Re­gard d'E­loi­sa Vac­chi­ni sur la Mai­son Ko de We­spi de Meu­ron Ro­meo

«Les maisons des autres» est un dossier qui invite les architectes au dialogue: espazium.ch a demandé à des architectes actifs au Tessin de commenter la maison d'un collègue, sans lésiner sur l'analyse et la critique. Il s'agit donc de textes d'architectes sur les architectes, qui portent une réflexion sur le design au Tessin. Le premier texte traduit de cette série publiée sur espazium.ch/it est le regard poétique d'Eloisa Vacchini sur la maison réalisée par le bureau wespi de meuron romeo architetti à Morcote sur les rives du lac de Lugano.

Data di pubblicazione
13-10-2020

C’est un réel plaisir de trouver, au cœur du mouvement architectural contemporain, un ouvrage où l’architecte affirme sa présence en silence au lieu de la revendiquer à cor et à cri.

La maison de Morcote se fond dans le paysage des bords du lac, dans le plus beau village de Suisse, sa façade de pierre exposée au soleil.

Je pourrais simplement la décrire, mais heureusement, c’est un exercice plus que superflu.

Chaque maison porte en elle la lourde responsabilité de l’architecte quant à la manière dont il change le regard et les habitudes de ses occupants. Le client se confie à nous sans savoir que nous pourrions allègrement bouleverser sa vie. En observant les plans et les photographies, j’ai imaginé comment les architectes ont pu changer le style de vie des occupants et jen ai conclu que, de ce point de vue aussi, la maison de Morcote fournit largement matière à penser.

On pourrait parler de la manière de regarder un paysage. Jouir d’une vue aussi ample ne signifie pas qu’il faille toujours y poser le regard, de chaque pièce et à n’importe quelle heure de la journée. Par ailleurs, il vaudrait beaucoup mieux ne pas embrasser du regard certaines portions de paysage.

On pourrait parler de la vigne, de la manière dont sa présence a marqué et marque notre territoire et dont cette élément si constitutif du paysage peut se transformer en un thème d'habitation.

On pourrait également se livrer à quelques considérations sur la manière dont les pierres récupérées des murs de soutènement du vignoble confèrent aux façades principales et aux sols une harmonie de couleurs parfaite et une patine historique que l’on identifie avec plaisir. Les pierres trouvées sur place ont été réutilisées, sans exagération.

Autre sujet très intéressant: la présence de patios très intimes positionnés dans l’alignement des chambres à coucher. On sourit en observant cette proposition et on ne peut qu’imaginer la personnalité des maîtres d’ouvrage. Le patio permet de contrôler la lumière, de se sentir protégés, clos dans un espace, mais libres en levant les yeux vers le ciel. La cour est également un espace contemplatif où les intempéries tiennent les rôles principaux. Un petit espace à observer, qui est tout sauf immobile.

On peut également faire l’éloge du minimalisme, si nécessaire dans des espaces plutôt réduits ou admirer les teintes et les caractéristiques des matériaux utilisés. On sait que ce bureau d’architecture est passé maître dans le choix de matériaux naturels quasiment bruts. La construction est l’expression d’une certaine dextérité manuelle, extrêmement concrète. C’est un choix très affirmé, assidu, qui s’adapte bien au thème de l’habitation.

On pourrait se perdre enfin dans mille et une pensées sur la modernité ancienne d’un toit végétalisé comme celui-ci, un élément qui exerce depuis toujours une grande fascination du fait des possibilités qu’il offre.

On pourrait pour finir tenir mille et un discours abstraits sur les formes, les inclinaisons et les proportions obtenues dans les différents patios grâce à une simple diagonale en façade.

Ce sont tous des arguments pertinents, intéressants, dont on peut débattre longtemps, peut-être assis à côté de la cheminée dujour, entre un patio clos et une grande baie vitrée ouverte sur le lac, un verre de vin rouge à la main pour célébrer la vigne que nous évoquions plus haut.

 Mais rien ne vaut le silence.

Peut-être ne peut-on parler de cette maison qu’en se taisant... et, sans trop se demander comment, savourer la pause émotionnelle qu’elle fait naître.

Avec une exquise gentillesse et en silence, Jérôme de Meuron m’a accompagnée, ouvert les portes et souri, me permettant dappréhender la séduisante absence – bien que très affirmée et présente – de cette manière de faire l’architecture.

Les maisons des autres

- Les maisons des autres, éditorial

- Re­gard d'Eloisa Vac­chini sur la Mai­son Ko de Wespi de Meu­ron Ro­meo

 

- Regard de Stefano Moor sur la Maison à Sonvico de Martino Pedrozzi (à venir)

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