La nou­vel­le par­ti­tion des RPH

L’actuelle révision des Règlements concernant les prestations et les honoraires SIA 102, 103, 105 et 108 constitue une chance d’harmonisation encore inédite à cette échelle. Une étape qui peut sembler anecdotique, mais qui recèle le potentiel d’un profond changement de perspective.

Data di pubblicazione
27-02-2023

Depuis la mise sur pied du projet en automne 2020, les commissions des règlements concernant les prestations et les honoraires (RPH) des architectes (SIA 102), des ingénieurs civils (SIA 103), des architectes paysagistes (SIA 105) et des ingénieures et ingénieurs spécialisés dans les domaines des installations du bâtiment, de la mécanique et de l’électrotechnique (SIA 108) s’appliquent à la révision des RPH. Un lourd travail dû avant tout à un objectif d’«harmonisation» qui, s’il peut sembler anecdotique, n’a rien d’une formalité. Il s’agit en effet de ne pas confondre harmonisation et uniformisation. Pour citer le président de la ZO, Erich Offermann, lors de la réunion générale des commissions RPH: «L’harmonie est essentielle à la musique, mais les notes figurant sur chaque partition d’orchestre diffèrent».

À une époque où complexité et spécialisation vont croissant, ce travail d’harmonisation vise à améliorer la compréhension entre les parties prenantes d’un projet et la coordination des équipes. Dès 1984, les RPH sont pensés comme un ensemble et depuis 2000, l’objectif d’harmonisation revient à chaque révision (voir encadré). Toutefois, la portée et l’exhaustivité du projet actuel sont sans précédent. Six groupes de travail ont été constitués, incluant chacun au moins un membre de chaque commission. Ils abordent ensemble des thématiques transversales, telles que l’impact des technologies de l’information ou la qualité, en débattent dans leurs commissions respectives et rapportent ensuite les décisions prises dans les groupes de travail. À ce stade, l’enjeu porte moins sur des questions techniques propres aux différentes disciplines que sur les efforts entrepris pour comprendre et se faire comprendre entre domaines de spécialisation et sur d’éventuels compromis. Or, l’accroissement continu des niveaux de spécialisation intervenu depuis 1984 rend cette compréhension mutuelle encore plus difficile et les besoins d’harmonisation d’autant plus grands.  

Une approche fonctionnelle

Afin de clarifier le partage des responsabilités à travers les différents membres d’une équipe de projet, la commission SIA 103 avait déjà opéré un profond changement d’optique lors de la révision totale de son RPH en 2014: plutôt qu’à des «disciplines», les prestations ont été rattachées à des «fonctions», explique Stefan Hosang (SIA 103). La tripartition alors introduite entre les fonctions de «directeur général», de «professionnel spécialisé» et de «directeur des travaux», chacune assortie d’un descriptif de prestations détaillé, sert aussi de base aux autres RPH pour l’harmonisation du capital art. 4, sous la houlette du groupe de travail «Rôles et fonctions». Que les commissions n’adoptent que maintenant, et pas en 2014 déjà, la voie empruntée par la SIA 103 relève de diverses raisons.

À la recherche d’un référentiel commun

C’est autour de la définition des missions qu’il y aura le plus de travail à faire pour parvenir à une compréhension commune du déroulement du projet, de la répartition des tâches et de la terminologie. La concrétisation de cet objectif pose un défi distinct pour chaque discipline, tout en révélant nombre de réalités propres aux différentes professions.

Pour la commission des architectes, l’importance du règlement SIA 102 dépasse les concepts de prestations et honoraires: il reflète aussi leur manière de concevoir la profession. David Merz (SIA 102) l’explique par des préoccupations essentielles à la pratique de l’architecture, comme la culture du bâti: «Sur le plan technique, les missions d’un projet sont faciles à décrire. Mais sa valeur architecturale dépendra d’autres problématiques, comme la qualité d’un milieu et la meilleure manière d’y intégrer une construction.» Selon lui, le principal défi que pose l’harmonisation réside précisément dans une vision inhérente à la profession: des prestations qui étaient jusque-là regroupées sous une seule personne sont maintenant divisées en fonctions de «direction générale», «intervention spécialisée» et «direction de travaux».

