La san­té dans Les car­ne­ts du pay­sa­ge

La nouvelle édition des Carnets du paysage s’attelle à établir les liens tissés entre paysage et santé au travers de multiples expériences venues du monde entier.

Data di pubblicazione
17-01-2021
Valérie Hoffmeyer
journaliste, architecte paysagiste et correspondante régulière pour Tracés.

«Il y a des lieux qui rendent malades et des paysages qui soignent.» Dans sa préface à ce 37e numéro des Carnets du paysage, Jean-Marc Besse, géographe, dit en une phrase l’évidence des liens qui unissent paysage et santé. Si les vertus ressourçantes du paysage, de sa contemplation et de son arpentage sautent aux yeux en ces temps de pandémie, le thème a rarement été exploré jusqu’ici. Aussi le co-directeur des Carnets illustre-t-il d’emblée son propos de quelques exemples, dont celui des sols. «Leur exploitation monovalente, écrit-il, accompagnée de la mobilisation d’intrants chimiques en quantités considérables, propre à l’agriculture industrielle contemporaine, non seulement conduit à l’appauvrissement des sols et peut-être à leur mort, mais a également des impacts négatifs directs et indirects sur la santé des populations notamment sur le plan de l’alimentation. Peut-on séparer ici santé humaine et santé du paysage? Il ne semble pas.» La question de la santé implique d’envisager le paysage «non pas comme un simple décor plus ou moins agréable, mais comme un lieu de vie, un lieu habité». (Re)donner les conditions de son habitabilité est une responsabilité qui revient aussi aux paysagistes, aux architectes et aux aménageurs, souligne Besse, comme un appel à inclure la dimension sanitaire dans les pratiques professionnelles. Comment ? La douzaine de contributions de ces nouveaux Carnets donnent à réfléchir autour d’expériences venues du monde entier, et de Suisse aussi.

Impossible en effet d’imaginer un tel panorama du paysage qui soigne sans passer par celui des Alpes et de ses «montagnes magiques». Dès le 18e siècle, et de Davos à Saint-Moritz, c’est l’histoire du paysage-remède qui défile dans l’article de Claudio Ferrata, docteur en géographie à l’Université de Genève. L’article brosse les débuts des sanatoriums, les premières expériences de soin par l’eau, l’air et la lumière contre la fatigue, l’asthme ou la neurasthénie. Des vertus semblables sont prêtées dès le 19e siècle à la ville de Nice et à son «printemps perpétuel». Bénéfique pour la végétation tropicale, celui-ci semble l’être aussi, par analogie, aux malades étrangers venus sur la Côte d’Azur dans l’espoir d’y recouvrer la santé, souligne Marie Hérault, architecte et historienne des jardins.

À ces odes au climat et à la nature, vastes et indomptables, répondent quelques incursions dans le monde plus concret du jardin. Non pas seulement en tant que lieu de simple exploitation – voire d’extraction –, mais dans ce qu’il peut offrir de réciprocité. Dans l’article de Martine Bergues, ethnologue, des paysannes des Causses dans le Lot racontent comment elles soignent les plantes de manière à ce que celles-ci les soignent à leur tour, elles et leurs familles, sur plusieurs générations. La psychothérapeute Myriam Beaugendre explique, elle, son apprentissage de chamane : son initiation aux plantes amazoniennes dans le jardin de Lola – une guérisseuse dont elle a acquis le jardin après la mort de celle-ci – mais aussi, surtout, à la puissance curative de la forêt elle-même. L’immersion dans son paysage apparaît aussi réparatrice pour l’âme et le corps que la pharmacopée qui en est issue.

Soigner l’esprit par une relation quotidienne et libre avec la nature est aussi au cœur des expériences psychiatriques comme celle de Saint-Alban, rapportées par Catherine Perret, historienne. Dans cet article consacré aux relations entre paysage et soin psychique, elle évoque Lucien Bonnafé et François Tosquelles, des médecins qui, pendant et après la Seconde Guerre mondiale, ont transformé l’hôpital en lieu de vie collectif. Une «clinique du milieu», où les «fous» œuvrent à la vie collective en toute liberté, travaillant dans les fermes alentours et dans les jardins, contre rémunération, participant à la rédaction d’un journal commun et co-animant avec les soignants des ateliers au sein du club thérapeutique…

 

Paysage de la santé, santé du paysage

Les carnets du paysage n° 37, Actes Sud, hiver 2020

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