Le tra­fic con­tre le ter­ri­toi­re

Éditorial de Marc Frochaux du numéro de février de la revue TRACÉS

Data di pubblicazione
13-02-2023

«Complètement dépassés»: c’est ainsi que Ruedi Blumer, président de l’Association transports et environnement (ATE), décrit les plans de la Confédération pour les routes nationales – le programme d’exploitation, d’entretien et d’adaptation des routes du programme de développement stratégique (PRODES). Lors de sa séance du 26 janvier 2022, le Conseil fédéral a approuvé, une fois encore, l’enveloppe budgétaire, fixée à 8,4 milliards de francs pour la seule période 2024-2027 – 12,7 si on ajoute les cinq projets d’extension supplémentaires prévus dans l’étape d’aménagement 2023. Depuis les années 1960, l’explication avancée est toujours la même: la population augmente, le trafic augmente, il faut donc accroître les aménagements. Personne n’a vraiment intérêt à remettre en question un logiciel qui fonctionne ainsi depuis des décennies.

«À une époque où les transports doivent réduire massivement leurs émissions pour atteindre les objectifs climatiques et environnementaux, il convient de démanteler les routes pour le trafic automobile et non de les agrandir», fait remarquer Blumer, qui évoque les émissions de CO2, la pollution et le bruit induits. Il pourrait ajouter les coûts externes et surtout la confiscation ahurissante des surfaces (pour les routes ou le stationnement) alors que l’espace n’a jamais été aussi précieux. Selon Blumer, le développement des routes nationales reposerait sur «une approche erronée»: sur la base de prévisions «périmées», on développe des infrastructures qui contribuent elles-mêmes à une grande partie de l’augmentation prévue du trafic, au lieu de prendre des mesures alternatives. On tourne en rond.

Or il existe une approche alternative, qui se concentre sur le territoire le plus concerné (les agglomérations), et non uniquement sur le réseau. Les programmes en faveur du trafic d’agglomération (PTA) ont été initiés en 2018 par l’Office fédéral du développement territorial (ARE). Elle consiste à réunir tous les acteurs concernés d’une agglomération autour d’une table, et à discuter ensemble de la meilleure manière d’améliorer la situation, en incluant les différentes modes de transport, les différentes options de projet, et en coordonnant urbanisation et mobilités. En puisant dans le fonds pour les routes nationales et le trafic d’agglomération (FORTA), le Conseil fédéral soutient ainsi 32 projets dans toute la Suisse. Il peut s’agir d’améliorer un réseau de bus, d’une interface multimodale, d’un itinéraire cyclable rapide, etc. selon les spécificités du lieu. La somme s’élève à 1,3 milliard, soit un dixième de celle énoncée plus haut. En effet, actuellement seuls 9 à 12 % du fonds peuvent être employés pour ce programme. C’est cette répartition que l’ATE aimerait aujourd’hui discuter, quitte à s’opposer au PRODES 2023-2027 par référendum, la seule voie possible, semble-t-il, pour y parvenir.

Le dossier du mois parle de voiture sans en montrer une seule: une utopie possible. Les exemples d’Anvers et d’Utrecht, et plus récemment de Bienne, démontrent que seule l’action civile peut s’opposer à des logiciels conçus il y a des décennies, et mettre le clignotant, ralentir, prendre la voie de sortie.

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