, le projet formel sera développé par un collectif d’architectes délégués par la Fédération des Architectes Suisses FAS. La forme collective est le corollaire indispensable d’une prise de position forte.

Matériellement

Cette proposition veut redéfinir un rôle : celui du projet d’architecture. Ce dernier qui tend à glisser en aval vers une réponse au carrefour de multiples contraintes doit reprendre sa place en amont au carrefour de multiples ambitions.

Certains artefacts de grande taille sont l’illustration du rôle naturel de l’architecture. Fruit d’un travail mené parfois sur plusieurs générations ces œuvres collectives reflètent une utopie sociale et un idéal porté vers une réalité concrète.

Dans le pavillon suisse de la biennale de Venise, nous revendiquerons ce rôle indispensable du projet. Ce dernier n’est pas une réponse à un faisceau de contraintes contradictoires. Il est la façon adéquate de résumer l’enjeu et de choisir les bons termes pour poser l’équation d’un besoin de société. En portant un regard critique sur la surrèglementation, nous revendiquerons le seul rôle possible de l’architecture au niveau social. Celui qu’elle a tenu pendant 9’975 années.

[Texte de présentation repris du dossier de candidature élaboré par l’architecte Charles Pictet au nom de la Fédération des Architectes Suisses (FAS).]

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