«L’ate­lier du fu­tur est en ré­seau»

Les technologies numériques modifient la filière du bois. Dans l’« Atelier du futur », l’Institut de l’économie numérique de la construction et du bois de la Haute école spécialisée bernoise développe des modes de travail et de production.

Publikationsdatum
18-11-2021

Rolf Baumann, la filière suisse de transformation du bois est-elle armée pour les défis à venir?

Rolf Baumann: Avec beaucoup de forêts et la matière première à portée de main, les conditions sont favorables. La Suisse dispose aussi d’un grand savoir-faire et de fabriques techniquement bien outillées. La difficulté réside dans la structuration d’une branche de 80 000 employés dans 10 000 entreprises. Toutes vont évoluer dans l’une des quatre directions suivantes : miser sur la taille et une forte part de marché, d’autres disparaître plus ou moins vite, tabler sur une spécialisation de niche, mais la dernière option est particulièrement stimulante: coopérer.

Pourquoi?

De petites sociétés peuvent s’allier autour de projets qui excèdent leurs capacités individuelles. En coopérant de façon horizontale, par exemple lorsque plusieurs constructeurs abordent ensemble un projet d’envergure. Ou de manière verticale, tout au long de la chaîne de transformation en remontant du client à la récolte du matériau. Des collaborations ad hoc, axées sur les exigences particulières d’un projet, sont intéressantes. Les entreprises peuvent aussi coopérer en marge de mandats précis, en engageant ensemble des spécialistes qu’elles ne pourraient s’offrir seules.

La relation entre client et entreprise se modifie-t-elle aussi?

De plus en plus de clients souhaitent pouvoir configurer et commander leur produit en ligne. Un échange personnel avec le fabricant n’a plus forcément lieu. Pour exploiter valablement une plateforme virtuelle, il s’agit d’intégrer au processus de construction des fondamentaux numériques, tels que le paramétrage, la transmission et la combinatoire. Cela aboutit à des modèles d’affaires inédits.

Pouvez-vous expliciter cela?

Pour se démarquer de la concurrence, les menuiseries avançaient jadis l’argument de la qualité. Or, ce n’est plus guère pertinent à l’heure où les discounters offrent aussi une qualité correcte. Mais alors que l’assortiment de ces derniers reste limité, une menuiserie peut répondre à des vœux particuliers. S’ils ne se différencient plus au niveau qualité, pourquoi les menuisiers ne créent-ils pas une plateforme commune, où l’on pourrait configurer son armoire ? Le client y trouverait une grande liberté de création et une super expérience d’achat. Une fois les procédés et les principes de construction établis, les ateliers pourraient réaliser n’importe quel meuble sur mesure.

Le prérequis à de telles coopérations, synergies et productions est la mise en réseau. Comment la BFH entend-elle l’encourager?

Notre atelier du futur est un environnement de développement, d’essai et de formation grandeur nature et ouvert. Nous y testons la mise en réseau – à l’interne entre personnes, machines et produits, et vers l’extérieur en créant des liens avec les clients et les fournisseurs de la construction, y compris en interaction avec le BIM.

La mise en réseau est-elle encore une notion étrangère à la pratique des entreprises?

Non, mais la difficulté réside dans les interfaces entre les systèmes majoritairement propriétaires de divers fabricants et la continuité dans l’usage de données différemment structurées. La mise réseau est en outre une tâche permanente. Les entreprises artisanales sont dépassées par ces tâches complexes et nous entendons élaborer des solutions pratiques pour elles.

Comment vous y prenez-vous?

Nous abordons des problématiques précises et les intégrons au système global. Nous avons par exemple élaboré un système de triangulation qui permet d’assembler n’importe quelle forme à partir de triangles. Jusqu’ici on aurait dû dessiner et calculer ces triangles, ce dont une interface graphique hautement flexible se charge. On modélise une forme, puis le programme calcule les dimensions et le façonnage de tous les triangles qu’une machine produira automatiquement. Une entreprise peut ainsi réaliser efficacement et avantageusement la forme désirée.

Y a-t-il aussi un exemple de mise en réseau de tous les processus d’entreprise?

Dans ce cas, il fallait associer conception de produit (CAD), gestion (ERP) et processus de fabrication (CAM). Dans le cadre d’un projet Innosuisse avec des partenaires informatiques, nous avons créé un modèle de messagerie, où les différents systèmes livrent des informations d’état à un serveur central, où ils peuvent consulter toutes les autres informations en retour. Cela a pour la première fois permis un échange d’informations entre systèmes. Le CAD peut par exemple interroger l’ERP sur l’état des commandes de matériaux.

Numérisation et mise en réseau ne sont-elles pas des défis démesurés pour une PME?

Nous avons développé un outil permettant à une entreprise d’évaluer d’abord le travail requis par la production de données liées à ses diverses activités. Il montre aussi le potentiel d’optimisation existant – par exemple l’économie annuelle réalisable dans la planification opérationnelle. Cela indique où prioriser un investissement. Notre outil offre une orientation objective dans ce sens. Il est disponible sur le site de l’Initiative Forêt & bois 4.0.

Cet article a été publié dans le numéro spécial «Ville en bois – Bureaux, ateliers et autres lieux de travail». Vous trouverez d'autres articles sur le thème du bois dans notre e-dossier.

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