«Le consensus et la coopération sont importants pour moi»
Interview avec Olin Bartlome, nouveau président du BGI de la SIA
Le nouveau président élu du groupe professionnel Génie civil (BGI) est Olin Bartlome. Il prendra ses fonctions début janvier 2021. Dans un passionnant entretien, il nous a dévoilé ce qui lui tient à cœur et ce qu’il projette de mettre en œvre au cours de son mandat.
Susanne Schnell: Olin Bartlome, dès janvier 2021, vous reprendrez le flambeau comme président du BGI. Quelles sont vos motivations à ce poste?
Je fais déjà partie du conseil du BGI depuis trois ans et celui-ci s’est très avantageusement développé au cours de cette période: nous incarnons un bon éventail des différents domaines de spécialité des ingénieurs civils, de même que des classes d’âge et des sexes – sans compter que j’apprécie énormément mes collègues du groupe. Du reste, je collabore étroitement depuis quelques années déjà avec plusieurs personnes du Bureau de la SIA. Lorsque j’accepte une tâche, il est important pour moi de pouvoir compter sur une équipe de gens sympathiques avec lesquels je sais que je peux faire bouger des choses. C’est en l’occurrence clairement le cas et c’est une première motivation. De plus, l’ensemble de notre branche est en disruption: au niveau des études, la numérisation a certes débuté depuis longtemps – les machines pilotées par l’informatique et la CAO existent depuis belle lurette – mais tout va maintenant nettement plus vite. Pas nécessairement du seul fait d’outils ou de méthodes telles que le BIM. La collaboration se déroule aujourd’hui différemment – virtuellement, beaucoup plus rapidement – et cela exige de nouvelles aptitudes de la part des ingénieurs. C’est pourquoi j’estime primordial qu’au niveau conceptuel, le conseil soutienne la SIA et les hautes écoles, notamment en matière de contenus à l’échelon de la formation initiale et continue, afin d’y intégrer l’agilité requise et les nouvelles habitudes digitales. Enfin et surtout, je suis quelqu’un qui adore construire des choses.
Vous êtes-vous présenté spontanément ou envisagiez-vous la fonction depuis un certain temps?
Ce serait mentir que de prétendre que je n’y ai pas réfléchi au préalable. Je connais Patric Fischli-Boson depuis pas mal de temps et je savais qu’il songeait à passer la main. Mais je ne me suis jamais délibérément manifesté. Avant tout attaché à l’esprit d’équipe, je ne souhaite faire de l’ombre à personne. Pour moi, une collaboration fructueuse et la confiance réciproque passent en premier – y compris dans mon entreprise. Une fois que Patric Fischli-Boson a annoncé son retrait, le poste a été officiellement mis au concours et je me suis présenté. Maintenant, je suis très heureux que mes collègues m’aient choisi.
Se présenter pour ce type de mandat implique un fort engagement bénévole à côté d’une activité professionnelle principale. Êtes-vous de nature altruiste?
Je suis intrinsèquement motivé. Cette tâche m’interpelle énormément, c’est un levier – dans ce sens, ce n’est pas désintéressé. Je suis actif dans d’autres organisations pour des raisons analogues, soit sur mandat, soit en qualité d’élu. Je suis animé par la recherche du consensus ou du compromis avec mes collègues de travail, même s’ils ne correspondent pas à 100 % à ma propre ligne. L’intérêt personnel n’ayant pas sa place dans ce mandat, l’esprit de coopération n’en a que plus d’importance. Car je veux que le BGI avance.
Vous œuvrez depuis plusieurs années à différents titres pour Lignum et le directeur de la SIA, Christoph Starck, a lui-même dirigé Lignum jusqu’à fin 2019. Un hasard?
