Prix SIA Mas­ter Ar­chi­tec­tu­re 2017 – Les ter­ri­toires ur­ba­ni­sés com­me ma­tiè­re de tra­vail

Pour sa nouvelle édition, le jury du Prix SIA Master Architecture 2017 a globalement récompensé des travaux de fin d’étude engagés dans la transformation d’environnements fortement bâtis. Suivant trois courants didactiques bien différenciés, les 12 projets de diplôme mentionnés cette année font de « l’existant » leur matière première pour la régénération de milieux urbains préalablement urbanisés

Publikationsdatum
04-06-2018
Revision
06-06-2018

Chaque année, l’association Architektur & Kultur (a&k) de la SIA décerne, au nom du groupe professionnel d’Architecture (BGA), le Prix SIA Master Architecture aux meilleurs projets de fin d’étude des trois facultés universitaires d’architecture suisses. Dans l’espoir de promouvoir la haute qualité architecturale, ce prix vient récompenser les projets qui excellent de par leur contemporanéité et leur vision innovante. Pour cette édition et comme de coutume, tous les projets de fin d’étude ont été évalués par un jury amené à attribuer au maximum trois prix par session de diplôme pour l’EPF de Lausanne (EPFL) et l’Académie d’architecture de Mendrisio (AAM), et six prix au total pour l’ETH de Zurich (ETHZ), qui compte deux sessions d’évaluation annuelles2. Une reconnaissance prestigieuse à même de lancer favorablement la carrière d’une douzaine de nouveaux diplômés en architecture.

Bâtir sur des terrains bâtis


Fidèle reflet de la scène professionnelle, les thématiques proposées annuellement aux élèves de dernière année constituent une vue synoptique des principales problématiques contemporaines qui touchent quotidiennement le développement pratique de la profession d’architecte. Un survol des projets lauréats cette année confirme la tendance actuelle de l’architecture : celle de travailler dans des environnements déjà urbanisés. Une thématique symptomatique du Vieux Continent sur lequel s’installent les 12 propositions primées.

Qu’il s’agisse du centre historique de Salzbourg ou du quartier de Pigalle à Paris, d’un croisement ferroviaire au centre-ville ou d’une aire industrielle au bord de l’eau, la confrontation à des situations bâties existantes constitue le territoire d’expérimentation proposé à cette future génération d’architectes et caractérise les projets nominés par les experts de la SIA. Proposée communément mais sans concertation par les principaux centres universitaires d’architecture suisses, la thématique de « l’existant » et la relation (ou non-relation) à toutes sortes de situations contextuelles s’imposent comme pôle de recherche commun aux futurs architectes, qui peuvent ainsi se confronter aux contraintes et aux enjeux actuels de la profession.

«Die neue Altneue» (ETH)


Même si tous les projets nominés abordent une thématique générale similaire, l’influence du lieu d’implantation des trois écoles et leur orientation méthodologique déterminent le développement concret de chacun des projets. À Zurich, ville cosmopolite à forte croissance, la densité est au cœur du débat. Chaque recoin de la ville est une surface potentiellement exploitable, promise à un meilleur avenir ou simplement à une plus forte densité. Et pour y parvenir, tous les moyens sont bons pour autant qu’une démarche historiciste et urbanistique soit génératrice de la nouvelle forme urbaine. Tout en respectant la nature des lieux d’intervention tels que la vieille ville de Zurich (Niederdorf), un Silo à grain ou une centrale hydraulique, les nouveaux programmes visent à adorner constructivement ces différentes entités et à accumuler une nouvelle couche de contemporanéité. Une interprétation fraîche et surprenante des mutations stylistique et historique qui gouvernent en ce moment la production architecturale en Suisse alémanique.

L’atmosphère de l’intime (AAM)


A Mendrisio, «l’ambiance» est toute autre. Commune d’un peu plus de 10 000 habitants (étudiants inclus), l’approche académique reste figée sur une formule bien connue qui a rapidement fait de ce lieu l’un des centres d’architecture les plus renommés d’Europe.

