Mu­sée-sculp­tu­re en ba­la­de

Pour ses 20 ans, le Mamco s’offre une structure itinérante présentant cinq expositions dans autant de localités genevoises

Data di pubblicazione
06-05-2015
Revision
21-10-2015

Vastes espaces verts traversés par une multitude de sentiers, places de jeux, centres commercial et médical, équipements sportifs, cafés et restaurants, églises – l’une catholique, la seconde protestante – ou encore salle de spectacles : au Lignon1, il y a tout. Ne manquait plus... qu’un musée. Chose faite, temporairement. Le Voyageur, musée itinérant conçu pour le 20e anniversaire du Musée d’art moderne et contemporain de Genève (Mamco), s’est en effet installé au cœur de la cité genevoise, dix jours durant.

Comme d’autres avant lui (lire encadré ci-dessous), le Mamco se multiplie et manifeste par là son envie d’aller à la rencontre de nouveaux publics, de s’implanter un temps dans des territoires où l’offre culturelle est moins importante qu’en centre-ville. Intégralement financé par des fonds privés (à hauteur de 700 000 francs), le Voyageur est donc né en mars de cette année, conçu et réalisé par le plasticien genevois Fabrice Gygi et l’architecte de group8 Tarramo Broennimann. Il traverse cinq localités du canton, en présentant à chaque fois une nouvelle exposition. Au travers d’œuvres contemporaines issues de ses collections, le Mamco questionne l’histoire des images.

La structure du musée mobile, constituée de profilés en aluminium extrudé entre lesquels est coulissé un entoilage en bâche polyester, offre une surface d’exposition de 212 m2. Le musée itinérant est composée de deux volumes à pan de toiture unique, avec un décalage générant les entrées (plan). Il rejoue le registre de Fabrice Gygi, artiste à la pratique protéiforme, dont les premiers travaux – une tente-cabane sous une table, un sac de couchage, des colonnes de toile – posaient déjà les bases de son vocabulaire formel. Tentes, estrades, palissades et autres grillages sont des motifs récurrents dans son travail. Fabrice Gygi présente ces objets comme des sculptures dans l’espace d’exposition. 

Le Voyageur, lui, est une œuvre-musée, une sculpture à investir. La structure évoque une architecture civile aussi bien que militaire – elle renvoie à la fois à une tente destinée à accueillir une fête ou une réception, un abri d’urgence, de camp, un lieu de protection pour les foins ou les récoltes. Par essence déplaçable, elle semble pouvoir se poser partout et s’intégrer, en raison de cette apparence simultanément ordinaire et plurielle, dans n’importe quel environnement, qu’il soit urbain, pavillonnaire ou agricole. Les expositions, elles, essaient d’être contextuelles.

Le musée itinérant faisait halte en avril au Lignon (photo), avec une exposition sur le retour de la figuration dans l’art. Parmi les oeuvres présentées, une toile d’Yves Bélorgey représentant les façades bigarrées des Avanchets, cité genevoise de 6000 habitants construite au début des années 1970 ; dialogue entre deux cités. Autre écho, plus sombre et accidentel : les bâches opaques du Voyageur entraient en résonance avec celles, translucides, qui enveloppent l’église catholique quelques mètres plus loin, théâtre en septembre d’un incendie criminel qui a détruit toute sa charpente en bois.

Un mois plus tôt, le Voyageur s’arrêtait à Dardagny (photo), commune agricole du canton, avec des œuvres choisies dans les collections du musée pour leur disposition à raconter l’invention du paysage. Dardagny a accueilli près de 1700 visiteurs, Le Lignon 1400. A chaque fois, la part d’habitants du quartier était d’environ deux tiers. Pour l’exposition à suivre, sur le thème « Acrobats, monsters & freaks », le musée mobile fera étape dans un environnement encore bien différent : au Gerdil, petit parc de la commune huppée de Cologny.

 

Note

1. Réalisée entre 1963 et 1971 par les architectes Georges Addor, Dominique Julliard, Louis Payot et Jacques Bolliger, la cité-satellite du Lignon à Genève est considérée comme la plus spectaculaire opération de logements de l’après-guerre en Suisse, conçue pour 10 000 habitants. La surface brute du terrain est de 28 ha. L’implantation des immeubles de logement représente 8 % de cette surface. 

 

​Musées itinérants d’art contemporain

En 2011, deux musées itinérants d’art contemporain voient le jour en France. Le Musée Mobile (MuMo) est créé à l’initiative du Fonds de dotation l’art à l’enfance et se destine principalement à un public jeune. L’architecte Adam Kalkin a conçu une structure déployable à partir d’un container. Elle est est tractée par un semi-remorque et peut aisément voyager en bateau. Parvenu à destination, le container se transforme en un musée, ouvrant sur quatre espaces distincts. Le MuMo s’est déjà déplacé dans plusieurs pays d’Europe et d’Afrique. Pour aller à la rencontre des enfants, le MuMo se rend directement sur leurs lieux de vie: cour d’école, centre de loisirs, place ou parking de quartier. Il circule encore, et sera à Bienne les deux premières semaines de juin.
Le Centre Pompidou mobile naît à l’initiative d’Alain Seban, alors président du Centre Pompidou, avec l’idée que c’est le Centre qui doit aller à la rencontre du public et non l’inverse. Concrétisé par les architectes Patrick Bouchain et Loïc Julienne, le musée itinérant est clairement inspiré du monde du cirque. La structure est composée de trois mobiles en charpente métallo-textile de 200 m2 chacun. En deux ans, il a parcouru cinq villes françaises et drainé plus de 200 000 visiteurs. Faute de financement pour continuer à le faire circuler en France, le Centre Pompidou l’a vendu en 2013 à une compagnie pétrolière saoudienne.

 

Le Voyageur

Du 9 au 31 mai, vernissage le 8 mai à 18h30 - Parc du Gerdil, Cologny
Puis, dès la rentrée, deux dernières étapes de l’année à Collonge-Bellerive et Lancy
www.mamco.ch  

Etichette

Articoli correlati