AD­DOR AR­CHI­TEC­TE (1920-1982)

Publikationsdatum
04-12-2015
Revision
06-12-2015

Cette monographie sur Georges Addor, réalisée par l’équipe du Laboratoire des techniques et de la sauvegarde de l’architecture moderne (TSAM) de l’EPFL – Mélanie Delaune Perrin, Giulia Marino et Franz Graf – et l’architecte Christian Bischoff est une réussite à plus d’un titre.

Tout d’abord, elle rend enfin hommage à un homme dont l’œuvre, trop souvent ignorée ou réduite à la cité du Lignon, a radicalement changé l’architecture et l’urbanisme de l’après-guerre à Genève.
Ensuite, la qualité des recherches menées par les auteurs, la multiplication des sources – archives publiques et privées, entretiens, littérature grise –, la connaissance technique des systèmes constructifs, l’attention mise à la contextualisation historique dépassent largement le cadre monographique ou celui du catalogue raisonné pour faire de cet ouvrage un véritable témoignage historique de l’architecture moderne genevoise.

La première partie nous présente l’homme, plutôt discret et mélancolique, ses influences (Eugène Beaudouin, William Dunkel ou encore Louis Skidmore et Nathaniel A. Owings), son rapport distant et indépendant au milieu local de l’architecture, l’évolution de la régie immobilière qu’il reprend à l’âge de 27 ans à la mort subite de son père et qu’il quitte vingt ans plus tard, vendant ses parts à des membres du bureau qui ne partagent plus son adhésion à un urbanisme rationnel et à une architecture moderne. Une vingtaine d’œuvres choisies, commentées et présentées chronologiquement, nous donnent toute la mesure de la qualité et de la diversité de la production architecturale de Georges Addor.
Le chapitre Un urbanisme à toute échelle revient quant à lui sur les deux décennies (1950 à 1970) durant lesquelles le bureau Addor & Julliard a marqué la production urbaine du canton de Genève. Progressant dans l’échelle urbaine, il décrit avec précision la manière dont le portfolio de l’architecte s’est inscrit dans la dynamique urbaine locale de l’époque et dans les « tendances les plus significatives de l’architecture internationale ».

La seconde partie s’éloigne de la vision d’ensemble pour aborder l’évolution architecturale de Georges Addor, son rapport à l’art et le futur de ce patrimoine inestimable.
En vingt ans, la production de la régie Addor & Julliard a façonné Genève en lui donnant son caractère moderne et international. Tout au long de sa carrière, Georges Addor a cherché à faire évoluer son architecture. Suivant de près les innovations techniques en Europe et aux Etats-Unis, les premières façades en maçonnerie percées de la « modernité domestique des années 1930 » (immeuble d’habitation de Champel), ont fait place à des constructions à la structure porteuse exposée (l’ensemble d’habitation de Cayla ou encore le siège administratif de Zschokke), inspirées du néoplasticisme de l’art concret milanais. A partir de 1957, l’agence adopte le fameux curtain-wall américain et le système de fenêtres-caissons nordique Carda (l’hôtel de l’Ancre, l’Intercontinental et le Lignon).

Cette monographie est aussi un cri d’alarme qu’il est temps d’entendre. Le chapitre Actualité de l’œuvre de Georges Addor dresse un bilan sombre et inquiétant de l’avenir du patrimoine Addor. Alors que les formes urbaines des ensembles d’habitation – de la cité-satellite de Meyrin conçue selon l’application stricte de la Charte d’Athènes à la réinterprétation du square ouvert de l’ensemble de Budé – ont heureusement été préservées, de nombreux bâtiments ont subi des transformations qui déprécient de manière profonde l’œuvre de l’architecte genevois. Au nom de l’efficience énergétique et de la remise aux normes de sécurité, des constructions aussi emblématiques que l’Ecole de commerce de Saint-Jean ou encore la cité de Meyrin ont connu les affres de l’isolation extérieure et des menuiseries en PVC. Pourtant, le conflit qui oppose les instances de l’énergie et celles du patrimoine est stérile. L’étude menée par le TSAM sur la cité du Lignon (lire TRACéS no 07/2013), ou encore la restauration des façades de Tavaro ont montré que des interventions respectueuses de l’existant peuvent être économiquement avantageuses et offrir de très bons résultats d’un point de vue énergétique.

La monographie sur Georges Addor, transcendée par l’engagement de ses auteurs et l’affection profonde qu’ils semblent porter tant à l’homme qu’à son œuvre, est un livre qui mérite une attention toute particulière parmi la pléthore de monographies «papier glacé» sans intérêt qui envahissent les présentoirs des librairies.

 

Références

ADDOR ARCHITECTE
Sous la direction de Franz Graf
MētisPresses, Collection vuesDensemble, Genève, 2015 / CHF 88.-

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