La Belgique à l'heure de la reconversion généralisée
Cinq projets pour illustrer cette évolution
Le fait que le nouveau bâtiment le plus attendu du campus de l'EPFL soit l'œuvre d'un bureau bruxellois ne doit pas induire en erreur. Les nouvelles constructions déterminent en effet de moins en moins l’évolution de l’architecture et de l’urbanisme belges. La Wallonie, comme le reste de la Belgique, est entrée dans l'ère de la reconversion généralisée.
Rem Koolhaas, en visionnaire, l'avait pressenti il y a vingt ans, lors de son intervention sur l’Ermitage. Bientôt, la majorité des projets architecturaux consistera à intervenir dans l'existant. Clap de fin pour les terres artificialisées, les zone d’activité sans avenir, les nouveaux quartiers vacants sur des terres arables, les quartiers d'affaires inoccupés au milieu de nulle part, les musées dans le désert que personne ne visite.
En Wallonie, le potentiel de reconversion du patrimoine bâti, récent et ancien, semble illimité. Son principal défaut: ses quartiers appauvris par la désindustrialisation, s'est transformé en avantage stratégique. Aux belles usines de briques du 19e siècle s'ajoutent des centres administratifs désaffectés, des universités délocalisées, des tours de bureaux amiantées, des immeubles locatifs à rénover et des logements sociaux standard à assainir. Les mutations de l’administration et de la logistique génèrent aussi leur lot de friches à reconvertir, plutôt qu'à raser pour reconstruire. Cette accumulation de lieux potentiels à réhabiliter fait de la ville belge un extraordinaire laboratoire d'expérimentation autour de la reconversion.
Ces chantiers représentent chacun une catégorie en soi, tant la spécificité d'un bâtiment en cours de transformation est un facteur déterminant dans le type de travaux qui doivent y être menés. Il n'y a pas de "réhabilitation type", et les solutions standard sont rarement appliquées sans les variables d'ajustement qui les rendent compatibles avec une réalité et un budget donnés. Si la modernité a été une fuite en avant dans la standardisation, l'ère de la reconversion est une montée en puissance du "spécifique" et du "sur mesure".
Contrairement à leurs voisines flamandes, qui ont déjà entamé cette transformation, les grandes agglomérations wallonnes issues de l'industrie du charbon semblent être au début de ce processus pour certaines, et au milieu pour d'autres. Liège a pris de l'avance sur Charleroi, aidée par l'impact de la ligne ferroviaire à grande vitesse qui la dessert depuis 2006.
L'enjeu de cette transformation globale est à la fois patrimonial et sociétal, puisqu'il coïncide avec une nouvelle étape dans l'affirmation des identités culturelles par les nouveaux migrants ou descendants d'immigrés qui, contrairement à leurs parents, ne considèrent pas l'intégration comme incompatible avec le maintien d'une identité communautaire.
Plus simplement, la renaissance des villes marquées depuis des décennies par le déclin de l'activité industrielle doit beaucoup à l'heureuse mixité et à la dynamique d'une immigration décomplexée qui revendique un droit à la ville. Loin des crispations françaises sur la visibilité des femmes voilées, les anciens centres industriels de Wallonie semblent bénéficier de cette dynamique, ouvrant la voie à une nouvelle idée du développement inclusif. Tous ces éléments constituent un tableau plutôt encourageant d'une société qui a trouvé un nouvel élan dans ce qui avait été identifié comme la cause de son déclin. Le quartier bruxellois redouté de Molenbeck présente un visage multiculturel, où l'islam, l'écologie et le développement communautaire se côtoient sans se concurrencer.
Le bâti de qualité abondant à reconvertir dans les villes wallonnes s'avère être une précieuse ressource pour les nouvelles générations d'architectes qui transforment le pays.
La proximité avec les institutions européennes et leurs financements pour des projets sociaux, solidaires ou environnementaux, facilitent l'émergence d'un entrepreneuriat immobilier associatif, caritatif ou simplement privé, mais capable d'intervenir de manière décisive sur l'existant.
Pour toutes ces raisons, la Wallonie se présente comme un modèle à suivre en matière de reconversion sociale et environnementale.
Cette culture de la reconversion généralisée ne se contente plus d'être emblématique et exceptionnelle, goutte d'eau dans un paysage immobilier dominé par le «tabula rasa», mais cherche à qualifier l’environnement bâti dans son ensemble, à une époque où les reconversions et autres interventions sur l'existant représentent quantitativement autant, voire plus que les projets neufs.
Projets
Architecture: passé et présent unis à Molenbeek – NOTAN OFFICE
Métissage heureux des quartiers nord. Sur Zinneke, par Ouest architecture
Le décor de Loverval - Centre sportif "La ferme du Château" à Chareroi, par Label architecture
S’épanouir à la verticale: l’atypique crèche de la rue Gray à Bruxelles, par l’Atelier De Visscher & Vincentelli et Manger Nielsen Architects
La chaufferie du design de Charleroi, par Baumans-Deffet, Architecture et Urbanisme