Les rê­veries de l’in­gé­nieur bo­is so­li­taire

Éditorial du numéro TRACÉS 08/2020

Publikationsdatum
30-04-2020

Un temple japonais posé sur une usine, un reptile géant avachi, un immense kaléidoscope de bois… ce tableau onirique pourrait sortir tout droit du rêve d’un ingénieur bois: un monde peuplé de projets dont les formes, étranges, auraient été conçues exclusivement pour et avec son matériau de prédilection.

Cela n’aura échappé à personne, le bois est en plein essor dans la construction. En plus des typologies traditionnelles, on l’emploie désormais pour des programmes traditionnellement réservés au béton ou à l’acier : des bâtiments de grande hauteur en Suisse, un parking au Danemark, et même un stade de football en Angleterre, dessiné par Zaha Hadid architectes!

Tous ces projets mettent en avant un matériau vertueux qui, au contraire du béton ou de l’acier, et de par sa nature même, est un puits de carbone. Mais en ce qui concerne l’énergie grise, les spécialistes devront encore nous renseigner: dans son guide pour les professionnels du bâtiment, L’énergie grise dans les nouveaux bâtiments, l’Office fédéral de l’énergie indique que la différence entre une ossature bois et une maçonnerie traditionnelle ne devient significative qu’à condition d’optimiser toutes les parties du projet. Question de matière grise donc.

Les bureaux d’études que nous avons sollicités sur la question, Ratio Bois et Cambium, se sentent bien seuls en Suisse romande, malgré l’essor actuel. Ils constatent encore que, souvent, les équipes remplacent en phase concours un matériau par un autre, puis en tirent les conséquences constructives, au lieu de penser le projet à partir des contraintes et des possibilités propres au matériau. Dans ce second cas seulement, l’ouvrage, rationnel, peut être sensiblement plus intéressant en termes d’énergie grise.

Nous publions trois réalisations récentes pour lesquelles ingénieurs et architectes semblent avoir collaboré en amont. Rêves ou cauchemars, ils aboutissent à des concepts époustouflants, que ce soit avec des assemblages traditionnels ou totalement expérimentaux. Le lecteur est invité à jouer au « jeu de la rationalité », consistant à déterminer si ces projets ont été guidés par une logique de production (ce qu’on peut) ou par une logique de consommation (ce qu’on veut : où la forme détermine la structure). Cela semble à première vue assez facile, mais, en réalité, il y a toujours un peu des deux.

Alors que la disponibilité du stock de matières premières locales redevient un enjeu, il serait bon que le vieux débat sur la rationalité ressorte de nos inconscients. Et si l’innovation technologique était employée dans ce but ? On peut rêver.

Comme l’ensemble du secteur de la construction, la presse spécialisée est affectée par la crise actuelle. Afin de compenser des pertes prévisibles (comme dans l’ensemble de la presse papier), nous avons décidé de réduire temporairement la production et de fusionner deux éditions. Nous prions nos lecteurs et nos partenaires de nous en excuser.
Avec ces mesures, nous garantissons la bonne santé économique de la maison d’édition à long terme et préparons sereinement une rentrée fracassante : dès septembre 2020, TRACÉS devient une revue mensuelle, avec un nouveau format.

 

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