Le mi­nia­tu­riste Jean-Jacques Karpff au nou­veau mu­sée Un­ter­lin­den à Col­mar

Une rétrospective dans l’extension réalisée par Herzog & de Meuron

Date de publication
29-03-2017
Revision
01-04-2017

Qui connaît Jean-Jacques Karpff, fin miniaturiste originaire de Colmar, qui eut son heure de gloire en 1807, quand l’impératrice Joséphine accepta qu’il lui tire le portrait? Etrange destin que celui de cet artiste mineur, dont la seule commande majeure, ce portrait, est perdue depuis 1830.

L’exposition au musée Unterlinden à Colmar s’articule donc autour d’un tableau manquant. Cette absence notoire semble se conjuguer à merveille avec l’univers du portrait miniature romantique.

Karpff est un pur représentant du 19e siècle, de la bourgeoisie émergente et de la culture qu’elle met en place. Son art est de part en part traversé par cet éthos du sujet devenu image portative, d’une petite gloire à la portée, non plus seulement de la noblesse, mais aussi du notable local ou du commerçant prospère. Le portait miniature est à la construction du sujet bourgeois ce que le téléphone portable est à l’homme hyper connecté d’aujourd’hui : un artefact qui résume sa façon d’être dans le monde.

L’extension
L’exposition est surtout une belle occasion de visiter, un an après son inauguration, l’extension du musée Unterlinden, réalisée par Herzog & de Meuron. A moins d’une demi-heure de Bâle, sur l’axe Bâle-Strasbourg, Colmar prend ces temps-ci des airs de destination culturelle. Ne soyez pas surpris du bilinguisme franco-germanique pratiqué dans le musée : ici les visiteurs sont aussi nombreux à venir de France que d’Allemagne. Le musée et son extension, à laquelle la brique et le cuivre donnent son identité, méritent sans aucun doute de s’y rendre.

On ne peut qu’être sensible au fin travail de raccordement réalisé par le duo bâlois, qui unit sous une place publique le cloître aux anciens bains municipaux qui lui font face. L’intervention crée un ensemble cohérent, aux cheminements savamment orchestrés. Quant aux nouvelles constructions en brique, elles constituent des « variantes luthériennes » à ce haut lieu de la culture germanique qu’est le musée Unterlinden. La forme du bâtiment adjoint à la piscine reconvertie n’est pas sans évoquer les cathédrales en briques hanséatiques, faisant de ce musée l’un des plus beaux qui a vu le jour en 2016. On ne peut que saluer le jeu des escaliers en colimaçon, dont l’étroitesse renforce la théâtralité, et qu’il faut emprunter pour descendre dans la partie souterraine qui sert de liaison aux deux bâtiments distincts.

Et si l’exposition de quelques remarquables miniatures ne vous paraît pas suffisante pour justifier le déplacement, ceux qui ne s’y sont jamais rendus pourront toujours découvrir un des plus saisissants retables, celui d’Issenheim par Grünewald, avec un Christ en putréfaction et une vierge à l’enfant extatique, comme on n’osait les dépeindre qu’au 16e siècle.

 

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