La bran­che des étu­des ré­sis­te dans un con­tex­te dif­fi­ci­le

Il ressort de la dernière enquête trimestrielle menée par le KOF en avril 2022 que le moral de la branche des études n’a guère évolué depuis la dernière enquête réalisée en janvier. Un résultat qui détonne dans un contexte économique très sombre.

Publikationsdatum
02-06-2022

Pour la deuxième fois cette année, le Centre de recherches conjoncturelles de l’ETH (KOF) a publié le résultat de sa prise de pouls économique et dévoilé les tendances actuelles et futures de la branche des études. Levons le suspense en introduction: les bureaux d’étude bénéficient toujours d’une situation stable, et leurs réponses ne traduisent aucun changement notable par rapport à janvier. La demande et la fourniture de prestations ont connu une évolution favorable au cours des trois derniers mois. Les carnets de commande ont légèrement progressé, leur portée augmentant de 0,2 mois pour s’établir à 11,8 mois.  

Les attentes des bureaux d’étude concernant la marche de leurs affaires dans les six prochains mois restent inchangées: 10% d’entre eux escomptent une amélioration, 5 % une dégradation mais une très large majorité, soit 85% n’attend aucun changement. Il apparaît que depuis janvier dernier, les répondants sont plus confiants quant à la demande et la fourniture de prestations dans les trois prochains mois. Qui plus est, ils ont revu à la hausse leurs attentes relatives aux niveaux de prix: 8% tablent sur une augmentation, 85 % sur un maintien et seuls 4% prévoient une baisse. Pour ce qui est de leurs résultats financiers au trimestre prochain, les bureaux se montrent plus prudents: 10% estiment qu’ils s’amélioreront, 81 % penchent pour un maintien du statu quo et 8% craignent une dégradation.

Effectifs insuffisants chez les architectes

En avril 2022, les architectes semblent envisager leur situation économique actuelle avec plus de retenue qu’en janvier. Ils font toutefois état d’un développement positif de la demande, de la fourniture de prestations et de leurs réserves de travail au cours des trois mois passés. Ils ont en outre révisé à la hausse leurs attentes quant à la marche de leurs affaires dans les six mois à venir: 12% pronostiquent une amélioration, 85% considèrent que le statu quo devrait se maintenir et seuls 5 % s’attendent à subir une dégradation. Dans le même temps, leurs attentes relatives à la demande et à la fourniture de prestations dans les trois prochains mois s’éclaircissent. L’évolution attendue des prix au trimestre prochain traduit un regain d’optimisme: 8% des bureaux d’architecture s’attendent à une augmentation des prix, 87% à une stagnation et 5% à une diminution. En revanche, les architectes ont revu à la baisse leurs estimations portant sur l’évolution de la courbe bénéficiaire sur les trois prochains mois.

La part de bureaux déclarant voir leur activité ralentie par des effectifs insuffisants fait un bond notable, puisqu’elle passe de 45% en janvier à 51% en avril. Dans ce contexte de pénurie de main-d'œuvre, les bureaux d’architecture sont nettement plus nombreux à envisager d’embaucher dans les prochains mois qu’ils ne l’étaient en janvier.

Les ingénieurs plus positifs

Les bureaux d’ingénierie sont plus satisfaits de leur situation économique qu’ils ne l’étaient en janvier et estiment que la demande et la fourniture de prestations ont évolué dans le bon sens au cours des trois derniers mois. Leurs attentes quant à la marche de leurs affaires dans les six prochains mois restent sensiblement aux niveaux de janvier: 9% tablent une amélioration, 86 % sur un maintien du statu quo et seuls 5% craignent une dégradation. Ils gagnent légèrement en optimisme au sujet de la demande, de la fourniture de prestations et de leur évolution bénéficiaire du trimestre prochain. De plus, ils ont encore revu à la hausse leurs attentes touchant à l’évolution des prix sur les trois mois à venir : 12 % s’attendent à une hausse, 6% à une baisse et 84% estiment qu’ils resteront dans les fourchettes actuelles.

