Bois lo­cal, stan­dards in­ter­na­tio­naux

Le bois est devenu bien plus qu’une ressource de proximité, ­naturelle et renouvelable. Il s’est peu à peu transformé en un ­éventail de produits standardisés. Grâce à des travaux effectués dans les hautes écoles, les qualités physiques et structurelles de techniques innovantes ont ouvert de nouveaux marchés, disputant à l’acier ou au béton leur prédominance.

Date de publication
11-01-2021

Au début des années 1990, l’Université de technologie de Graz en Autriche a mené des recherches intensives sur le bois lamellé croisé, l’idée étant de trouver de nouveaux débouchés pour les bois de sciage. Appelé également CLT (cross laminated timber), BSP (Brettsperholz), KLH (Kreuzlagenholz), X-Lam, panneau contrecollé ou encore panneau massif en bois, ses nombreuses dénominations témoignent du dynamisme d’un secteur en plein boom. Les premiers pays à avoir mis en place une fabrication à petite échelle, puis une production de type industriel étaient l’Autriche, l’Allemagne et la Suisse. En 2014, une étape importante était franchie avec la publication de la première norme européenne EN 16351 dédiée au bois lamellé croisé. En 2019, la production mondiale dépassait les 1 000 000 m3/an, avec un façonnage encore centralisé en Europe. Cependant, d’autres pays tels que le Canada, les États-Unis, la Chine ou le Japon ont lancé leurs propres programmes afin de proposer du bois local façonné selon des standards internationaux.

Un produit d’ingénierie

Les panneaux forment des éléments plans composés d’un nombre impair de couches – trois, cinq ou sept – dépendant de l’épaisseur finale. Une couche médiane est constituée de lames agencées côte à côte. De part et d’autre, les lames sont alternées à 90°. Ce dispositif neutralise les mouvements de retrait et de gonflement du bois dans le plan. Les propriétés mécaniques quasi isotropes simplifient grandement les étapes de planification. La mise en œuvre en devient simple. Ainsi, la pose d’une fenêtre au centre d’une paroi, même si elle exerce des efforts de cisaillement perpendiculaires au sens des fils, est rendue possible par la solidité globale obtenue. D‘un point de vue statique, le panneau se comporte comme un voile. Ses qualités reposent pour beaucoup sur les bénéfices de la préfabrication. Il est vrai que l’assemblage de parties de bâtiments effectué en atelier présente moins d’imprévus et offre un plus grand contrôle des coûts. La haute précision de mise en œuvre, la rapidité d’intervention sur le chantier deviennent des arguments de poids qui convainquent de plus en plus de concepteurs et de maîtres d’ouvrage. Le bois lamellé croisé est utilisé aussi bien pour des parois porteuses et des contreventements que pour des dalles d’étage ou les toitures.

En 2018, JPF-Ducret a fait l’acquisition d’une presse à vide sur son site de production d’Orges (VD). L’entreprise valdo-­fribourgeoise maîtrisait depuis longtemps déjà la technique du lamellé-collé. Perpétuant l’esprit d’innover, elle s’est lancée dans la fabrication de panneaux en bois lamellé croisé. Leur format atteint les dimensions maximales de 3 × 13 mètres, dictées en grande partie par les capacités de chargement d’un camion. Les épaisseurs s’échelonnent quant à elles de 60 mm à 300 mm, déterminées par les sollicitations auxquelles elles sont soumises, ainsi que par la stabilité des pièces de grande taille. L’entreprise, qui travaille en circuit court, emploie du bois régional. Les essences utilisées sont presque toujours des résineux, avec une prédominance d’épicéa et de sapin blanc. Et lorsque des problèmes techniques surgissent, l’entreprise collabore avec les ingénieurs de la HEIG-VD. Ceux-ci ont d’ailleurs récemment vérifié la compatibilité des liaisons Ferwood, un système de connexions invisibles, avec les panneaux en bois lamellé croisé. 

Un écoquartier avec du bois lamellé croisé 

Le quartier de Pra Roman, au Chalet-à-Gobet (VD), sur les hauteurs de la commune de Lausanne, a constitué le premier chantier d’importance réalisé avec la nouvelle presse. Il a inauguré une manière innovante de valoriser le bois local. Les premiers habitants y ont emménagé début 2020. Conçus par le bureau Pont12 en 2013, à l’issue d’un concours sur invitation, les douze immeubles disposés en îlots offrent aux coopérateurs de la Codha des logements labellisés Minergie-P-Eco. Imaginés à la manière d’un village organisé autour d’une place centrale, conviviale, les immeubles adoptent une structure alliant bois et béton recyclé. Ainsi, les cages d’escalier sont minérales, tandis que les parois extérieures et celles séparant les appartements sont en lamellé croisé. Les dalles, quant à elles, sont réalisées en poutres lamellé-collé travaillant conjointement avec le béton. La toiture, enfin, est en caissons préfabriqués avec isolation intercalée. Pour des raisons de coût, l’entreprise JPF-Ducret, chargée des travaux, a choisi de combiner des éléments linéaires en lamellé-collé avec des panneaux de moyen format en lamellé croisé. En effet, l’évidement de grandes ouvertures, comme celles correspondant à un séjour, réalisé dans un panneau en bois lamellé croisé provoque des chutes de fabrication trop importantes, qui augmenteraient les coûts de l’ouvrage. Afin de rester compétitives, des solutions mixtes ont ainsi été développées. Des éléments de grand format ont toutefois été prévus sur les quelques parties de façades pleines. Comme les panneaux eux-mêmes font pare-vapeur, seuls les joints entre deux éléments ont été étanchés. À l’intérieur, un doublage plâtre fait office de vide technique et permet d’atteindre de hautes exigences phoniques. Sur l’extérieur, une isolation en laine minérale de 200 mm est apposée contre le panneau, protégée par un revêtement en lames de sapin recouvertes d’une finition hydrofuge. 

De nombreux projets réalisés en bois lamellé croisé voient le jour à travers le monde. Parmi ceux-ci, la plus haute tour en bois, dénommée Mjøstårnet, comprenant des appartements, un hôtel et des espaces de travail, occupe 18 niveaux pour une hauteur de 81 mètres. Elle s’élève depuis mars 2019 sur les rives d’un lac en Norvège. Là aussi, la structure combine des poteaux et poutres en lamellé-collé avec des parties en bois lamellé croisé. En effet, ces dernières qui conservent leur capacité de charge lors d’un incendie sont utilisées pour les cages d’escalier et les ascenseurs. Car le bois lamellé croisé ne relâche pas de fumées toxiques, il brûle lentement en acquérant une couche protectrice de charbon. Le projet, qui a mobilisé des entreprises locales, pose les jalons d’une construction durable et bas carbone.

Écoquartier Pra Roman, Lausanne

 

Maître d’ouvrage: Codha coopérative de l’habitat associatif, Genève

 

Architecte: Pont12 Architectes SA, Chavannes-près-Renens

 

Ingénieur civil: Kälin & Associés SA, Lausanne

 

Ingénieur CVS: Weinmann Energies SA, échallens

 

Ingénieur E: Thorsen Sàrl, échandens

 

Entreprise bois: JPF-Ducret SA, Orges et Bulle

 

Maçonnerie: Marti SA, Lausanne

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