Sau­gey: en­sem­ble, c’est tout

Éditorial du numéro TRACÉS 05-06/2020

Publikationsdatum
18-03-2020

Même quand ils l’ignorent, les Genevois connaissent tous Marc J. Saugey. Les passages, les rampes, les socles aménagés de vitrines qu’il a conçus marquent le quotidien des usagers du centre-ville depuis plus de cinquante ans. Catherine Dumont d’Ayot démontre dans sa thèse de doctorat1 que les réalisations de Saugey touchent tous les aspects, les 24 h pour ainsi dire, de la vie quotidienne d’un habitant de Genève: logement, travail, commerce, loisir, et surtout flânerie.

De Saugey, plus que des objets iconiques, c’est sa contribution à l’architecture anonyme de la ville que l’on doit retenir aujourd’hui – en particulier dans un contexte où la densité est discutée, voire contestée, de manière systématique. Souvent, elle est envisagée uniquement comme une variable. Les travaux de Saugey nous apprennent à regarder la palette des qualités d’expérience qu’elle peut offrir.

L’œuvre de Saugey s’inscrit dans un travail de continuité, il participe à la constitution historique de l’ensemble urbain, un type de programme qui reste l’un des moteurs de la ville contemporaine, mais qui est toujours plus menacé de désarticulation par différentes forces: spécialisation des secteurs, cherté des loyers, migration du commerce vers l’espace numérique, etc.

Pour œuvrer à réhabiliter ce type d’opération, la FAS Genève a très judicieusement lancé une série d’études monographiques sur les grands ensembles urbains (lire à ce sujet l'entretien avec Mi­reille Adam Bon­net, Pierre Bon­net et Jean-Paul Jac­caud) qui, du 17e siècle à aujourd’hui, ont constitué le tissu vivant de la ville du bout du lac2. Aussi le récent sauvetage du cinéma Le Plaza, en plus d’être un soulagement pour les défenseurs du patrimoine construit d’après-guerre, représente-t-il un acte de sauvegarde, voire de défense, d’un principe vital de la ville, qui garantit la mixité des usages, le décloisonnement, la richesse de l’expérience urbaine.

Ce dossier, conçu par une historienne et un photographe, est ponctué de témoignages d’architectes et d’historiens, que nous remercions. Ils ont travaillé de concert, se sont influencés mutuellement, afin de dresser un portrait vivant de l’œuvre de l’architecte, un hommage attendu, actuel, précieux.

Notes

 

1. Catherine Dumont d’Ayot, Marc J. Saugey l’espace, La ville et les affaires, Thèse EPFZ, 2014.

 

2. Rue De-Candolle aux Bastions par Pierre et Mireille Adam Bonnet, le Square Montchoisy aux Eaux-Vives par Philippe Meier, Rieu Parc à Florissant par Raphaël Nussbaumer, le Square du Mont-Blanc aux Pâquis par François de Marignac, Rue Ami-Lévrier à Cornavin par Jean-Paul Jaccaud, etc., collection Ensembles urbains Genève, Gollion, Infolio, 2019-2020.

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