Le pro­ces­sus peut-il à lui seul "fai­re la vil­le"?

Editorial du numéro 01-02/2019

Data di pubblicazione
23-01-2019
Revision
24-01-2019
Cedric van der Poel
Codirecteur d'espazium.ch, espace numérique des éditions pour la culture du bâti

Dans l’ouvrage Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, Bruno Latour postulait qu’il n’y a « pas de réalité sans représentation ! »1 En donnant une large place, dans ce numéro consacré au futur écoquartier des Plaines-du-Loup à Lausanne, aux différents plans produits et diffusés par la Ville de Lausanne et aux images de synthèse réalisées pour les mises en concours du premier Plan partiel d’affectation (PPA1), nous avons voulu donner l’image officielle, et donc sa réalité, de ce quartier à venir.

Cet exercice de mise en visibilité n’a pas pour simple objectif d’informer nos lecteurs sur le devenir des Plaines-du-Loup. Il cherche à éclairer une nouvelle façon de fabriquer la ville qui met l’accent sur des objectifs politiques, l’ingénierie des processus et l’innovation managériale.

Du plan directeur localisé (PDL) validé par le Conseil communal en 2014 au dernier concours d’architecture lancé il y a quelques semaines, le PPA1 a suivi un processus « en cascade » dont la structure a été imaginée pour répondre aux principes de mixités sociale, générationnelle et fonctionnelle imposés par la Ville de Lausanne. Entre urbanisme négocié et planification volontariste, le processus d’urbanisation des Plaines-du-Loup met en place toute une série d’innovations que ce dossier met en lumière et qu’il est important de souligner.

Toutefois, le processus peut-il à lui seul « faire la ville » ? Certaines inconnues questionnent le développement de l’ensemble du quartier. S’il réussit le tour de force de faire travailler ensemble des acteurs aussi hétérogènes que des promoteurs privés et des coopératives d’habitants, de faire voisiner des logements pour migrants et des PPE, on peut se demander si ce processus parviendra à réaliser le saut d’échelle nécessaire pour faire des Plaines-du-Loup plus qu’une addition de trois plans partiels d’aménagement. Ce qui manque pour l’instant au processus est un outil tel que le « plan guide » développé par Alexandre Chemetoff pour l’île de Nantes dans les années 2000 : un document de référence qui, tout en affirmant avec force la volonté politique de faire une ville plus inclusive, puisse faire évoluer la charpente des espaces publics tout au long du projet, s’adapter aux différentes initiatives des acteurs, aux formes des pièces urbaines et figurer des hypothèses probables autant que des idées plus prospectives. Non pas un protocole, mais un instrument basé sur une vision à long terme qui lierait le processus à la morphologie.

 

Note

1    Bruno Latour, Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, 1999, p. 178

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