Ode au jour­na­lis­me

En plaçant la rédaction au cœur de son projet, le bureau belge Office Kersten Geers David Van Severen remporte la procédure de mandats d’étude parallèles pour le bâtiment de la Radio Télévision Suisse sur le campus de l’EPFL.

Publikationsdatum
02-09-2015
Revision
22-10-2015

Lausanne se profile comme le pôle médiatique de Suisse romande. Après le quotidien Le Temps, qui a quitté Genève pour s’installer dans la tour Edipresse réalisée par le regretté Jean-Marc Lamunière, c’est au tour de la Radio Télévision Suisse (RTS) de concentrer ses activités dans la capitale olympique. 

En 2010, la fusion entre la Télévision Suisse Romande et la Radio Suisse Romande était annoncée. Quatre ans plus tard, la direction décide de poursuivre dans cette voie – de rationalisation pour certains, de modernisation pour d’autres – et de parachever cette fusion en réunissant sur un même site et au sein d’un même bâtiment les trois activités principales de la nouvelle entité – la radio, la télévision et le multimédia. 

C’est au cœur des hautes écoles, parmi les experts et les scientifiques dont elle exploite les compétences quotidiennement et dont les innovations révolutionnent ses activités, que la RTS a décidé d’amarrer son futur vaisseau de l’information. La parcelle d’environ 14 000 m2 est située à l’extrême sud-est du campus de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), à la frontière avec celui de l’Université de Lausanne. Elle est délimitée au sud par le bâtiment Odyssea, une ancienne tour de Swisscom et la route cantonale, l’avenue Forel à l’est, la route des Noyerettes au nord et le Rolex Learning Center à l’ouest. 

Au niveau du programme, le nouveau bâtiment devra accueillir les plateaux TV et radio, le public et les lieux de production, les studios de diffusion radio, les studios de pré-production radio et les cabines de montage, les rédactions, la médiathèque RTS, l’administration et les services techniques, des restaurants et un parking pour les collaborateurs. Le maître d’ouvrage souhaite que ce programme inhabituel et technique soit soutenu par un bâtiment soulignant l’ouverture sur la cité et au public, et qu’il puisse gérer les changements rapides d’un secteur en pleine révolution. 

Procédure adéquate


Très intelligemment, le professeur Luca Ortelli, président du collège d’experts, a proposé au maître d’ouvrage l’organisation de mandats d’étude parallèles. Hétérogénéité de l’environnement architectural, proximité avec des objets iconiques comme le Learning Rolex Center ou le bâtiment en construction de Kengo Kuma, insertion au sein de deux campus universitaires, technicité, flexibilité et ouverture aux publics étaient les principaux défis d’un ouvrage qui doit, comme le souligne Luca Ortelli, dans l’introduction du rapport du jury, « être une sorte de spacialisation de la manière dont les différents médias participent à la production et à la diffusion d’informations et de culture ». 

La présélection lancée en mai 2014 a permis de sélectionner huit bureaux, de renommées et de provenances variées, sur la base d’une présentation et de planches exposant leur intentions. Trois ateliers ont jalonnés ces mandats. Cette procédure itérative, plus longue et plus coûteuse qu’un concours, cumule toutefois plus d’un avantage, notamment pour des objets aussi complexes. Le maître d’ouvrage, à travers le dialogue qu’il instaure avec les bureaux, peut affiner voire changer ses priorités et exigences. De leur côté, ces derniers ont la possibilité d’expliquer et défendre leur projet et, le cas échéant, rectifier le tir. Cette procédure permet également au maître d’ouvrage de tester l’écoute et la réactivité des bureaux qui peuvent, eux, évaluer rapidement leur volonté de travailler avec ce dernier. 

Décomposition structurante


A ce jeu-là, c’est le jeune bureau bruxellois Office Kersten Geers David Van Severen qui s’est montré le plus persuasif. Si au niveau formel, la proposition des Belges n’est pas la plus convaincante – on préférera par exemple le projet en terrasses desservies par de magistrales rampes d’accès du bureau français Lacaton Vassal – elle est redoutable d’efficacité et de clarté. 

Le bureau, pour qui la puissance de l’architecture réside également dans sa capacité à diviser, propose un bâtiment dont les différents secteurs – TV, radio et multimédia – sont clairement hiérarchisés et physiquement délimités mais liés transversalement par le cœur bouillonnant où l’information est produite : les rédactions. En effet, quatre blocs de différents volumes – l’un dédié à la radio, le deuxième à la télévision, le troisième accueille la médiathèque et le dernier l’administration – supportent à sept mètres au-dessus du sol une « plateforme » entièrement dédiée au travail rédactionnel, dont la forme curviligne épouse le périmètre. Comme le relève le rapport du jury, les différents espaces de cette plateforme – de larges surfaces ouvertes et modulables, de grands vides pour les plateaux d’enregistrement ou encore des endroits plus confinés et isolés organisés par la géométrie des poutres structurelles et un système de patios – répondent parfaitement aux exigences du maître d’ouvrage en matière de flexibilité, d’adaptation et d’échange entre les rédactions. La luminosité est « assurée par un système de couverture à shed qui s’étend sur toute la surface ». 

Au niveau du rez-de-chaussée, les quatre différents blocs sont reliés par un mur de verre qui forme le foyer central. 

Soutenu par le travail du paysagiste Bas Smets, le projet envisage le campus de l’EPFL comme un vaste espace public dont le futur bâtiment de la RTS assumerait le rôle de limite poreuse avec celui de l’Université de Lausanne. Toute la force du projet réside dans ces décompositions qui, si elles affirment les frontières – celle entre la radio et la télévision, celle entre les médias classiques et les nouvelles technologies de l’information, celle entre les deux campus – permettent surtout de structurer les transversalités, les collaborations et les liens entre les différents médias d’un côté et ceux entre les hautes écoles et la société civile de l’autre.

 

Bureaux ayant participé aux MEP

Lauréat
Office Kersten Geers David Van Severen, Bruxelles /
Bureau Bas Smets, Bollinger + Grohmann
Participants
Diller Scofidio + Renfro, New York
Lacaton Vassal Architectes, Paris
EM2N / Mathias Müller / Daniel Niggli, Zürich
Aeby Perneger & Associés, Genève
dl-a, designlab-architecture, Genève
Bernard Tschumi Architects, New York
Mangado y Asociados, Pampelune 

 

Membres du collège d’experts

Luca Ortelli - architecte, professeur à l’Institut d’architecture de la faculté ENAC de l’EPFL (président) 
Patrick Aebischer - président de l’EPFL, Lausanne
Marie-Claude Bétrix - architecte, Zurich
François Confino - -architecte-scénographe, Uzès/F
Marco De Michelis - professeur et doyen de la faculté d’arts et de design à l’Université de Venise/I (IUAV)
Marco Derighetti - -directeur des Opérations SSR ; Gilles Marchand - directeur RTS
Gilles Pache - directeur des Programmes RTS
Mary Claude Paolucci - architecte, cheffe du service immobilier RTS
Philippe Pont - architecte, chef de Service Immeubles Patrimoine et Logistique du Canton de Vaud
Jean-François Roth - président RTSR, membre du Conseil d’administration SSR 
Christian Simm - fondateur et directeur de Swissnex, San Francisco/USA
Manuel Herz - architecte, Bâle ; Pascal Crittin - chef de projet Campus RTS, chef du département Affaires Générales RTS (suppléant)
Sami Errassas - -architecte, Cellule Masterplan, consultant RTS (suppléant).

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