Aux yeux de Heinz Richter (SIA 108), c’est un tout autre défi qui se présente aux ingénieures et ingénieurs spécialisés dans les installations du bâtiment. Pour les professions CVCRSE et les nouvelles disciplines liées à l’automation du bâtiment, le règlement SIA 108 réunit des domaines et profils professionnels aux contenus très variés. La difficulté de l’harmonisation est de fusionner au sein de l’article 4 les fonctions d’«automation du bâtiment» et de «coordination technique» sans leur faire perdre de l’importance. Ce travail d’ajustage porte essentiellement sur les fonctions relevant du «contrôle des travaux», de la «direction technique des travaux» et de la «coordination technique». L’enjeu consiste à respecter les différences et équivalences entre les groupes professionnels réunis sous l’égide du règlement SIA 108 tout en garantissant la cohésion des disciplines concernées.

Les travaux de révision ont révélé que la notion de prestation, présente dans les autres disciplines, revêt une importance toute particulière pour les architectes paysagistes. Des quatre RPH, SIA 105 est le seul dont l’article 4 distingue les mandats d’étude ayant une construction pour objectif des mandats ne débouchant pas sur un résultat bâti. Cependant, comme l’expose Kurt Gfeller (SIA 105), il est évident que dans cette profession, les missions de planification telles qu’elles sont définies dans le règlement SIA 108 impliquent également d’autres prestations et ne peuvent donc pas être décrites comme les phases initiales d’un projet. Raison pour laquelle, à côté du modèle de phases établi par SIA 112 pour l’étude et la conduite de projets (art. 4.2, SIA 105), l’article 4.1 qui le précède repose sur le modèle SIA 111 de «Planification et conseil».

Le projet demeure central

Certaines thématiques ne trouveront pas leur place dans tous les RPH et c’est normal. Pour reprendre la métaphore d’Erich Offermann, on ne s’attend pas à ce que tous les membres d’un orchestre jouent la même note au même moment. Il n’en reste pas moins que l’harmonisation a déjà motivé un changement d’optique effectif dans d’autres domaines. Les diverses fonctions réunies sous l’appellation «coordination technique» sont désormais inscrites comme prestations dans tous les RPH. Même si tous les détails techniques d’un projet ne sont pas définis en même temps par les différentes fonctions, il n’en demeure pas moins que les décisions concernant un même espace doivent être synchronisées. Et, point sans doute le plus important : selon la nature du projet, la fonction de «direction générale» incombera à la personne la mieux qualifiée pour la tâche. Car ce n’est pas la discipline, mais le projet qui est au centre.

La culture du bâti comme prestation

Avec l’abandon, après une intervention de la Commission de la concurrence (COMCO), du calcul des honoraires d’après le coût d’ouvrage déterminant le temps nécessaire (art. 7), des descriptifs de prestations détaillés sont devenus d’autant plus importants pour la négociation des honoraires. La répartition actuelle en tâches correspond davantage à la réalité des projets, qui impliquent de plus en plus de professionnels spécialisés. Comme le souligne David Merz: «Nos descriptifs de prestations datent encore d’une époque où l’organisation de projets était moins complexe». Ce qui, dans les bases contractuelles, était encore souvent couvert par l’habituelle expression «en règle générale» doit aujourd’hui être dûment assigné et décrit en détail. Sans oublier que si la «culture du bâti» peut difficilement faire l’objet d’une description technique, elle demeure une «prestation» qui nécessite du temps et doit être rémunérée.

RPH: une harmonisation en étapes

  • La nécessité de répondre à la complexité croissante des processus d’étude et de réalisation d’ouvrages par une description supra-disciplinaire des prestations apparaît déjà dans le cadre de la mise en consultation de la révision de 1984. L’harmonisation se borne finalement à la structure actuelle articulée en sept articles.

 

  • Dans le but d’uniformiser les phases et modules de prestations pour l’ensemble d’une équipe de projet, le Modèle de prestations 95 («MP95») est alors élaboré. Mais comme les modules n’étaient pas alignés sur ceux des RPH et en raison du scepticisme face à une libéralisation des règlements, le MP95 n’obtiendra finalement jamais l’imprimatur.

 

  • Avec la publication de son successeur, le Modèle de prestations SIA 112, en 2001, une étape est franchie en matière d’harmonisation des phases et modules de prestations. Le modèle constitue en outre le socle des RPH publiés en parallèle.

 

  • Depuis lors, les objectifs essentiels de chaque révision des RPH sont l’adaptation aux conditions contemporaines et les progrès en matière d’harmonisation.

 

  • La publication des nouveaux RPH 102, 103, 105 et 108 est prévue pour 2025.

Sources : Klaus Fischli, SIA 1837-2012 Les grandes étapes de 175 ans d’histoire, éd. SIA, 2012; interview de Hans Briner, e.a. SIA 112, 22.12.2022

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