Play­ground: la ville en jeu

Article de présentation du dossier "Playground" du numéro de mai de la revue TRACÉS

Date de publication
02-05-2025

«Chacun devrait pouvoir jouer partout, facilement, librement, sans être enfermé dans une place de jeux (playground) ou un parc. L’échec d’un environnement urbain est directement mesurable au nombre de places de jeux», déclarait l’écrivain britannique Colin Ward dans son livre The Child and the City (1978).

L’essor des aires de jeux pendant la modernité va de pair non seulement avec le baby-boom, mais aussi avec le développement de l’urbanisation sous le règne de la voiture. Face à des décennies de planification centrée sur l’automobile, les places de jeux sont trop souvent devenues des îles, certes protégées du trafic, pourtant semblables à des cages de zoos pour des enfants toujours plus cantonnés à leur espace privé et familial.

Mais le statut des places de jeux est plus ambigu que cela. Dans sa passionnante recherche The Playground Project (lire p.10), Gabriela Burkhalter écrit que l’aire de jeux est à la fois «un vilain petit canard et un espace très convoité», point de convergence d’idées sur l’éducation, l’architecture et l’espace public, au développement parfois anarchique. Burkhalter montre que l’histoire des places de jeux est longue, riche et qu’elles ont toute leur place dans la culture du bâti. Car le terme playground signifie littéralement «sol de jeu». Ce sol accompagne la prise de conscience progressive de la relation qu’entretient un enfant avec son territoire. Certaines villes l’ont bien compris: c’est le cas de Lausanne qui, il y a 30 ans, a développé une stratégie pour utiliser les places de jeux comme l’un des points de départ de ses politiques urbaines. Pensées comme un second maillage qui se superpose à la trame des grands parcs existants, les places offrent des espaces verts protégés du trafic au cœur des quartiers. Peu à peu, sous la pression démographique, elles s’ouvrent à d’autres publics et deviennent des espaces de loisir et de rencontre intergénérationnels (lire p.7).

D’autres aires ludiques dédiées périodiquement aux enfants pourraient également intégrer ce réseau, comme les préaux scolaires, sur lesquels enquête Sonia Curnier, spécialiste des espaces publics. Si on exploitait mieux ces lieux en dehors des horaires de classe, ceux-ci deviendraient des places publiques à haute valeur architecturale et paysagère (lire p. 11).

En 1979, l’historien Philippe Ariès écrivait que le développement des aires ludiques s’explique par la nécessité de doter les villes de dispositifs protégeant des nouveaux dangers de l’espace urbain: pour lui, la ville était paradoxalement devenue «antiville». Les initiatives que nous présentons dans cette enquête utilisent les playgrounds comme espaces de résistance, afin de réesquisser ce que pourrait être la ville – la vraie.

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Et dans nos archives:

 

Futur radieux pour infrastructure obsolète, transformation d'une step en aire de jeux à Aproz (VS), Héloïse Gailing

 

Pour s'inventer des histoires, l'aire de jeux de Belleville à Paris, Cedric van der Poel

 

Les théâtres de la démocratie d'Isamu Noguchi, Yony Santos

 

Dessine-moi une aire de jeux, Karl Sarafidis
 

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