Le projet de bâtiment de Jean-Paul Jaccaud architectes pour le quartier des Grottes a perdu six étages et 30 logements en deux ans. En cause, une poignée d'habitants opposés au projet à qui le maire de Genève a donné le pouvoir de décider.
Il y a deux ans, le bureau Jean-Paul Jaccaud architectes remportait le concours lancé par la Ville de Genève pour un immeuble de logements dans le quartier des Grottes, sur la parcelle à l’angle de la rue Louis-Favre et de la rue des Grottes. Le projet lauréat proposait un bâtiment compact qui libérait l'espace au sol et qui s’élevait jusqu’à la hauteur maximale du gabarit légal. Le bâtiment initial faisait 10 étages sur rez et offrait 50 logements. Une poignée d'habitants du quartier a alors créé une association pour signifier son désamour à ce projet. La Ville a décidé de prendre en compte son avis et a organisé une série de consultations qui se sont soldées par une assemblée le 17 septembre dernier. La salle s'est prononcée en faveur d'un bâtiment de 4 étages sur rez. Le bâtiment initial a ainsi perdu six étages et 30 logements.
Tracés: Du projet initial au projet actuel, beaucoup de choses ont changé: la hauteur du bâtiment, la configuration des appartements et l'espace au sol. Est-ce courant qu'il faille modifier à ce point un projet?
Jean-Paul Jaccaud: Non, la situation est abracadabrante. Le projet imaginé au départ était élevé, mais parfaitement légal en termes de hauteur. Le bâtiment initial faisait 10 étages sur rez, au fil du temps, il a perdu deux étages, pour des questions d'économie de construction et de conciliation avec les opposants. Il y a également eu une modification complète de la typologie des appartements.
Tracés: Vous dites que le bâtiment initial a perdu deux étages. Mais il en a perdu six après l'assemblée du 17 septembre dernier...
J.-P. J.: Oui, la salle s'est prononcée le 17 septembre en faveur d'un bâtiment à quatre étages sur rez. Mais un bâtiment de cette hauteur ne fait aucun sens sur un site de cette nature, surtout en regard de la situation genevoise en matière de logements. Cette décision a été de plus prise par un forum sans la moindre légitimité démocratique. Si on commence à faire de l'architecture à l'applaudimètre populaire, on ne va pas aller bien loin.
Tracés: Pourquoi Rémy Pagani, maire de Genève et magistrat en charge du Département des constructions et de l'aménagement, a-t-il décidé de donner autant de poids à cette assemblée?
J.-P. J.: Rémy Pagani a décidé d'engager rapidement le dialogue avec les opposants au projet, ce que je peux comprendre. Ce que je ne peux pas comprendre par contre est sa décision de leur donner un pouvoir de vote sur le sort du projet. La majorité des personnes présentes à l'assemblée du 17 septembre étaient des opposants virulents au projet, même si celui-ci avait deux étages en moins par rapport au bâtiment initial. Le magistrat a fait voter la salle, qui s'est évidemment prononcée pour le bâtiment à quatre étages sur rez, et a décidé de tenir compte de sa décision. C'est un peu comme si je faisais voter ma soeur, ma mère et mes amis.
Tracés: Qu'en est-il désormais?
J.-P. J.: On ne peut pas prendre un projet et le saucissonner de la sorte, il faut le repenser. Nous attendons des directives de la Ville pour savoir comment ils souhaitent désormais procéder.
