La bri­que Fal­con­nier pour­su­it son voya­ge

Un rêve d’architecte. La brique de verre Falconnier. Exposition au Château de Nyon, prolongée jusqu’au 15 septembre 2019.

Publikationsdatum
29-08-2019

Les différents modèles de la brique Falconnier rescapés de l’histoire sont encore visibles jusqu’au 15 septembre au château de Nyon. L’exposition met en lumière – c’est le cas de le dire – différents modèles de cette brique de verre inventée à Nyon à la fin du 19e siècle et qui connut son heure de gloire à la Belle Époque. Au total, 1800 briques ont été réunies, dont une partie a été employée pour reconstituer un pan de mur entier. Aujourd’hui, la collection s’apprête à voyager.

Vie et mort d’une filière

L’exposition retrace l’histoire d’une filière entière, de sa naissance, avec l’élaboration des nombreux brevets, jusqu’à son évanouissement, quand les dernières usines belges cessent la production, vers 1930. Pour le conservateur du château de Nyon, Vincent Lieber, la brique de verre devait naître dans une région viticole, puisque son procédé de fabrication s’inspire directement de celui des bouteilles de verre. Son concepteur, Gustave Falconnier (1845-1913), estime en effet qu’une paroi réalisée avec ses briques n’est pas sans rappeler les étagères de bouteilles que l’on trouve dans les chais viticoles. Le verre utilisé est soufflé et coloré, il diffracte la lumière. Avec ses formes galbées et ses couleurs lumineuses, la brique prend des allures de bijou. Elle conquiert rapidement un marché haut de gamme en Suisse, puis gagne une fortune mondiale avec la vente de son brevet. Elle est primée aux expositions universelles de Chicago (1896) et de Paris (1900) et promue par des architectes de toute l’Europe, dans la vogue Art Nouveau. Rien qu’à Paris, on a relevé son utilisation dans le bâtiment de la Samaritaine (Frantz Jourdain, 1905-1910), à l’immeuble de la rue Franklin (Auguste et Gustave Perret, 1903). À La Chaux-de-Fonds, Le Corbusier l’emploie sur les verrières de la cuisine de la Villa Schwob (dite Villa Turque, 1916).

Or, l’architecture rationnelle des années 1920 préférera les pavés de verre, le béton armé translucide produit en France par Saint-Gobain, ou en Allemagne par Keppler ou le prisme Luxfer (déployé par Bruno Taut sur son pavillon de l’exposition de Cologne 1914), et enfin la fameuse brique Nevada (utilisée par Pierre Chareau dans sa Maison de verre, 1928-1932).

Falconnier en Russie

Par un hasard intéressant, la brique de verre nyonnaise est également associée à l’architecture constructiviste de la Russie révolutionnaire. Elle était en effet produite en Russie dès 1900 et présente sur l’immeuble voisin de la maison que se fait construire le peintre, sculpteur et architecte Constantin ­Melnikov (1890-1974), chef de file du mouvement. Celui a-t-il dessiné les ouvertures en forme de losange sur les proportions de la brique n° 8?

L’utilisation à grande échelle de la brique dans le pays suggère aujourd’hui de faire voyager l’exposition jusqu’à Moscou, où le mur de 1800 briques serait complété par les spécimens retrouvés en Russie. La poursuite de ce travail de recensement donnerait à l’exposition une envergure européenne, digne de son sujet.

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