Le bois comme allié thérapeutique
Même si la structure porteuse d’un des plus grands hôpitaux réalisés ces dernières années n’est pas une construction en bois, le matériau joue néanmoins un rôle important dans ce lieu dédié à la guérison de jeunes malades.
Le bâtiment du nouvel hôpital de l’enfance de Zurich est à maints égards remarquable, à commencer par un dispositif spatial simulant une ville dans une maison avec ses cours, ses rues, ses venelles et ses places. Ensuite, par des performances organisationnelles incluant l’étude de projet, la réalisation et désormais l’exploitation. Au niveau architectural, on relèvera la symbiose entre extérieur et intérieur tirant parti de la lumière naturelle. Tout cela au sein d’un très grand établissement totalisant quelque 80 000 m2 de surface de plancher, employant 3000 personnes et traitant plus de 100 000 patients et patientes par an.
Malgré ces chiffres impressionnants, le nouvel hôpital de soins aigus ne donne pas une impression oppressante aux visiteurs, mais reste convivial et accueillant. Même le sentiment de gêne parfois lié à l’arrivée dans un hôpital ne se ressent pas lorsque l’on franchit l’entrée principale vitrée, nimbée d’un discret chatoiement rose pâle. Elle est précédée d’une cour intérieure végétalisée, où l’on accède par la porte découpée sur deux étages de façade largement ouverte sur l’extérieur. Herzog & de Meuron ont visiblement réussi à transcrire leur vision du projet : créer un environnement curatif. Venons-en maintenant à la question qui nous intéresse ici : quel rôle joue le matériau bois dans ce dispositif et quels autres éléments contribuent à l’atmosphère du lieu ?
Le bois sous toutes ses facettes
Au niveau structurel, seules les cham-bres des malades sont une construction en bois. Le matériau s’y invite aussi dans leur aménagement intérieur, à commencer par les plafonds inclinés créant un abri sécurisant, en passant par le mobilier et jusqu’aux sols. Divers détails évoquent en outre l’enfance et la sphère familiale, tel l’œilleton pouvant s’ouvrir sur le monde extérieur ou la banquette transformable en lit pour héber-ger des proches. Comme l’explique Christine Binswanger, architecte et Senior Partner chez Herzog & de Meuron, le bois a été mis en œuvre de diverses manières, toujours dans le but d’offrir chaleur et convivialité.
Cet article est paru dans le numéro spécial «La ville en bois - Établissements de soins et économie circulaire». Vous trouverez d'autres articles sur la construction en bois dans notre dossier numérique.
Contrairement aux normes hospitalières habituelles, le nouvel hôpital de soins aigus comporte des secteurs aux niveaux hygiéniques différenciés entre le restaurant, les chambres des patients et les espaces cliniques. Une approche que le maître de l’ouvrage a soutenue, selon Binswanger, et qui a permis de décliner la présence du bois de multiples façons. Dans la zone des salles d’opération, il n’apparaît plus que sous forme de profilés ou dans les cadres de fenêtres.
En matière d’ameublement, l’option bois a rarement été retenue pour les surfaces horizontales ou alors sous forme vitrifiée. Les places de jeu en bois se trouvent certes à l’extérieur, mais demeurent très présentes grâce à la fluidité des limites entre dedans et dehors. Il en va de même pour la façade extérieure en bois qui apporte des variations à l’enveloppe en béton, tout en dialoguant avec les plafonds des espaces de circulation publics intérieurs. L’argument décisif pour le choix du matériau dans ces multiples déclinaisons en fonction des divers usages se base sur les bonnes expériences issues de la construction de l’établissement REHAB à Bâle il y a plus de 20 ans. « Nous voulions que l’hôpital de l’enfance s’apparente à une habitation en bois », précise Binswanger.
Ce parti pris, alliant la structure volumique de la façade à des appuis et des noyaux de circulation en béton, complétés de construction légère en bois et d’autres matériaux, assure à l’ouvrage une flexibilité qui permet aux différents services de croître ou de diminuer. Malgré son expression extérieure affirmée, le bâtiment offre ainsi une malléabilité essentielle au monde hospitalier.
Nature, poésie et pragmatisme
À côté de l’architecture bois, la végétalisation des cours intérieures et le concept environnemental développé par les paysagistes August + Margrith Künzel contribuent fortement à l’effet de ce lieu où l’on va pour guérir. Comme le rappelle Binswanger, des études scientifiques ont montré dès les années 1980 que le lien à la nature favorise la guérison des malades.
Au-delà de l’atmosphère factuelle de l’hôpital, les cours intérieures font surgir une sorte de monde alternatif, une organisation moins formelle, à l’instar justement d’une ville entre cours et jardins. Parfois, le hasard y apporte même sa touche : des blocs erratiques apparus lors de l’excavation ont été intégrés au projet et délibérément répartis entre espaces libres et cours intérieures ou en interaction avec différentes œuvres d’art. Des blocs qui semblent maintenant avoir toujours fait partie du paysage.
Le concept paysager inclut encore 250 arbres fruitiers plantés autour du bâtiment, en prolongement du jardin naturel du Burghölzli voisin, qui est un site protégé. Autre élément essentiel de la perception du lieu : la lumière naturelle préservée jusque dans les salles d’opération, dont profitent avant tout les équipes de nettoyage, car les salles sont obscurcies durant les interventions. Et ce n’est là qu’un des aspects de la durabilité sociale au cœur d’un projet englobant les besoins des jeunes patients, de leurs proches et du personnel hospitalier.
PARTICIPANTS AU PROJET
Maître de l’ouvrage : Kinderspital Zürich – Eleonorenstiftung, Zurich
Architecture : ARGE HdM Basel Ltd. / Gruner, Switzerland, Basel ; Jacques Herzog, Pierre de Meuron, Christine Binswanger
Statique bois : Pirmin Jung, Frauenfeld (façade) ; ZPF Ingenieure, Bâle (construction modulaire des chambres des patients)
Paysage : August + Margrith Künzel Landschaftsarchitekten, Binningen ; Andreas Geser Landschaftsarchitekten (exécution)
Construction en bois : Künzli Davos (façades) ; kifa Holzbau (construction modulaire des chambres des patients)
Poteau-traverse, fenêtres et portes en bois, portes coulissantes en métal : 4B, Hochdorf
Fenêtres et portes d’entrée en bois : Huber Fenster, Herisau
Cloisons vitrées et réception : Springline, Regensdorf
BÂTIMENT
Surface : 79 215 m2 (établissement de soins aigus)
Volume : 346 307 m3 (établissement de soins aigus)
Surface façade en bois : 10 000 m2
Label : SGNI Platin (Swiss Sustainable Building Council)
BOIS ET CONSTRUCTION
Construction : bois et béton
Bois : montants extérieurs en épicéa /sapin FSC, façade en douglas brut de sciage ou raboté FSC
DATES ET COÛTS
Durée de construction : 2018-2024
Coûts : non communiqué