Oth­mar H. Am­mann, un pi­vot dans l’his­toire de l’in­gé­nie­rie des struc­tures

Date de publication
03-06-2019

Né à Schaffhouse en 1879, Othmar H. Ammann reçoit une formation d’ingénieur civil à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et obtient son diplôme en 1902. En 1904, après un bref séjour en internat en Allemagne, Ammann se rend aux États-Unis, pays qui offre de nombreuses possibilités à un jeune ingénieur civil ambitieux, en raison de l’essor national du réseau de chemins de fer. Ammann obtient la nationalité américaine en 1924 ; il exercera sa profession aux États-Unis jusqu’à sa mort. Parmi les principaux ouvrages dont il est le concepteur et l’ingénieur en chef, on retiendra les ponts George Washington, de Bayonne, de Triborough, de Bronx-Whitestone, de Throgs Neck et de Verrazano, tous reliés à la ville de New York.

La première contribution importante d’Ammann à la construction des ponts de New York est le pont du Hell Gate, conçu par Gustav Lindenthal. Assistant en chef de Lindenthal, Ammann participe à tous les aspects de la conception et de la construction du pont. Après son inauguration en 1917, il collabore au projet de Lindenthal d’un pont sur l’Hudson pour relier l’île de Manhattan au continent – exploit encore jamais tenté. Le pont proposé par Lindenthal comporte 12 lignes de chemin de fer et 16 voies de circulation automobile. À juste titre, Ammann est alors sceptique quant à la faisabilité de cet ouvrage. Convaincu en fin de compte que le projet de son mentor ne serait jamais réalisé, Ammann se met à travailler à son projet. Il passe les trois années suivantes à étudier et à promouvoir un pont routier sur l’Hudson, en choisissant un emplacement situé au nord de celui de Lindenthal. La conception d’Ammann est retenue. En collaboration avec la Port Authority de New York qui vient de se créer, Ammann construit le pont George Washington, le premier à franchir l’Hudson.

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L’ouvrage, ouvert en 1931, marque une étape dans l’histoire de l’ingénierie des structures. Avant qu’Ammann ne le coinçoive, la pratique classique des ingénieurs faisait valoir que tous les ponts suspendus présentaient une faiblesse due au fait que les tabliers routiers suspendus résistaient difficilement aux vents forts. Les ingénieurs ont alors commencé à envisager des tabliers routiers suspendus dotés de structures raidisseuses en treillis, fixées sur les côtés des chaussées. Au fur et à mesure de l’allongement des portées, on a eu recours à des poutres-treillis de plus en plus épaisses – ce qui augmentait le poids et le coût des ouvrages. Le génie d’Ammann est d’avoir su anti­ciper, en s’appuyant sur une théorie originale, le comportement des structures suspendues de longue portée. Sa théorie est que, s’il est correctement configuré, le poids mort du tablier routier et des câbles d’un pont suspendu de grande portée doit être à lui seul suffisant pour résister même à la force d’un ouragan. L’absence de poutres-­treillis raidisseuses se traduit par un pont plus léger et d’un moindre coût, et dégage la visibilité le long du tablier routier, permettant d’offrir une vue sans obstacles aux usagers.

Testée pour la première fois et avec succès lors de la conception du pont George Washington, cette théorie a modifié fondamentalement la façon dont les ingénieurs pensaient les structures de longue portée. Cela a donné naissance à une nouvelle famille de ponts, remarquables par leur élégance et leur grâce, dues en partie à la finesse de leur tablier.

Extrait de Darl Rastorfer, « Ammann (Othmar H.) », in L’Art de l’ingénieur constructeur, entrepreneur, inventeur, sous la dir. d’Antoine Picon, Éditions du Centre Pompidou, Paris, 1997.

Transcription : Anna Hohler, coordination des sections SIA romandes et tessinoise, anna.hohler [at] sia.ch

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