Ré­gé­né­ra­tion ther­mi­que à l'é­chel­le d'un quar­tier

Un nouveau quartier urbain voit le jour à Nyon (VD). L’approvisionnement énergétique s’appuie sur un modèle «à régénération»: la chaleur géothermique est utilisée en hiver pour le chauffage et l’eau chaude, tandis qu’en été, les bâtiments sont refroidis et le sous-sol est régénéré thermiquement. S’il demeure exemplaire, ce procédé n’a été cependant que peu expérimenté dans la pratique.

Data di pubblicazione
07-11-2018
Revision
08-11-2018

Le quartier urbain Les Jardins du Couchant, à Nyon (VD) est toujours en construction mais trois des cinq secteurs sont déjà terminés et occupés. Les plans prévoient un total de 12 bâtiments de hauteurs différentes. En 2019, une fois achevé, le quartier accueillera environ 900 personnes dans 395 appartements, de nouveaux emplois seront en outre créés dans le commerce et les services. A cela s’ajoutent des logements adaptés aux personnes âgées, un club de fitness, une pharmacie, un salon de thé et un parking souterrain.

Le quartier doit présenter une bonne mixité sociale. On entend y parvenir en allouant une partie à des logements locatifs subventionnés, à des logements réservés aux personnes âgées ou à des personnes à mobilité réduite, mais aussi à des logements en propriété. La mobilité douce et l’utilisation d’énergies renouvelables seront également privilégiées. Tous les bâtiments (à l’exception de ceux du secteur 5) disposeront d’une centrale de chauffage à distance alimentée par chaleur géothermique.

Le système de chaleur et de rafraîchissement aura la particularité de fonctionner selon un principe appelé modèle à régénération : la chaleur captée par des sondes géothermiques est utilisée pour le chauffage en hiver et aussi, indirectement, pour l’eau chaude via le réseau de chauffage ; l’été, une partie des bâtiments est refroidie, la chaleur extraite étant dirigée vers le sous-sol via les sondes géothermiques, de sorte que celui-ci se régénère thermiquement. En périodes de grosse chaleur nécessitant un refroidissement exceptionnel, les pompes à chaleur peuvent y être raccordées en guise de dispositifs de refroidissement supplémentaires. Encore rarement mis en pratique, il s’agit d’un modèle innovant offrant un très bon bilan en termes de développement durable. Il permet d’assurer jusqu’à 80 % d’approvisionnement énergétique sans émission de CO2. Comparée à un approvisionnement fossile, l’économie est évaluée à 415 tonnes de CO2 par an. Le système de chauffage et de rafraîchissement a été confié au Service d’électricité de la Ville de Zurich (ewz, Elektrizitätswerk der Stadt Zürich) qui a remporté l’appel d’offres grâce à son projet durable. Les dispositions de l’accord de contracting englobent la planification, le financement, la construction et l’exploitation de tout le système de chauffage et de rafraîchissement du complexe. Le contrat d’exploitation a une durée de 30 ans.

Combinaison innovante


La chaleur géothermique et l’énergie solaire constituent les principales sources d’énergie. Il y a 58 sondes géothermiques, toutes situées au-dessous des bâtiments du secteur 3. Une centrale d’énergie comportant deux pompes à chaleur et une chaudière à gaz transforme la chaleur géothermique en chaleur pour le chauffage. La chaudière à gaz, en réserve, sert à couvrir les pics de besoin qui peuvent apparaître en hiver ; il ne sera pas nécessaire d’y avoir recours lors du premier hiver (2018-19) puisque tous les secteurs ne sont pas encore intégralement terminés, sachant que la chaleur géothermique devrait s’avérer suffisante pour les bâtiments déjà occupés. En dehors de la centrale d’énergie, déjà en service depuis début juin 2018, huit stations subordonnées avec groupes de chauffage sont installées dans les différents bâtiments. Chacune d’entre elles dispose d’une pompe à chaleur dédiée à l’eau chaude sanitaire et d’une installation thermique solaire.

Si ewz exploite déjà plus de 100 installations énergétiques avec pompes à chaleur et/ou dispositifs de refroidissement et sondes géothermiques comme source de chaleur, le modèle à régénération reste, quant à lui, encore expérimental dans la pratique (lire TEC21 n° 9-10/2015). La direction du projet part du principe que l’optimisation de l’installation prendra de un à deux ans (lire interview ci-dessous). Un monitoring est effectué dans l’intervalle et devrait permettre d’optimiser les réglages. La deuxième année sera plus spécifiquement consacrée à l’optimisation de précision afin que puisse être atteint le cycle de fonctionnement désiré dans le cadre de l’élaboration du projet.

En se basant sur les résultats obtenus par simulation, l’exploitation des sondes géothermiques est réputée pouvoir fonctionner dix ans avec l’eau comme vecteur. Le sol sera ensuite probablement trop froid en dépit du cycle de régénération et il faudra alors employer du glycol pour empêcher que les sondes géothermiques ne gèlent et ne deviennent par conséquent inutilisables. Le glycol nuit toutefois au bon fonctionnement des sondes géothermiques, du fait de sa viscosité et d’une moins bonne transmission calorifique. Son utilisation doit donc être autant que possible repoussée.

