Une voi­sine proche et loin­taine

Éditorial - Tracés n°11/2011

Date de publication
03-01-2012
Revision
19-08-2015
Jacques Perret
Ingénieur en génie civil EPFL, Dr ès sc. EPFL et correspondant pour TRACÉS.

En affirmant que E = mc2, l’équation la plus célèbre du monde proclame une équivalence entre énergie et matière qui pourrait faire croire que qu’il serait possible et aisé de visualiser l’énergie. Pourtant, bien que tout le monde en parle, on continue à assez mal percevoir la présence de l’énergie. C’est autour de ce paradoxe que s’organise le numéro de Tracés "voies de l'énergie".
La consommation d’énergie au sein des sociétés industrialisées est devenue telle que nous ne sommes plus capables de nous rendre compte de ce qu’elle signifie. Dissimulée derrière la banalité de gestes quotidiens comme allumer la lumière, mettre en marche un véhicule ou encore choisir la température de notre appartement, notre consommation ne nous interpelle que rarement sur son ampleur ou sur la façon dont l’énergie est produite ou distribuée.
Récemment interviewé par la radio romande (Intercités du 12 avril 2011), Michel Bonvin, professeur en énergie à la HES-SO du Valais, a proposé un exemple édifiant : selon lui, l’électricité nécessaire pour faire fondre une demi-meule de fromage à raclette correspondrait à la chute de 200 litres d’eau depuis le barrage de la Grande Dixence vers la plaine du Rhône ! Combien de nous seraient encore enclins à savourer cette spécialité gastronomique s’il fallait au préalable fournir un tel effort ? 
Si cet exemple illustre à merveille notre manque de repères vis-à-vis de notre consommation, il évoque aussi, à travers le plus haut barrage poids du monde et le plus massif d’Europe (wikipédia dixit), un second élément essentiel : les infrastructures énergétiques. A cet égard, si nous avons tendance à difficilement tolérer l’impact visuel de ces ouvrages, nous ignorons aussi souvent le fameux « effet papillon » de nos gestes quotidiens. Avons-nous conscience du trajet effectué par les hydrocarbures ou l’électricité qui nourrissent notre boulimie énergétique ? Des efforts immenses nécessaires à cet acheminement ? Ou encore des enjeux géopolitiques dont celui-ci peut être l’objet ?
C’est essentiellement autour des aspects de production et de distribution d’énergie que s’articule notre dossier. Une orientation qui ne doit pas faire oublier qu’une éventuelle maîtrise progressive de notre dépendance énergétique ne pourra jamais avoir lieu sans une réflexion sur le contrôle de notre consommation : qu’on le veuille ou non, la question énergétique est d’abord une question de quantité.

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