Su­spen­dre un bâ­ti­ment sou­ter­rain

Le MEG se caractérise par sa salle d’exposition modulable souterraine de plus de 2000 m2. ­L’espace, totalement exempt de piliers, doit beaucoup de sa qualité au système porteur mis au point par les ingénieurs civils

Data di pubblicazione
28-01-2015
Revision
25-10-2015
Jacques Perret
Ingénieur en génie civil EPFL, Dr ès sc. EPFL et correspondant pour TRACÉS.

Le rapport géotechnique mis à disposition dans le programme du concours évoquait la possibilité de pouvoir descendre à une profondeur d’environ 11 m sous le niveau du terrain et de construire des sous-sols entre des parois moulées étayées. C’est notamment cette possibilité qui a encouragé les architectes de Graber Pulver Architekten AG et les ingénieurs de Weber + Brönnimann SA à concevoir le musée comme une black box sous le sol, libérant ainsi de la place en surface pour créer un espace libre et public. Cette solution présente un grand avantage : le volume émergeant ne couvre qu’une faible partie de la parcelle, tout en préservant une zone libre entre l’école qui accueillait l’ancien MEG et la nouvelle construction1. Au niveau de la répartition des locaux, les architectes ont aussi souhaité situer au niveau du radier la grande salle d’exposition d’environ 2000 m2 exigée dans le programme du concours.

Comme suggéré par le rapport géotechnique, il a été décidé de construire une paroi moulée étanche autour du bâtiment (photo). D’une épaisseur de 85 cm, elle descend à une profondeur de 14 m, soit 3 m plus bas que le niveau du radier. La nappe phréatique se trouve à une profondeur d’environ 2 m sous le niveau du sol. Au-delà, le sol est argileux et pratiquement imperméable, ce qui rendait possible la réalisation d’une fouille drainée. Ne pouvant être ancrée, la paroi a été étayée au fur et à mesure des excavations.

Les charges verticales du bâtiment sont principalement reprises par les murs extérieurs des sous-sols, qui s’appuient sur le radier. Ce dernier est encastré dans les parois moulées qui jouent ainsi un rôle de « pieux » de fondation (croquis). Les cages d’escalier et les ascenseurs de la zone souterraine reposent eux aussi sur des barres de « pieux paroi moulée », qui descendent à 10 m de profondeur. Les murs extérieurs sont construits à environ 75 cm des parois moulées, ce qui laisse un espace libre accessible notamment pour effectuer des injections dans les parois moulées pendant ou après le chantier. Ce vide sert en outre pour le désenfumage en cas d’incendie et accueille des conduites. Finalement, un système de drainage sous le radier permet de collecter les eaux résiduelles pour les amener vers une fosse de pompage.

Selon Dominique Weber, la solution visant à dégager l’espace du deuxième sous-sol de tout pilier vertical a rapidement été envisagée par les architectes : « Très tôt dans le projet, les architectes ont demandé si c’était possible de faire cela. Ils sont arrivés avec leur dessin et je leur ai dit que c’était possible, mais qu’on ne pourrait pas mettre des ouvertures n’importe où à cause de la trajectoire des câbles de précontrainte et des zones d’appuis : il y avait donc des zones inexploitables. » La compartimentation du premier sous-sol (espacement des murs et position des portes) a donc intégré les exigences statiques des murs. « Il est très important d’avoir un ingénieur civil dans l’équipe du concours dès le début du processus : la structure influence toujours l’architecture. L’architecte doit avoir la structure en tête, mais il lui manque souvent la confirmation que l’ensemble va tenir. »

D’un point de vue statique, la structure porteuse des sous-sols est conçue en béton armé et précontraint, coulé sur place. Afin de libérer le deuxième sous-sol, les murs traversants fonctionnent comme des « poutres cloisons » de quelque 28 m de portée (schéma). Espacées d’environ 14 m, elles ont une épaisseur de 40 cm et sont précontraintes par deux câbles à torons 7-15, ce qui a imposé une claire définition du positionnement des ouvertures entre les compartiments du premier sous-sol au tracé des câbles et aux flux des efforts. En tenant compte de la participation des dalles supérieure et inférieure et d’une petite poutre de renforcement située sous cette dernière au droit des murs, les ingénieurs disposent ainsi de cinq grosses poutres en I d’une hauteur statique d’environ 6 m (dont 4 m libre pour le premier sous-sol). Au niveau de la réalisation, les poutres cloisons et les dalles des sous-sols ont dû être étayées avec des bois ronds jusqu’au bétonnage de la dalle sur le premier sous-sol (photo). Les dalles sur les premier et deuxième sous-sols ont une épaisseur comprise entre 45 et 50 cm et sont précontraintes avec des câbles monotoron (schéma). A l’état final, elles remplacent les étais de la paroi moulée et reprennent les efforts horizontaux (poussée des terres et pression d’Archimède) par l’intermédiaire de butons.

La partie émergente du MEG étant située au-dessus des locaux sans piliers du deuxième sous-sol, les charges ont également dû être ramenées vers la périphérie du bâtiment, sur les deux façades pignons et sur la façade transversale qui longe la rue des Bains (croquis). Bien qu’une des parois verticales du rez-de-chaussée ait pu être utilisée pour ramener les efforts vers les façades latérales, il a aussi fallu faire en sorte que les parties en biais de la toiture participent au fonctionnement statique d’une sorte de structure plissée à laquelle d’autres éléments porteurs sont suspendus. Comme pour la partie souterraine, la structure porteuse a aussi dû être étayée par des bois jusqu’au bétonnage du faîte (photo). Les deux façades pignons fonctionnent en porte-à-faux.

Malgré les choix statiques osés décrits ci-dessus, le nouveau bâtiment du MEG est robuste et respecte toutes les normes. Ses déformations à l’état de service ont pu être en partie maîtrisées par des contre-flèches. Elles ont en outre été signalées aux divers intervenants (architecte, façadier, vitrier, etc.), afin qu’ils puissent les intégrer dans la conception de leurs détails de construction. 

Dominique Weber est ingénieur civil FH et chef de projet structures, alors que Dr. Hanspeter Kaiser est ingénieur civil EPF et ingénieur structures. Ils travaillent tous deux au sein du bureau Weber + Brönnimann SA.

 

 

Note

1. Aujourd’hui, l’ancienne école abrite les activités privées, administratives et de restauration du MEG.

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