Cal­cul de la per­for­mance éner­gé­tique: vers une appro­che pro­ba­bi­lis­te

l’Institut de Génie Thermique (IGT) de la Haute École d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD) a développé une méthode de simulation énergétique probabiliste tenant compte des paramètres incertains (climat, performance réelle des équipements, etc.) ou variables, liés aux utilisateurs du bâtiment (température intérieure, etc.). Présentation par Pierryves Padey, chef de projet à l'Institut. 

Publikationsdatum
04-06-2019

La consommation énergétique des bâti­ments en Suisse pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire a représenté 82 TWh en 2016, soit 38.4 % de la demande en énergie finale1. Les exigences légales de plus en plus contraignantes ont permis de limiter la consommation énergétique des nouvelles constructions et ont fixé, par le biais de la stratégie énergétique 20502, des objectifs ambi­tieux pour la rénovation du parc de bâtiments existant (réduction d’un fac­teur 2 de la demande spécifique pour le chauffage des bâti­ments à horizon 2050).

Toutefois, ces exigences se basent sur des calculs théoriques de consommations d’énergie réalisés en phase de conception. Ainsi, en Suisse, la demande de chauffage des bâtiments se calcule en appliquant la norme SIA 380/1 Besoin de chaleur pour le chauffage. Ces calculs se fondent sur des scénarios liés à la technique du bâtiment et à l’occupation, qui ne sont pas toujours en phase avec les comportements réels observés. Des retours d’expériences ont déjà mis en évidence un écart de performance entre la consommation énergétique simulée en phase de conception des bâtiments et la réalité mesurée lorsque celui-ci est occupé. Une partie de cet écart peut être attribuée au comportement de l’utilisateur et une autre aux caractéristiques du bâtiment et des systèmes techniques en fonctionnement. Différentes études ont aussi montré que l’écart de performance est plus important dans le cas de constructions répondant à des exigences de hautes performances énergétiques3. Les bâtiments à haute efficience énergétique, bien qu’efficaces, n’atteignent donc pas les performances énergétiques théoriques espérées, rendant plus complexe la réalisation des objectifs nationaux de réduction de la demande.

La méthode du contrat

Les nouveaux modèles d’affaires dans le domaine du bâtiment nécessitent toutefois de caractériser avec plus de précision et d’exhaustivité la demande énergétique. À titre d’exemple, le système de garantie de performance des bâtiments implique que le maître d’ouvrage ou le prestataire énergétique soient capables d’assurer une consommation définie en accord avec le propriétaire dans le cadre d’un contrat. Sur le même principe, la mise en place d’un contrat de performance énergétique lié à l’assainissement d’un bâtiment nécessitera de pouvoir quantifier au mieux les économies d’énergie afin d’assurer la faisabilité technico-économique de l’opération. Il est donc essentiel de garantir que la simulation initiale soit représentative de la consommation observée en pratique.

Mais est-il raisonnable de vouloir estimer la consommation énergétique d’un bâtiment en phase amont de sa construction ou de son assainissement au moyen d’une seule valeur? La consommation dépend en effet de nombreux paramètres incertains et fluctuants, tels que le climat, l’usage des occupants ou encore les performances des systèmes techniques. Il est donc indispensable de tenir compte de ces sources d’incertitudes pour caractériser précisément la demande énergétique des bâtiments.

Approche probabiliste

Pour ce faire, l’Institut de Génie Thermique (IGT) de la Haute École d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD) a développé une méthode de simulation énergétique probabiliste tenant compte des paramètres incertains (climat, performance réelle des équipements, etc.) ou variables, liés aux utilisateurs du bâtiment (température intérieure, etc.). Cette approche repose sur la procédure de calcul de la norme SIA 380/1. Toutefois, au lieu de ne considérer qu’une valeur unique pour chaque donnée nécessaire aux calculs, l’approche développée considère des plages de variation pour chaque paramètre, permettant de tenir compte de leurs incertitudes. Un ensemble de scénarios plausibles de configuration du bâtiment est ainsi fixé et une demande énergétique est calculée pour chacun d’entre eux.

Ainsi, lors d’un projet, la demande énergétique d’un bâtiment n’est plus définie par une seule valeur, mais par un intervalle de consommation possible. Ce champ des possibles est également caractérisé par une distribution de probabilité, permettant d’estimer le risque d’une demande inférieure ou supérieure à une valeur seuil fixée. L’approche ainsi développée ne fournit plus une valeur unique et faussement précise, mais un intervalle et une distribution de probabilité de la consommation énergétique du bâtiment.

La méthode a été d’ores et déjà appliquée à plusieurs bâtiments dans le cadre de projets menés par la HEIG-VD (habitation collective dans le canton de Vaud, hôtels en Valais et en France) et a permis d’identifier les sources d’incertitudes expliquant l’écart de performance en consommation énergétique réelle et planifiée. Les retours d’expérience ont également démontré que l’approche développée était simple d’implémentation, robuste et rapide (quelques minutes de simulations supplémentaires par rapport au bilan thermique traditionnel). La HEIG-VD souhaite maintenant enrichir le développement de cette approche en analysant un plus grand nombre de bâtiments afin de proposer à terme un guide de bonne pratique quant à la caractérisation probabiliste de la demande énergétique dans l’environnement bâti suisse.

Notes

 

1. Prognos AG, Infras AG, TEP Energy GmbH ,«Analyse des schweizerischen Energieverbrauchs 2000–2016 nach Verwendungszwecken», 2017, OFEN, Berne.

 

2. Prognos AG, « Die Energieperspektiven für die Schweiz bis 2050 – Energienachfrage und Elektrizitätsangebot in der Schweiz 2000–2050 », 2012, OFEN, Berne.

 

3. Référence A : J. Khoury, « Rénovation énergétique des bâtiments résidentiel collectifs : état des lieux, retours d’expérience et potentiel du parc genevois », Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2014 - Sc. 4752 - 2014/12/16 ; référence B : Menezes, A. C., Cripps, A., Bouchlaghem, D., & Buswell, R., « Predicted vs. actual energy performance of non-domestic buildings : Using post-occupancy evaluation data to reduce the performance gap », Applied Energy, 97/2012, pp. 355-364.

Dr Pierryves Padey est chef de projet à l’Institut de Génie Thermique de la Haute École d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD).

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