Viol­let-le-Duc, les vi­sions d’un ar­chi­tecte

Exposition à l’occasion du bicentenaire de la naissance de l’architecte à la Cité de l’architecture & du patrimoine, Paris

Date de publication
28-01-2015
Revision
25-10-2015

Une exposition commémorative de l’œuvre de Viollet-le-Duc à l’occasion du bicentenaire de sa naissance était dans l’ordre des choses. De manière paradoxale, la réception de cet architecte, sinon maudit, du moins sans cesse discuté, en tous les cas hors norme, est jalonnée d’étapes importantes du point de vue de l’affirmation de sa légitimité. Cela commence aussitôt après son décès à l’Hôtel de Cluny où son fils met sur pied la première manifestation du genre et cela s’achève provisoirement par l’exposition Viollet-le-Duc, les visions d’un architecte.

Du point de vue décisif de l’accès aux documents, l’exposition intervient tout juste trois ans après le décès de la regrettée Geneviève Viollet-le-Duc, dernière du nom, et généreuse gardienne de l’important fonds des archives de famille, désormais aux mains de l’Etat. Trop tôt par conséquent pour espérer trouver des approfondissements décisifs ou des articulations inédites que pourrait permettre un accès critique à l’ensemble des archives. 

L’exposition et le catalogue sont réalisés sous la direction de deux figures majeures de l’establishment académique et du patrimoine : Jean-Michel Leniaud, directeur de l’Ecole nationale des chartes, et Laurence de Finance, directrice du musée des Monuments français. L’exposition, disons-le d’emblée, enchante par sa clarté et sa lisibilité. Elle tire un très bon parti des sous-sols ingrats du palais du Trocadéro et obvie habilement à son inévitable effet de « cul-de-sac ». Au-delà des dessins, parmi lesquels il est devenu difficile de surprendre le visiteur averti, l’exposition offre des ouvertures admirables sur les éléments du décor, notamment liturgique. Parmi les axes que Leniaud avait dégagés depuis longtemps dans l’œuvre de Viollet-le-Duc (rétablir, achever, décorer, créer un environnement), la décoration est celui qui trouve ici sa plus complète expression. L’espace liturgique serait, selon les auteurs, le lieu où s’exprime l’imaginaire romantique de l’architecte, dont on souligne la culture originelle catholique. 

S’agissant de faire le point sur les grands thèmes qui traversent la réception de Viollet-le-Duc depuis les expositions commémoratives de son décès (Lausanne 1979, Paris 1980), il convient de se rapporter au catalogue, en prenant soin d’ignorer la couverture déconcertante. Les contributions essentielles de Corinne Bélier et Antoine Picon se concentrent sur la question de la pensée structurelle de l’architecte, en examinant notamment les 12e et 13e « Entretiens ». Dans « Ecrire pour enseigner », Laurent Baridon s’appuie solidement sur ses importants travaux antérieurs et Alice Thomine aborde la question de la « conversion » républicaine de Viollet-le-Duc après 1871, dont on sait qu’elle fut entérinée par Victor Hugo en personne. 

Le titre Les visions de l’architecte suggère une ambition et une ouverture qui s’exprime dans l’article introductif de Leniaud, « Les visions du Grand-Duc » où il affirme la nécessité « aujourd’hui, d’entrer hardiment dans la sphère du non-dit, voire du non-pensé […] à la recherche de ses fantasmes (visions), de ses obsessions, voire de ses répulsions » ; cette ambition reste pourtant en suspens.

Viollet-le-Duc est membre d’honneur de la SIA vaudoise, et nous lui devons une attention particulière aux débats concernant son activité dans les Alpes et en Suisse. Leniaud aborde ce sujet dans un article consacré à la cathédrale de Lausanne qui fait la part belle à une tendance de l’historiographie qui veut faire de l’historien de l’art Heinrich von Geymüller, « apôtre de l’art classique », un expert universel en architecture et en statique au motif qu’il a suivi des cours dans ces disciplines. Il évacue ce faisant le fait que les propositions de Geymüller s’articulaient en contre-projets de style néoclassique et proposaient des inventions au moins aussi véhémentes que l’unité de style du gothique viollet-le-ducien. Les liens avec les travaux sur le Mont-Blanc et « l’histoire d’un hôtel de ville et d’une cathédrale » sont évoqués, mais restent en deçà de ce qui a été publié à ce jour sur le sujet.

Ces commentaires critiques soulignent mieux qu’une approbation unanime le très grand plaisir que procure la visite de cette exposition.

 

Viollet-le-Duc, les visions d’un architecte

Jusqu’au 9 mars 2015
Cité de l’architecture & du patrimoine, Paris
www.citechaillot.fr

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