Le « Cir­cuit court » court-cir­cui­té

Éditorial du numéro de mai 2021 de Tracés

Data di pubblicazione
14-05-2021

«Circuit court»: pour une fois, une expression fait l’unanimité. Depuis que le ciment a été désigné ennemi climatique numéro un, toutes les familles politiques chantent les vertus du bois, une ressource que l’on sait abondante dans nos contrées. Or, à peine le dernier zadiste du Mormont tombé de son arbre, nous apprenons que le prix du bois «flambe», notamment pour satisfaire le courant néorural qui fait fureur aux États-Unis. Plus de 40% du bois employé dans la construction suisse serait importé, alors même que l’on nous jure que la Suisse ne sait que faire de son bois. Comment est-ce possible?

Dans un récit saisissant, La Forestière1, une coopérative regroupant des exploitants forestiers de Suisse romande, explique pourquoi le marché suisse est totalement dépendant de forces microscopiques et d’agents macroéconomiques à l’œuvre à l’échelle mondiale. Ce récit mêle humains (Chinois, Européens, Américains), non-humains (le bostryche qui ravage les forêts européennes, le Mountain Pine Beetle qui se charge des forêts canadiennes), éléments naturels (le feu, le vent et la neige, comme dans Game of Thrones), mais aussi le cours du pétrole, lui-même affecté par un acteur minuscule: le coronavirus – presque un détail dans cette histoire. Au milieu de ce conflit généralisé, les quelques scieries suisses n’ont d’autre choix que de s’aligner, marchés publics oblige.

La coopérative La Forestière salue l’initiative des maîtres d’ouvrage de mettre à disposition leurs ressources pour favoriser les constructions en bois local. Puis pose la question: «comment faire lorsqu’ils ne disposent pas eux-mêmes de suffisamment de bois?». Dans le canton de Vaud en effet, une douzaine de projets doivent être érigés ces prochaines années avec un volume de bois ronds se chiffrant en dizaines de milliers de m3. Or mobiliser une telle ressource en seulement quelques années atteindrait voire dépasserait la possibilité de coupe, autrement dit le volume de bois qu’il est possible de prélever annuellement tout en garantissant les récoltes futures. Le circuit-court, par définition, contredit un flux de production d’un marché mondial qui ne s’arrête pas aux frontières. Aucune solution n’est à écarter, dit le bulletin. Sur l’origine du bois, il faudra faire preuve de souplesse.

Une des solutions est nécessairement située en tout début de circuit, à travers le projet des architectes et des ingénieurs. Sachant que le BLC et le panneau CLT emploient trop de matière (et de colle), il serait temps de remettre en vogue cette bonne vieille tectonique, de favoriser l’ossature et un usage rationnel du matériau, d’aller dans le sens du bois.

Note

 

1. Société coopérative des propriétaires et exploitants forestiers, dans son Bulletin 1/2021 du 29 mars 2021, disponible sur le site laforestiere.ch

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