Valoriser l’intelligence pratique
Editorial paru dans Tracés n°22/2012
Ingénieurs et architectes ne font pas exception à la règle : comme la société dans son ensemble, ils sont confrontés à des modifications toujours plus rapides et diverses des conditions dans lesquelles ils ont à exercer leur profession. Renforcement des contraintes légales, exigences environnementales et développement durable passent souvent par des innovations qui imposent un élargissement du cadre des connaissances requises, ce qui va en général de pair avec un accroissement de la complexité organisationnelle des projets. Indirectement, ces changements se traduisent par une réduction du temps à disposition pour ce qui fait l’essence et le sel de nos professions : étudier, concevoir et, surtout, mettre en place de nouvelles solutions techniques issues des découvertes scientifiques. Bien qu’essentiel pour obtenir des résultats probants, le soin accordé à la réalisation est néanmoins souvent insuffisant, ceci pour diverses raisons.
Tout d’abord, les décideurs refusent encore trop souvent d’assumer les frais nécessaires pour s’assurer l’encadrement d’experts compétents : en maintenant la primauté du prix pour l’attribution des prestations intellectuelles, ils refusent d’admettre que la spécialisation a un coût et considèrent tous les mandataires comme égaux.
Ensuite, ce n’est probablement pas le manque d’expertise des mandataires qui est le principal obstacle à une implantation réussie des nouveautés techniques, mais plutôt la connaissance lacunaire, du côté des exécutants, des exigences spécifiques à leur mise en place. Alors que l’on parle de la revalorisation impérative des formations non universitaires auprès des jeunes, le vrai problème qui se pose aujourd’hui et qui ne concerne pas que la construction tient à la difficulté de dispenser un enseignement dans des domaines pointus sans passer par la maîtrise d’outils théoriques trop complexes. En d’autres termes, sachant qu’il est vain de vouloir expliquer les choses par des équations ou en utilisant des lois physiques sous forme mathématique à des gens pour qui ces concepts sont incompréhensibles, il conviendrait d’utiliser un langage qui s’ancre dans la réalité et qui, sans négliger les acquis théoriques, intègre aussi l’intelligence pratique issue du terrain. En souhaitant que l’invention de ce langage, en associant et confrontant intelligences pratique et théorique, contribue à revaloriser certaines formations auprès des jeunes.