Ar­chi­tec­ture ar­ti­cu­lée

Agroscope, Posieux (FR)

Le pavillon conçu par butikofer de oliveira architectes marque le début du réaménagement du campus Agroscope à Posieux (FR). Pensé comme un espace d’accueil ouvert sur le paysage, il s’affirme comme un lieu d’articulation entre site, programme et territoire.

Date de publication
15-07-2025

En pleine mutation, le centre Agroscope de Posieux, institution de référence de la Confédération pour la recherche agronomique, fait l’objet d’un vaste projet visant à regrouper ses installations dispersées en un campus unique, appelé à devenir son siège principal.

Dans ce contexte, un concours a été lancé en 2017 pour remplacer les infrastructures d’accueil existantes – un restaurant, un foyer et une salle de conférence – qui datent du début des années 1970. Devenus obsolètes, ces espaces laissent place à un nouveau projet qui marque le point de départ de la transformation du site.

Le projet lauréat, Papillon, conçu par le bureau lausannois butikofer de oliveira architectes1, explore les potentialités du pavillon: une construction légère et ouverte, une entité autonome qui se pose en contrepoint des grandes infrastructures agricoles, tout en établissant un dialogue spatial fort avec l’ensemble du site et du paysage.

Un seuil entre les paysages proche et lointain

En contrebas de l’axe principal reliant Posieux à Fribourg, le plateau agricole sur lequel s’étend l’Agroscope offre une vue dégagée sur les Préalpes fribourgeoises et domine la rive gauche de la Sarine. Cette configuration topographique constitue un atout pour l’implantation du nouveau bâtiment, discret depuis la route grâce à la pente naturelle. Placé à l’entrée du site, il joue son rôle d’interface et de lieu d’accueil, en léger surplomb des laboratoires existants et des installations agricoles.

Établi dans une relation étroite avec le site et le paysage, le projet explore la tension entre ces échelles, une forme de complémentarité qui constitue le point de départ de la réflexion architecturale: le pavillon doit à la fois accueillir et rayonner. Il était essentiel pour les architectes de concevoir un objet capable de se détacher du site pour dialoguer avec le paysage, tout en s’inscrivant dans son environnement immédiat comme un repère visuel au sein de l’Agroscope.

Implanté exactement à l’emplacement de l’ancien bâti, le nouveau projet adopte une typologie claire et rationnelle: le plan carré se développe en un volume horizontal, sobre et unitaire, couvert d’une grande toiture. Les quatre façades entièrement vitrées, prolongées par un péristyle, assurent une continuité entre les espaces intérieurs et le paysage environnant.

La lumière comme matériau – un espace sans gravité

Guidée par une logique constructive bois-béton offrant une grande flexibilité, cette configuration s’organise autour d’un espace central qui articule l’ensemble du programme. Plusieurs éléments architecturaux participent à l’agencement des espaces tout en s’inscrivant dans une cohérence d’ensemble.

Au centre du plan, une ceinture en béton armé assure la reprise des charges depuis les planchers de toiture jusqu’aux fondations, tout en permettant l’ouverture de larges percées. La structure répond à la volonté architecturale de mettre en place quatre puits de lumière, perçus comme des parois lumineuses en verre opalin, dont la seule fonction est de capter et diffuser la lumière naturelle dans l’ensemble des espaces intérieurs. Ces murs n’établissent pas de hiérarchies d’usage, mais permettent d’articuler les différentes zones.

Ces parois diffusent une lumière douce et homogène, sans transparence ni reflet, garantissant le confort visuel et la qualité des ambiances intérieures. Il ne s’agit pas seulement d’un rapport entre vide et plein, mais d’un choix architectural, où le traitement de la lumière devient une composante essentielle du projet. Ici, on rencontre l’idée de la «lumière comme matériau» – ou encore de la «lumière-radieuse», notions qui se réfèrent à la catégorisation établie par Henri Ciriani dans son Tableau des clartés2. Ce type de luminosité suscite une émotion et transforme la perception du lieu.

La cuisine – élément central du plan – est contenue entre ces murs lumineux. Autour de ce noyau, un volume continu se déploie, structuré symétriquement par la lumière provenant des grandes baies vitrées, dans une relation constante entre les murs lumineux et le paysage.

La structure, une logique spatiale

Autour de la cuisine et du buffet se déploient donc en enfilade les principales fonctions du bâtiment: restaurant, restaurant expérimental3, aula, foyer et salles de conférence. Cette disposition favorise les échanges entre les usagers tout en assurant une transition fluide entre les différents espaces. Bien que conçus selon une logique séquentielle, chaque espace bénéficie d’un accès indépendant depuis l’extérieur, facilitant ainsi l’accueil du public et du personnel.