Auteur
Cornelia Froidevaux-Wettstein est ingénieure diplômée EPFL.
Traduction : Wulf übersetzungen

 

 

Quatre questions à Pietro Savoldelli

Tracés : En quoi ce projet est-il si particulier ?
Pietro Savoldelli : En été, la chaleur de l’environnement – c’est-à-dire de l’air ambiant et aussi éventuellement de l’énergie solaire excédentaire – et celle résultant du refroidissement des locaux industriels et commerciaux sont provisoirement stockées dans le sol, puis utilisées, l’hiver, pour le chauffage par le biais des pompes à chaleur. Au bas mot, 80 % de la chaleur nécessaire est ainsi produite sans grande émission de CO2 à partir d’énergies renouvelables. La centrale à distance pour la production de chaleur et de froid offre en outre une solution tout à fait particulière.

Cette combinaison production de chaleur et chauffage centralisée + réchauffement de l’eau chaude sanitaire décentralisée permet de produire de la chaleur de façon plus économique et avec une plus grande efficacité énergétique qu’une solution décentralisée où chaque bâtiment disposerait d’un chauffage spécifique.

Quel est le principal défi?
Il est dans la multiplicité des techniques mises en œuvre pour produire de la chaleur. Nous utilisons des sondes géothermiques, des installations thermiques solaires, des dispositifs de refroidissement en circuit fermé, différentes tailles de pompes à chaleur ainsi que l’énergie thermique résiduelle issue des ventilations des appartements. Tout ceci coordonné avec des modules photovoltaïques sur des portions de toitures limitées. La réalisation en étapes relève aussi du défi : une partie des bâtiments était déjà occupée et chauffée l’hiver dernier, tandis que des travaux de montage étaient en cours au niveau de la centrale de chauffage et que le reste des bâtiments étaient encore en chantier.

Comment fonctionne le monitoring?
En temps normal, les principales données énergétiques sont constamment recensées via le système de commande et elles sont globalement comparées, au moins une fois par an, aux valeurs prévisionnelles. En cas de divergences, le responsable et son supérieur en sont informés. Ces derniers peuvent, au besoin, demander une assistance technique en interne s’ils se posent des questions ou veulent en déterminer les causes. A l’aide de la visualisation sur le système de commande, de l’enregistrement automatique de l’ensemble des données physiques importantes et de la représentation graphique de celles-ci, le responsable peut ensuite contrôler et vérifier lui-même en direct ultérieurement le fonctionnement des installations.

Comment l’optimisation d’exploitation se déroule-t-elle la première année?
Dans le cas d’une installation complexe comme celle de Nyon, dans laquelle une grande diversité de sources d’énergie et de producteurs interviennent parallèlement et de concert, nous veillons à ce qu’il y ait un suivi effectué par un technicien expérimenté, au cours des deux premières années de service. Le projet tel qu’il a été conçu va en général légèrement diverger dans l’aménagement : ce qu’il se passe les premiers temps de l’exploitation donne lieu à des situations auxquelles personne n’avait songé. Et enfin, la composante humaine intervient en ce que chaque individu a un comportement différent, ce qui se répercute sur la production de chaleur nécessaire – par exemple, un bâtiment peut présenter un besoin en eau chaude supérieur à ce qu’il était prévu tandis qu’il sera inférieur dans un autre bâtiment. Au cours de la première phase, il convient de fixer l’aménagement des installations, si nécessaire en modifiant la programmation, les installations resteront, par la suite, sous surveillance et des corrections de précision pourront, au besoin, être ensuite réalisées.

Pietro Savoldelli est un expert du support technique chez ewz. Il est notamment responsable de l’optimisation de l’exploitation pour les solutions énergétiques complexes.

 

 

Données du projet

  • Maître d’ouvrage : Fonds de prévoyance de CA Indosuez (Switzerland) ; Mobilière Suisse Société d’Assurances ; Logement Social Romand; Caisse Inter-Entreprises de Prévoyance Professionnelle (CIEPP)
  • Approvisionnement en chaleur et rafraîchissement (Contracting) : Service d’électricité de la Ville de Zurich (ewz, Elektrizitätswerk der Stadt Zürich) en collaboration avec Conti & Associés Ingénieurs SA, Versoix
  • Direction de projet : BG Ingénieurs Conseils, Lausanne
  • Entreprise générale : Losinger Marazzi, Bussigny
  • Planification jusqu’à l’appel d’offres inclus : A Carré Architecture et Aménagement, Bussigny
  • Puissance installée centrale d’énergie : pompes à chaleur sondes géothermiques 555 kW (glycol) ; chaudière à gaz 600 kW ; refroidissement en circuit fermé 300 kW ; refroidissement 310 kW
  • Puissance installée stations subordonnées
  • Pompes à chaleur pour eau chaude sanitaire 205 kW
  • Energie solaire thermique : 570 m2 hors secteur 2 ; secteur 1 AB en cours ; rendement annuel à définir
  • Refroidissement : 310 kW au moyen de pompe à chaleur dans la centrale à énergie ; chauffage/refroidissement via centrale à énergie, couplé aux pompes à chaleur centralisées (sondes géothermiques) et gaz naturel en doublet et pour couvrir les pics ; eau chaude sanitaire par énergie solaire thermique et pompes à chaleur décentralisées
  • Besoin en chaleur : 2300 MWh (eau chaude sanitaire incluse)
  • Besoin en refroidissement : 105 MWh
  • Réduction émissions CO2 : 415 tonnes par an (80 % d’énergies renouvelables)
  • Economie sur combustibles fossiles : 2,1 GWh (par rapport à une chaleur produite au gaz naturel)
  • Nombre de bâtiments desservis : 12
  • Mise en service : 2017/2018/2020
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