Oui. J’ai travaillé chez Lignum de 2009 à 2014 comme chef de projet «Protection acoustique», puis au service d’une entreprise totale. Je me suis ensuite concentré sur mon propre bureau d’ingénierie, avec lequel j’ai participé à un appel d’offres pour la gestion de l’innovation au sein du Swiss Wood Innovation Network (S-WIN). Lorsque nous avons décroché le mandat, Christoph Starck, qui faisait partie du comité de S-WIN, m’a proposé de relier cette tâche à Lignum. Et comme j’avais toujours beaucoup apprécié de collaborer avec lui, je me suis à nouveau retrouvé chez Lignum mais, cette fois, dans le cadre d’un temps partiel pour le mandat S-WIN. Ensuite d’autres tâches ponctuelles pour Lignum s’y sont ajoutées, si bien que depuis 2017, je consacre un jour par semaine à la direction de projets pour Lignum. Quant à la SIA, je m’y suis engagé bien avant Christoph Starck – notamment dans le cadre de l’affiliation de l’association professionnelle «Swiss Timber Engineers» comme société spécialisée de la SIA. Qu’il soit aujourd’hui devenu directeur de la SIA n’a fait que conforter ma décision de briguer la présidence du BGI vu que – comme je l’ai expliqué – je travaille très volontiers avec lui et que je sais que notre coopération porte ses fruits.
Quels seront vos engagements en tant que président du BGI?
Pour moi, même si ça peut sembler un peu banal, la clé réside dans la simplicité. Nous devons définir les thèmes sur lesquels notre conseil peut avoir un effet de levier. Ou, pour le dire autrement, nous devons engager efficacement nos ressources personnelles limitées, de manière à profiler le BGI et à pouvoir défendre au mieux les intérêts des ingénieurs civils. N’oublions pas que mes collègues au sein du conseil œuvrent à titre bénévole – et je les en remercie d’ores et déjà chaleureusement. Un autre aspect concerne la communication, que je veux promouvoir afin que les membres de la SIA nous remarquent, car je crois que ce n’est pas suffisamment le cas en ce moment. J’aimerais inciter de jeunes professionnels à adhérer à la SIA et donc à rejoindre aussi le BGI. Le développement communautaire est un enjeu majeur: je ne manquerai aucune occasion de m’exprimer et de relayer les opinions du conseil du BGI à l’extérieur aussi souvent que possible. Je me réjouis déjà de multiplier les rencontres stimulantes, qui me fourniront aussi des sujets que nous devrions aborder au conseil. Au surplus, l’importance de la collaboration avec le BGA, le BGT et le BGU est une évidence: nous partageons des enjeux et devrions donc créer des groupes de travail communs. Un autre thème récurrent est celui de l’économie circulaire : à mes yeux, il faut avant tout que nous intégrions le CO2 – ou pour être plus précis, le «C» – au cycle. Cela implique que l’on inclue désormais la déconstruction de tous les ouvrages aux processus d’étude. Car la décarbonisation de nos sociétés est maintenant l’objectif prioritaire.
Quels sont les principaux défis qui attendent le BGI dans les prochaines années?
Ils seront sans doute analogues à ceux qui se posent à toutes les associations. Autrefois, on adhérait à une association en raison d’un sentiment d’appartenance. Aujourd’hui, beaucoup ont un compte sur Instagram ou sur des réseaux similaires et les échanges se déroulent sur un tout autre plan et bien plus rapidement que ce qu’une association peut proposer. C’est pourquoi je crois que nous devons nous engager bien davantage au niveau de la communication. Les gens doivent sentir que leurs besoins sont pris en compte par le BGI. Ils doivent constater qu’il est important qu’une SIA et un BGI existent et qu’ils peuvent nous faire part de leurs soucis. Nous devons donc offrir une plus-value par rapport à d’autres communautés dont la construction est purement numérique.
Voilà pour la sphère sociale. Qu’en est-il des contenus spécialisés que le BGI devra traiter?
Comme évoqué précédemment, cela englobe la décarbonisation – en partie inscrite dans la législation – de notre société et la numérisation, soit de nouvelles approches dans l’utilisation des matériaux notamment. Avec l’objectif de maintenir d’importantes captures de CO2, respectivement d’en réduire les émissions. Des défis environnementaux et sociétaux tels que le changement climatique, la raréfaction des ressources et l’accroissement de la population imposent une économie axée sur le recyclage et l’exploitation durable de ressources renouvelables. La branche de la construction y tient un rôle essentiel et nous autres ingénieurs, également soutenus par une numérisation toujours plus performante, disposons en l’occurrence de leviers pour continuer à optimaliser, voire révolutionner beaucoup de choses. Dans le bâtiment, la finesse de la dalle en béton de la DFAB House ou l’optimisation matérielle de l’ossature bois de forme libre de la nouvelle mosquée de Cambridge, en constituent des exemples probants. À ce sujet, je me réjouis des échanges à venir avec nos collègues des autres groupes professionnels.