Stoa: fran­chir le Wett­be­werbs­gra­ben

Dossier Concours

Le bénéfice du concours ouvert, estiment les associés de Stoa, est qu’il favorise la prise en compte du facteur humain – une source d’originalité bien plus intéressante que l’architecture symbolique.

Date de publication
01-02-2021

Quelle est la situation du concours en Suisse romande?
Nous avons pu lancer notre agence grâce à deux concours en procédure ouverte remportés cette année. En tant que bureau bilingue situé à la frontière entre la Suisse romande (Neuchâtel) et allemande (Berne), nous pouvons observer de grandes différences entre les deux régions. En effet, la scène zurichoise ou baloise est non seulement saturée, mais aussi fermée, en raison du recours quasiment systématique au concours sur invitation, où les invités sont souvent les mêmes. Nous avons aussi l’impression que les «wild cards», censées représenter la nouvelle génération, sont principalement composées de bureaux relativement matures. À contrario, la Suisse romande reste un bastion pour les concours à procédure ouverte, spécialement dans les cantons de Neuchâtel, Fribourg, Berne ou le Valais.

Cependant, nous constatons partout en Suisse un accroissement du nombre de candidats dans les procédures ouvertes. Beaucoup de jeunes bureaux de Suisse alémanique sont désormais nos concurrents directs en Romandie. Le phénomène inverse est pratiquement inexistant, ce qui renforce le sentiment d’un «Wettbewerbsgraben».

Nous privilégions pour l’instant les concours ouverts en Suisse romande en espérant que le nombre de candidats diminue. Nous étions très surpris par le nombre élevé de candidats dans le concours du Collège des Parcs à Neuchâtel, que nous avons pourtant remporté. Une connaissance fine du contexte et de la scène ultra-locale a certainement joué en notre faveur.

Le concours favorise-t-il l’expérimentation?
Nous ne croyons pas que les questions stratégiques s’opposent aux réponses innovantes ou à une architecture singulière, bien au contraire. Nous nous sommes éloignés d’une architecture trop grandiloquente, peut-être en réponse directe aux architectes « stars » qui nous étaient présentés en modèles durant nos études. Nous croyons que notre génération recherche désormais beaucoup plus la collaboration que l’architecture d’auteur, une approche contextuelle plutôt que symbolique. Aussi, en tant que «millenials», nous ressentons très fortement notre responsabilité directe par rapport aux questions de durabilité. Loin de les nommer « consensuelles », je dirais simplement que ces nouvelles approches sont un peu moins machos et se distancient de l’architecture objet. Nous voyons cela comme quelque chose de bien plus original.

Lire également: Concours en Suisse ro­mande: in­ven­taire et pistes de re­nou­vel­le­ment

Il faut prendre en compte le facteur humain, sérieusement considérer l’intérêt des utilisateurs autant que celui des architectes, ce qui donne certainement de nouvelles formes et intentions aux rendus de concours. Étant donné les nombreuses heures investies, il nous paraît aussi logique de privilégier des concours qui nous paraissent réalisables : le plus local possible, une estimation basse du nombre de participants, des projets rationnels. Ceci n’empêche en rien l’apport d’éléments architecturaux de qualité.

Faut-il faire évoluer les concours?
Nous pensons que le concours ouvert fait de plus en plus peur aux maîtres d’ouvrage pour plusieurs raisons: le lauréat peut venir de toute l’Europe et manquerait d’une connaissance locale ou d’une langue commune. Autre raison, les coûts d’organisation d’un concours ouvert paraissent élevés en début de projet. Il y a sûrement une méconnaissance des avantages de cette procédure (plus de choix, pas de différence de coûts ou moins de coûts une fois l’objet fini, évolution du milieu, procédure la plus juste par rapport aux marchés publics).

Afin de diminuer le nombre de candidats et rendre le concours ouvert plus attractif, nous ne voyons qu’une solution: l’instaurer partout où c’est possible. Si le nombre de concours ouverts augmente, le nombre de candidats diminuera. Il serait bienvenu que la SIA prenne une position plus forte pour le concours ouvert, surtout dans les grandes communes de Suisse.

Cependant, lorsqu’un concours ouvert n’est pas pertinent, pourquoi ne pas proposer de nouvelles formes d’invitations: concours à deux degrés où le premier ne demande qu’un rendu sommaire, concours participatif, etc.

La composition des jury gagnerait aussi à être plus variée, jeune et paritaire, afin de mieux défendre les besoins de notre époque et de donner plus de chances aux nouvelles idées. Nous ne croyons pas que notre génération d’architectes soit sacrifiée, mais il est certes difficile de se faire une place par la compétition. Avant d’avoir créé notre bureau, nous avions la chance d’avoir participé à un très grand nombre de concours en tant que collaborateurs dans nos bureaux respectifs. Le concours est une spécialisation comme une autre et il faut une certaine expérience pour comprendre comment celui-ci sera jugé.

Cependant, beaucoup de nos amis trouvent des moyens extrêmement innovants pour se faire une place : la-clique a construit une installation à la Manifesta 13 de Marseille, SVNM ont commencé par dessiner leur propre espace d’art et de création, MacIver-Ek Chevroulet viennent de remporter un prix lors du festival du film d’architecture de Rotterdam, etc.

 

Stoa architectes est une agence fondée en 2020 à Neuchâtel et Berne par Alain Brülisauer (*1989), et Pascal Deschenaux (*1990). Ils ont rendu 5 projets de concours, dont:

 

Deux salles de sport et extension du Collège des Parcs (NE), concours ouvert, 2020, 1er prix/1er rang

 

Extension de l’établissement médico-social Le Château de Corcelles (NE), concours ouvert, 1er prix/1er rang

Pour accompagner le dossier thématique sur les concours de l'édition de janvier 2021 de TRACÉS, nous avons posé trois questions aux lauréats de concours d’architecture 2015-2020 de moins de 40 ans. Nous leur avons également demandé de choisir un concours déterminant dans leur jeune carrière ainsi qu'une référence.

 

Atelier isaa: un besoin de renouvellement

 

Nicolas de Courten architectes: La contrainte fertile

 

Sujets et Objets d’Architecture: la face cachée de la compétitivité

 

Comte/Meuwly: Le concours comme opportunité d'expérimentation

 

- Stoa: franchir le Wettbewerbgraben

 

- Atelier 703: Le concours en dialogue

 

MAK: la relève qui s’établit

 

APZ: retrouver le projet radical

 

- A&F architectes: l'expérimentation fine

 

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