L’entrée principale, orientée vers le cœur du campus, se distingue par un parvis accessible via un escalier et une rampe menant à un vaste hall d’accueil. Celui-ci distribue un foyer modulable – ouvert sur les salles de conférence via des parois coulissantes – et le restaurant. Un escalier en béton mène à un niveau inférieur partiellement ouvert au public, regroupant sanitaires, vestiaires, locaux techniques, réserves et deux grandes zones de stockage destinées aux laboratoires voisins. Ce sous-sol regroupe de manière efficiente et compacte les installations techniques du bâtiment ainsi que les serveurs de données du campus.

L’ensemble du projet repose sur la cohérence entre logique structurelle et organisation du programme. Le sous-sol et la dalle du rez-de-chaussée, réalisés en béton armé, assurent à la fois la fondation de l’ouvrage ainsi qu’un appui stable pour la structure bois. Des ouvertures périphériques dans la dalle, requises pour l’installation des convecteurs de chauffage, nécessitent des contreforts en sous-sol pour compenser la poussée des terres et garantir la solidité de l’ensemble. Prolongée jusqu’aux fondations, la cage d’ascenseur de service contribue aussi à la reprise des efforts sismiques.

Un accès de service à l’ouest permet des livraisons directes vers le sous-sol. Au nord, un accès de livraison pour la cuisine directement lié à la zone des frigorifiques permet le respect de la chaîne du froid. En continuité avec la salle de restaurant, une terrasse offre un large espace en plein air.

Modulation des espaces

Avec sa poutraison apparente à l’intérieur, la structure en bois contribue à la définition et à l’identité des espaces. Les charges verticales de la toiture sont reprises par des planchers mixtes bois-béton, répartis en cinq solivages de hauteurs différentes. Cette modulation permet d’adapter les hauteurs sous plafond de manière à la fois ludique et technique selon les usages, avec une hauteur continue pour le restaurant, une élévation plus marquée pour les salles de conférence et une ambiance plus intime dans le foyer. Ces variations de hauteur permettent d’intégrer efficacement les équipements techniques – caméras, sonorisation, éclairage – directement dans les plafonds, sans nuire à la clarté des espaces.

En façade, les bardages en bois, ajustés aux hauteurs intérieures, rendent lisible l’organisation du bâtiment depuis l’extérieur. Les qualités subtiles mais essentielles de sa toiture jouent un rôle structurel important. Conçue comme un «diaphragme rigide», cette dernière transmet les efforts horizontaux aux éléments de contreventement, contribuant à la stabilité de l’ensemble. Elle permet aussi d’intégrer des éléments fonctionnels comme les panneaux solaires4.

Reposant sur une colonnade alignée avec la structure en bois intérieure, chaque facette triangulaire de la toiture s’appuie sur un pilier, à l’exception des quatre angles, laissés sans appui, créant l’illusion d’un volume légèrement suspendu. Ce détail confère au bâtiment une dynamique discrète – comme s’il tournait sur lui-même – une précision rendue possible par la logique structurelle du projet.

Notes

 

1. Butikofer de oliveira vernay lors du concours.

 

2. Henri Ciriani, «Tableau des clartés», l’Architecture d’Aujourd’hui, 274, 1991, pp. 77-82

 

3. Les restaurants expérimentaux permettent d’étudier les comportements alimentaires en conditions réelles, en collectant des données sur les choix, les quantités consommées et le gaspillage, afin de nourrir les recherches en nutrition et durabilité.

 

4. Le projet s’inscrit dans une démarche de durabilité, répondant aux normes SNBS et au label Minergie P-eco. L’utilisation de sources d’énergie renouvelables, l’installation de capteurs solaires et de systèmes de récupération des eaux de pluie témoignent de cet engagement environnemental.

Bâtiment de restauration et de conférence Agroscope, Posieux (FR)

 

Maître de l’ouvrage: Office fédéral des constructions et de la logistique (OFCL)

 

Architecte planificateur général et direction des travaux: butikofer de oliveira architectes sàrl

 

Paysagiste: w+s Landschaftsarchitekten AG

 

Ingénieur civil: Alberti Ingénieurs SA

 

Ingénieur CVS + MCR: Weinmann-Energies SA

 

Ingénieur électricien: Betelec SA

 

Réalisation: 2022-2024

 

Surface: 2320 m2 (SUP 1113 m2)

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