A la différence de l’édition précédente, focalisée sur la ville de Saint-Moritz et fortement dominée par une composante paysagère, les projets de diplôme de cette année se sont déplacés en Autriche en concentrant leurs efforts sur la ville de Salzbourg. Inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, sa vieille ville constitue le cas d’étude abordé par les trois projets primés qui retrouvent dans sa structure baroque une approche très similaire : celle d’une recherche d’une atmosphère à la hauteur du contexte historique dans lequel les projets s’inscrivent. Inspiré par son festival de musique ou par la colline rocheuse du Mönchsberg, les projets de l’AAM font de la mémoire historique de cette ville leur premier matériau de construction. Ainsi, les ambiances archaïques et abruptes prédominent sur sa faisabilité constructive. 

A souligner le projet de Julian Jacek qui profite de la relation historique de la ville à l’eau, pour tenter de combiner sous une même forme urbaine deux programmes apparemment divergents: un parking public et des bains thermaux. Ici aussi, construire sur du construit permet de redonner une nouvelle allure à des surfaces bâties sans qualité apparente. 

Le territoire comme structure poétique (EPFL)


À Lausanne, l’Ecole polytechnique romande, moins marquée stylistiquement que Zurich ou Mendrisio, poursuit le développement d’une recherche plus vaste liant l’architecture aux sciences humaines.

Plus que de projets, l’école se nourrit d’hypothèses de travail. Des territoires moins conformés comme les méandres du Rhône à Genève ou l’île de Sein à l’Ouest du Finistère français se voient proposés une transformation par les activités humaines à l’origine de leur forme. Pour preuve, le projet «La STEP d’Aïre» de Thierry Buache. Une proposition pour la réaffectation de la station d’épuration d’Aïre où l’équilibre entre patrimoine, projet et territoire prend une orientation pédagogique digne d’une étude professionnelle plus approfondie.

L’architecture instantanée


La démocratisation de l’image par les outils de communication contemporains a permis à de nombreux créateurs d’émerger au sein de différents courants culturels plus sélectifs. Mais ce qui s’est révélé comme un outil de travail indispensable pour un photographe ou un illustrateur est encore un phénomène à l’étude en architecture. Plus qu’une ressource, les «bases de données» actuelles telles que Pinterest ou tumblr transforment l’imaginaire référentiel des étudiants (et pas seulement) à un tel point que l’enseignement de l’architecture souffre d’une sorte d’«instagramisation» de ses principes de composition les plus élémentaires, tout en plongeant l’architecture dans une nouvelle vague d’éclectisme du «tout est permis». Ce n’est pas que les porteurs de projets écument généralement les réseaux sociaux pour s’en inspirer; c’est qu’ils aspirent à en faire partie car l’image devient plus importante que son contenu. 

Face à cette nouvelle réalité, l’enseignement de l’architecture reste essentiel pour porter un regard critique sur les différents phénomènes qui gravitent autour de la profession. Et c’est justement en se confrontant à la critique, et pas seulement à l’éloge, que les projets ici présentés offrent une réponse pragmatique et spontanée : la construction d’un récit plutôt que d’une image. Espazium ne peut que soutenir cette démarche en souhaitant aux lauréats, comme aux non-lauréats, tous ses vœux de réussite professionnelle

Pour une vision d'ensemble des projets lauréats, consultez notre e-dossier consacré à ce prix. 

 

Informations pratiques

Distinction décernée depuis les années 1960 par la SIA, le Prix SIA Master Architecture récompense chaque année des travaux de fin d’étude soutenus dans l’une des trois hautes écoles universitaires que sont l’Accademia di architettura di Mendrisio (AAM), l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et la Eidgenössische Technische Hochschule Zürich (ETHZ). Entre 80 et 130 projets de master sont soutenus annuellement (deux sessions d’examens pour l’EPFZ, une seule pour l’EPFL et l’AAM). Pour chaque session d’examens, le jury est formé de six architectes: le président de la société spécialisée «architecture et culture» (A&C), un représentant de chacune des régions linguistiques de cette même société, un représentant du groupe professionnel architecture de la SIA et un représentant de la section locale de la SIA du canton où se trouve la haute école universitaire. 

Tous les travaux ont été évalués par le jury à partir des critères suivants: qualité urbanistique et intégration au contexte, qualité architecturale et traitement des détail, clarté du parti, exhaustivité du rendu et aptitude à la collaboration au sein d'un bureau d'étude. 

Pour une vision d'ensemble des projets lauréats, consultez notre e-dossier consacré à ce prix. 

Verwandte Beiträge