Char­pen­te ha­bi­tée

Au sommet d’une route qui monte en lacets depuis les rives du Léman se trouve l’internat de l’École Protestante d’Altitude (EPA) de Saint-Cergue (VD). Bunq architectes imaginent, pour la nouvelle salle de gymnastique, une charpente habitée.

Data di pubblicazione
07-10-2025

C’est là, dans cet internat perché à 1050 m d’altitude, que sont accueillis depuis 1960 des enfants déscolarisés. L’hiver, on y skie ; l’été, on y joue. Les longues périodes d’entre saison requièrent de vastes espaces extérieurs où les jeunes peuvent se défouler. Appelé dans un premier temps pour effectuer une étude de faisabilité, le bureau bunq devait proposer une nouvelle salle de gymnastique. Mais sur le terrain déjà densément bâti, accroché à la falaise, difficile de trouver un emplacement pour ce projet. Les architectes proposent donc de démolir le Rocher, un édifice vétuste qui accueille l’un des trois groupes d’âge de l’internat, et d’y reconstruire à la place une salle de sport surmontée de chambres.

Ce choix permettait non seulement d’exploiter la topographie existante pour éviter une excavation trop importante, mais aussi d’utiliser un mur de remblais dans le projet. Mais comment matérialiser ce programme hybride ? Les architectes imaginent, en collaboration étroite avec les ingénieurs, d’encastrer la salle de gymnastique entre la falaise et le muret, et d’y superposer les chambres.

Topographie et typologie

L’implantation dans la pente du volume permet de gérer en douceur tous les accès : la salle de gymnastique au rez-de-chaussée, qui peut être allouée à des évènements externes à l’internat, possède une sortie de secours directement sur l’extérieur. L’accès principal est au premier étage, une mezzanine donne en balcon sur la salle. Enfin, sous la charpente, se trouve l’unité de vie dédiée aux adolescents : les chambres côté sud, les sanitaires et les espaces de rencontre au nord, distribués par un axe de circulation qui traverse tout le bâtiment.

Le parallélépipède strict se déforme ainsi au fil des niveaux pour épouser au mieux le terrain. Au rez, il tutoie la falaise de calcaire auquel s’adosse le projet et les contours du local de stockage se calent sur la paroi rocheuse. 

Cet article est paru dans le numéro spécial «La ville en bois - Établissements de soins et économie circulaire». Vous trouverez d'autres articles sur la construction en bois dans notre dossier numérique.

Structure

C’est la coupe audacieuse de cette charpente asymétrique qui fait toute la force du projet. En effet, les architectes sont hantés par une référence depuis 2017 et le concours auquel ils ont participé (en collaboration avec Galletti Matter) pour le Prieuré à Pully. Cette référence, c’est celle du Zeughaus, à Teufen (SG), de Felix Wilhelm Kubly : dans ce projet qui est aujourd’hui un musée, le rez-de-chaussée est libéré de tout point porteur grâce à la charpente qui suspend le sol du premier étage. Les éléments du bas de la ferme travaillent ainsi en sous-tension.

En collaboration étroite avec Ingphi, bunq étudient le schéma de force de cette logique structurelle pour en reproduire l’effet à l’internat et libérer ainsi le plan de la salle de gymnastique. Mais leur réflexion va encore plus loin : pour amener de la -lumière en cœur de plan, la ligne de faîtage est rompue et décalée, un bandeau horizontal de fenêtres prend ainsi le soleil au sud. Les éléments verticaux suspendent le sol de l’internat. Les tirants horizontaux sont -dédoublés et conçus en frêne – un bois plus dur et donc au comportement statique plus performant que l’épicéa choisi pour l’ensemble de la charpente –, ce qui a permis de réaliser des pièces plus fines qui prenaient moins de place dans l’espace.

En façade, pour décharger les éléments verticaux tout en créant un espace de prolongation extérieure ainsi qu’un brise soleil sur la salle de sport, les jambes sont inclinées et doublées. Elles se fichent dans de petits socles en béton appuyés sur le mur de pierres remaçonné – « le bois n’aime pas avoir les pieds dans l’eau », rappelle Olalla Lopez (bunq), qui a dirigé le chantier. Le mouvement du portique vers l’avant n’est pas sans rappeler le système constructif des constructions rurales fribourgeoises et vaudoises, déjà décliné par bunq dans leur projet de logements pour l’Institution de Lavigny, dix ans auparavant. À la différence près que cette fois ci le geste n’est pas que bidimensionnel – il acquiert également une certaine maturité, une puissance tridimensionnelle due aussi au travail étroit entre architecture et génie civil.

À Saint-Cergue, ce portique est ensuite répété dans la profondeur du bâtiment, rythmé par la trame des chambres, lisible en façade. Les éléments de structure ont été traités par une huile pour être distingués des éléments de menuiserie. Des lames en bois pré-grisaillé viennent parer les assauts du soleil contre cette face largement vitrée et exposée plein sud. La toiture et les murs pignons sont quant à eux protégés par de larges plaques d’Eternit ondulé et percés de deux immenses oculi, qui confèrent à la façade un regard espiègle.

Ainsi la beauté de ce projet réside dans sa clarté structurelle, qui anime le programme jusque dans l’articulation de l’espace : chaque poutre n’est pas qu’un élément porteur, elle est aussi gardienne de l’unité du bâtiment. Unité au sens d’harmonie, mais aussi de système de mesure. 

PARTICIPANTS AU PROJET

 

Maître d’ouvrage : EPA St-Cergue

Architecture : bunq architectes, Nyon

Statique : INGPHI, Lausanne

Construction en bois : JPF-Ducret, Bulle

Menuiseries extérieures en bois : Menuiserie Mayland, Sainte-Croix

 

BÂTIMENT

 

Surface de plancher : 1048 m2

Surface nette de plancher : 900 m2

Volume : 5245 m3

Label : Bois Suisse

Distinction : Prix Lignum 2024

 

BOIS ET CONSTRUCTION

 

Construction : cadres à sous-tension / ­plancher suspendu / planchers et toitures en bois lamellé-croisé

Bois de construction : charpentes : épicéa / sapin blanc (Suisse) ; tirants de la sous-­tension : frêne (Suisse)

Surface de façade en bois : 300 m2

Quantité de bois : 75 m3 (charpentes) ; 110 m3 (CLT) ; 1000 m2 (bois lamellé-croisé)

 

DATES ET COÛTS

 

Temps total de construction : 18 mois

Montage de la structure et de la façade : 5 ­semaines

Production de la structure et de la façade : 8 semaines

Coûts (CFC 1-9) : 5.9 Mio CHF TTC

Coûts structure porteuse : 525 000 CHF HT
 

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