Alors que 58% des bureaux ont déclaré voir leur activité freinée par la pénurie de main-d'œuvre (contre 55% en janvier 2022), ils sont aujourd’hui moins confiants quant à leurs capacités de recrutement au trimestre prochain qu’ils ne l’étaient en début d'année.

La reprise économique ralentie

Bien que la branche des études juge sa situation stable, le contexte économique global est loin de l’être, et c'est le moins que l’on puisse dire. Un certain nombre d’événements pourraient entraîner des effets dont les répercussions sont encore difficiles à mesurer. Le point positif, c’est que l’économie suisse retrouve son dynamisme après deux ans de pandémie. Le point négatif, c’est que cette reprise est entamée par la hausse des taux d’intérêt, l’inflation, l’explosion des prix de l’énergie et des matières premières ainsi que les problèmes d’approvisionnement. Pour ne rien arranger, ces facteurs s’alimentent mutuellement.

Risque d’une stagflation

L’inflation atteint des niveaux qui n’avaient pas été atteints depuis des années: 8,5% aux États-Unis, 7,3% en Allemagne et 2,4% en Suisse — qui s’en tire relativement bien. Début mai, la banque centrale américaine (Federal Reserve, FED) a relevé ses taux directeurs pour la deuxième fois afin de contrer l’inflation. La Banque centrale européenne (BCE) pourrait faire de même vers la fin de l’année, et il est probable que la Banque nationale suisse (BNS) se résolve à lui emboîter le pas. Si cette mesure permet de réduire l’inflation, elle n’est pas sans risques en ce que la croissance peut en être affaiblie. Il ne faut pas oublier non plus que les forts taux d’inflation découlent aussi des problèmes d’approvisionnement survenus durant la pandémie ainsi que de la forte hausse des prix de l’énergie et des matières premières résultant de la guerre en Ukraine et des sanctions prises à l’encontre de la Russie. En d’autres mots, cela veut dire que cette mesure restera sans effet contre le principal moteur de l’inflation — la cherté des matières premières et de l’énergie — ce tant que la guerre en Ukraine perdurera et que d’autres sanctions tomberont. La stagflation, qui correspond à une survenue simultanée d’un niveau d’inflation élevé et d’une croissance poussive voire nulle, n’apparaît plus comme un scénario si improbable.

Cherté des matériaux de construction

L’augmentation des prix des matières premières et de l’énergie ainsi que les perturbations des chaînes d’approvisionnement ont eu des conséquences directes sur le secteur de la construction: les matériaux sont rares, et lorsqu’ils sont disponibles, leur prix est élevé. L’acier en est un exemple. La guerre en Ukraine a entraîné des problèmes d’approvisionnement aigus, que ce soit parce que des aciéries ukrainiennes sont à l’arrêt ou parce que les exportations russes sont bloquées. Le mécanisme de l’offre et de la demande — prix inversement proportionnel à l’offre — est l’une des causes de la flambée actuelle des prix. La hausse vertigineuse des prix de l’énergie en est une autre: le gaz notamment est indispensable à la production d’acier, mais aussi d’aluminium, de tuiles et de briques. Dans le pire des cas, les maîtres de l’ouvrage pourraient se révéler incapables d’absorber les surcoûts, ce qui se traduirait par des retards et des interruptions de chantiers — ce dont le secteur de la construction ne sortirait pas indemne.

Agir dans un monde interconnecté

Et ensuite? Dans un monde marqué par des interdépendances et des problèmes d’échelle mondiale, les défis économiques doivent être abordés tant au niveau global que local. Et peu importe que l’on parle d’une pandémie, d’une guerre qui déstabilise l’économie mondiale et déclenche des crises alimentaires ou encore du changement climatique. Si chacun gère ses affaires dans son coin, c’est le début de la fin. La Confédération pourrait d'ailleurs aborder le problème à l’échelle nationale en édictant un train de mesures pour contrer la hausse des prix de l’énergie comme certains pays européens l’ont déjà fait. Pour le moment, le Conseil fédéral se contente d’observer l’évolution de la situation de près, aidé d’un groupe de travail. Affaire à suivre, donc.

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