Sch­wei­z­weit. Ar­chi­tec­tu­re ré­cen­te en Suis­se

Exposition au S AM à voir à Bâle jusqu’au 7 mai 2017

L’exposition du S AM est une expérience curatoriale inédite: sous la houlette de son nouveau directeur, Andreas Ruby, l’équipe est parvenue à mettre au diapason 162 bureaux d’architecture en provenance de toute la Suisse. Ensemble, ils composent une grande symphonie d’images qui doit faire la démonstration de la diversité de la production helvétique. L’exposition permet surtout de lire comment l’architecture suisse parle d’elle-même

Data di pubblicazione
18-01-2017
Revision
21-01-2017

Co-op curatorial


En pénétrant dans le S AM, le visiteur est informé des conditions de conception de l’exposition. Les curateurs ont en effet pris soin de documenter leur démarche, en publiant certains échanges épistolaires, tantôt enthousiastes, tantôt critiques, qui en disent long sur les enjeux de cette entreprise collective. Comment orchestrer 162 équipes ? Avec un dispositif très simple, qui s’est révélé d’une redoutable efficacité : chaque bureau était invité à proposer trois objets emblématiques de la production architecturale helvétique :

  1. un projet émanant de l’agence ;
  2. un projet construit récemment par un collègue ;
  3. une construction vernaculaire exemplaire du paysage suisse.

La première requête a permis de composer une impressionnante mosaïque de projets, qui réalise le but prioritaire de l’exposition : établir un bilan, démontrer la grande diversité de la production architecturale suisse. Les jeunes agences et les architectes reconnus sont mis à la même enseigne, dessinant le portrait d’une profession dont la structure favorise l’émergence de petites équipes plutôt que la concentration aux mains de quelques grands noms. C’est cette caractéristique que l’on doit retenir du magnifique portrait à 162 facettes qu’offre l’exposition : celle d’un pays qui favorise l’entrée en lice de jeunes agences.
L’exposition est une œuvre ouverte : en évitant un classement par régions ou par écoles de tendances, le dispositif autorise le visiteur à tracer lui-même des réseaux d’influences, des lignes persistantes et des tendances qu’il voudra voir émerger. Les projets entrent en résonance, interprètent différentes variations du même thème. Il s’en dégage la perception d’une profession qui compose ensemble, comme un orchestre de jazz où chaque musicien improvise en tendant l’oreille vers ses voisins.

Le goût des autres


En célébrant les voix multiples, l’exposition révèle inévitablement les passions et les obsessions secrètes des architectes suisses. Quand il leur est demandé de citer leur référence préférée, c’est toute la structure interne de la profession qui se dessine en filigrane. Le sociologue du dimanche s’amusera beaucoup à observer ses petits jeux de pouvoir, ses filiations, ses actes d’allégeance à peine masqués… « Something is rotten in the state of Denmark », écrit dans le livre d’or une critique zurichoise en visite, certainement lassée d’entendre claironner les mêmes sons de cor. Les jeunes bureaux nomment les architectes établis, les architectes établis citent leurs « maîtres », et les « maîtres » adoubent leurs disciples… Ce qui devait être un échantillonnage ressemble alors aussi bien à une sorte de palmarès. Dans l’index du catalogue, on peut s’amuser à compter le nombre de références, marquées par l’italique. On ne peut s’empêcher de songer que cette question permet de désigner la quintessence de l’architecture suisse. Curieusement, ce ne sont pas les architectes pritzkerisés qui sont le plus admirés. Parmi les objets préférés, on trouve en premier La Cogiunta, ce petite temple de l’architecture autonome que Peter Märkli érigea il y a maintenant 25 ans pour exposer des travaux du sculpteur Hans Josephsohn. La Cogiunta, c’est ce lieu de pèlerinage obligatoire qui soude la profession autour d’obsessions communes : montagne, béton, mépris de l’isolation périphérique.
Une autre tendance, plus «urbaine», célèbre la section E du Zwicky Areal, à Dübendorf. Cet ensemble de logements récemment réalisé par Schneider Studer Primas condense en effet les espoirs d’un renouvellement de la culture urbaine helvétique, avec ses typologies innovantes et son financement coopératif exemplaire.

Learning from les architectes suisses


Enfin, quand il est demandé aux architectes de désigner une référence d’objet vernaculaire, le chœur des «montagnards» domine nettement. Ce sont des refrains que l’on connaît bien : la plupart des références récoltées célèbrent ces petits objets pittoresques perdus dans le vaste paysage alpestre : chapelles en pierre, chalets, cabanes, mazots, granges, etc. A moins que les architectes ne préfèrent dévoiler leur passion violente pour ces infrastructures sublimes qui construisent le paysage : ponts, viaducs, barrages, tunnels, etc. Dans les deux cas, les architectes suisses célèbrent à l’unisson leur amour pour le béton dans la grisaille.
Le paysage urbain est quasiment absent. Quelques exceptions: le quartier des banques zurichoises, quelques tours des années 1970, les toitures de Lausanne… enfin, le paysage du quotidien pour la majorité des habitants de ce pays. Et cette bonne vieille périphérie, l’agglo mal-aimée – destinée probable de tous ces jeunes architectes.

L’architecture entre clichés


Dans cette grande symphonie des images, quelques instruments n’ont pas joué : les dessins. Où sont les axonométries, les plans, les coupes ? Ces documents qui décrivent l’architecture comme métier ? La planimétrie aurait certainement donné une autre définition de l’architecture, tournée vers l’organisation, le fonctionnement, vers l’usage, plutôt que de focaliser exclusivement sur la construction du paysage national. Là, les exceptions sont rares: il y a bien quelques plans radicaux, mais ils agissent un peu comme des compositions picturales. Malgré une tendance très nette qui se dégage récemment des concours d’architecture, les architectes suisses ont implicitement consacré la suprématie des images.
Mais l’exposition Schweizweit a une autre ambition, aussi difficile que valeureuse : faire un bilan, tout mettre à plat, annuler les distances, les hiérarchies, faire un reset du paysage architectural suisse. Aussi, on se laisse prendre par ces projections en grand format qui défilent continuellement, qui nous emmènent en voyage, comme dans un train, à travers le pays des architectes suisses.

 

Exposition

SCHWEIZWEIT. ARCHITECTURE récente en SUISSE
A voir jusqu’au 7 mai S AM de Bâle

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