Ma­té­riaux bio­sour­cés: la Su­is­se en quête d’une fi­liè­re

Editorial du numéro TRACÉS 04/2020

Publikationsdatum
05-03-2020

Après quelques décennies passées à tenter de réduire la consommation de l’énergie d’exploitation des bâtiments, c’est sur le poids de l’énergie grise dans le bilan énergétique ­global que se portent désormais toutes les attentions. Bien plus complexe à évaluer que la première – comme en témoigne la multiplication des bases de données, méthodes de calcul, logiciels et autres labels –, la seconde est devenue un sujet de recherches et de controverses, teintées d’idéologie et perturbées par les intérêts des lobbys. Jugés à l’aune de leur bilan carbone, les matériaux se font la guerre, à qui sera le plus énergétiquement vertueux.

Une chose tout de même semble faire consensus : dans une économie mondialisée où des matériaux de construction peuvent faire plusieurs milliers de kilomètres entre leur lieu d’extraction, celui de leur transformation et leur destination finale, l’emploi de matériaux locaux, peu transformés, voire capables de stocker du CO2 plutôt que d’en produire, permettrait de réduire l’empreinte carbone des bâtiments. On pense notamment aux fibres et à la terre, dont nous parlons dans ce numéro. Des matériaux a priori plus «vertueux» que le béton ou l’acier, même si leur impact social et environnemental pourrait aussi être discuté: quid des OGM et des pesticides, de la consommation d’eau, de la concurrence entre cultures vivrières et cultures de fibres destinées à la construction, comme le chanvre?

En Suisse, les matériaux bio et géosourcés sont encore largement sous-exploités dans la construction. Si de nombreux acteurs (chercheurs, entreprises, architectes, coopératives d’habitants…) se constituent en réseaux, la filière n’est pas encore structurée. Manquent à l’appel quelques partenaires essentiels comme le monde agricole ou les pouvoirs publics, donc une politique coordonnée, qui doit absolument être mise en place. Car les choses évoluent : des projets originaux et remarqués voient le jour partout sur le territoire.

Dans ce numéro, parce qu’il serait triste que le bilan carbone devienne l’horizon ultime de nos actions, nous laissons de côté les querelles de chiffres et de valeurs, pour explorer les possibilités constructives offertes par ces matériaux, l’inventivité esthétique que recèle leur usage et le pouvoir émotionnel de la matière. Aux architectes qui verront leur sensibilité heurtée par ces matériaux bruts, apprenez à les civiliser!

Verwandte Beiträge