Nou­vel­les ré­so­nan­ces

À Boswil AG, la transformation de l’ancien logis du sacristain par Gian Salis incarne la continuation d’une tradition séculaire dans l’emploi frugal de matériaux. Là où des paysans ont jadis habité et travaillé, des musiciens pratiquent aujourd’hui leur art.

Data di pubblicazione
03-11-2021

Le lieu est magique. Propriété de la fondation Künstlerhaus Boswil, l’ancien ensemble formé par l’église, la cure et le logement du sacristain, se situe sur une hauteur de Boswil en Argovie. Des notes de musique s’égrènent sur un paysage tantôt plat, tantôt vallonné, piqueté de fermes et de grands tilleuls. Après le foyer de l’ancienne église, Gian Salis – qui a remporté le concours pour les deux projets en 2014 – a achevé la rénovation de ce qui était la maison du sacristain. Ce bâti protégé, à l’origine une ferme de la fin du 17e siècle, accueille deux locaux de répétition, des hébergements pour artistes, des bureaux et une salle de conférence. L’état avant rénovation n’est qu’une étape passagère dans une longue série de rénovations et de modifications entreprises au cours des siècles. Il en reste nombre de traces visibles ou devinables – telle la toiture en croupe, recouverte de chaume jusqu’en 1876 – et d’autres encore cachées.

L’ancienne trame constituait un défi, car le bâti, divisé en petites pièces basses de plafond et dépourvu de fondations, n’accusait pas seulement le poids des années, mais menaçait de s’effondrer à certains endroits. Il a donc fallu stabiliser le bâtiment sur de nouvelles fondations. Au rez-de-chaussée, notamment dans la cage d’escalier et sous les pièces lambrissées où se trouvent aujourd’hui les bureaux, le sol a été excavé pour gagner en hauteur.

Adossées au corps de logis, se trouvent l’ancienne grange et une écurie, construites avec une ossature archaïque en poteau de faîtage typique de l’Argovie. Un dispositif où les combles sont pour ainsi dire accrochés à des poteaux faîtiers centraux, plutôt que rigidement ancrés, comme sous une toiture conventionnelle. Ce bâti mobile offre des avantages qui ont permis, lors d’une précédente transformation, de surélever la gouttière au-dessus du corps de logis, ce qui se traduit encore aujourd’hui dans la forme surprenante du toit qui présente une vague. De même, les nouveaux éléments renforçant la charpente ont été appuyés sur les anciennes pannes. Le résultat est une fine texture de tuiles anciennes légèrement délavées, dépourvue d’intersections, et qui, vue d’en bas, évoque une toile de tente.

Dimensions expressives

À l’intérieur aussi, Gian Salis est resté fidèle à l’esprit d’un bâti où, au cours du temps, la substance en place a sans cesse été adaptée à de nouveaux contextes et besoins avec les moyens les plus simples. Avec le charpentier local Andreas Treier, de l’entreprise Schäfer Holzbautechnik, il a évalué le potentiel de réemploi du bois issu de divers éléments de construction. Alors qu’ailleurs on s’en serait débarrassé, ils ont pris le soin de démonter, trier, numéroter et documenter les pièces existantes – parmi lesquelles se trouvaient de beaux spécimens – afin de les réutiliser dans les aménagements intérieurs. D’anciennes parties de plancher se sont ainsi muées en nouvelles parois et, dans le foyer d’entrée, les lambourdes murales à côté de l’escalier métallique affichent encore les variations de teinte dues à la marque des poutres sur lesquelles elles reposaient auparavant.

Deux styles, un langage

Un autre défi a consisté à amener de la lumière dans cette trame de base compartimentée. Au niveau des volumes, les anciennes pièces ont autant que possible été conservées et complétées au besoin par des éléments plus ouverts. Cela aboutit à deux styles. D’un côté, les pièces lambrissées aux fenêtres traditionnelles, qui accueillent ­aujourd’hui les bureaux et les chambres d’hôtes au premier étage, petites et presque entièrement revêtues de vieux lambris. ­Malgré la nouvelle isolation, les espaces de travail ne paraissent pas avoir subi de grands changements. Comme partout dans la ­maison, on ouvre les fenêtres quand il commence à faire chaud et les installations techniques ne semblent guère présentes.

À l’arrière du bâtiment, le côté opposé se déploie dans une extension moderne, avec la salle de conférence, dont les fenêtres s’ouvrent généreusement sur le paysage rural environnant. Lumière et vue sont aussi au rendez-vous à travers la façade largement vitrée de la salle de répétition installée sous le toit pentu. À la demande des services du patrimoine, tous ces nouveaux espaces précisément détaillés sont revêtus à l’extérieur de fines lamelles de bois, afin de préserver la perception du volume depuis le village comme un tout. Le bois – ­ancien ou neuf – réunit les styles en un ­langage unique.

L’élément central du bâtiment est l’escalier métallique du hall d’entrée, enchâssé au millimètre près dans la structure bois. Du rez-de-chaussée, vitré à l’entrée côté réception, il conduit à l’étage des chambres, puis au petit et au grand local de répétition situés au-dessus. Ménagée dans le toit, une lucarne d’anciens pavés de verre miroitant dans divers tons confère à la pièce un charme particulier en y captant les rayons du soleil selon les heures du jour.

Contrairement à d’autres lieux – où des opérations perfectionnistes visent à recouvrir l’existant, assorties d’une débauche d’installations émulant les standards du neuf – la magie n’a pas disparu de la maison d’artistes de Boswil. Elle est à mettre au crédit de l’architecte, du maître de l’ouvrage et sans doute au budget non extensible. Les adaptations réalisées s’inscrivent dans une longue série de transformations intervenues au cours du temps, tout en illustrant la marge de manœuvre ouverte à des projets contemporains pour répondre à de nouveaux besoins.

Cet article a été publié dans le numéro spécial «Ville en bois – Bureaux, ateliers et autres lieux de travail». Vous trouverez d'autres articles sur le thème du bois dans notre e-dossier.

Participants au projet

 

Maître d’ouvrage: Fondation Künstlerhaus, Boswil

Architecture: Gian Salis Architekt, Zurich

Statique bois: Makiol Wiederkehr, Beinwil a. S.

Paysage: Jane Bihr-de Salis, Kallern

Construction en bois: Schäfer Holzbau Technik, Aarau

Plafonds: Lignatur, Waldstadt

Bâtiment

 

Surface brute (SIA 416): 956 m2

Volume (SIA 416): 2972 m3

Bois et Construction
Intégration dans le bâtiment existant

 

Poutre continue: épicéa/sapin blanc, 11 m3 (Suisse)

Chevron: sapin blanc / bois massif, 35 m3 (Suisse)

Support bois: épicéa/sapin blanc, 46 m3 (Suisse)

Dates et Coûts

 

Construction: juin 2019-mars 2021

Gros œuvre: octobre 2019-juin 2020

Total (CFC 1-9): 5.3 Mio CHF incl. TVA, y compris charpente intérieure et bardage en bois env. 1 Mio CHF

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