L’Eu­rope tousse, la Suisse s’en­rhu­mera-t-elle?

Selon l’enquête conjoncturelle réalisée par le KOF en janvier, les bureaux d’études considèrent que la marche de leurs affaires est stable et restera sur sa lancée pour les mois à venir.

Date de publication
08-03-2023

Si l’on en croit les résultats de la dernière enquête menée par le Centre de recherches conjoncturelles de l’EPFZ (KOF), la situation économique actuelle du secteur des études se maintient. Les bureaux ont quelque peu révisé leurs estimations à la hausse, mais rien de bien significatif. Ils sont ainsi 58% à estimer que la marche de leurs affaires est bonne, 37% à l’estimer satisfaisante et seulement 5% à la juger mauvaise. L’évolution de la demande, des carnets de commande, de la fourniture de prestations et de la situation bénéficiaire des trois prochains mois s’inscrivent dans la continuité du mois d’octobre. En revanche, le bât blesse pour ce qui est du renforcement des ressources humaines: alors que 16% des bureaux indiquent que leur effectif a baissé au cours du dernier trimestre et que 63% n’ont aucun changement à déclarer, il apparaît que les effectifs sont globalement insuffisants. La pénurie de main-d’œuvre reste donc un problème majeur, puisque 63% des sondés estiment qu’elle freine leur activité — contre 60% au quatrième trimestre 2022.

Pas de changements pour les mois à venir

Par rapport à octobre, les bureaux d’études n’ont guère révisé leurs attentes concernant l’évolution conjoncturelle des prochains mois. Actuellement, 12% des entreprises tablent sur une amélioration, 82% n’attendent aucun changement et 5% craignent une dégradation. L’évolution attendue de la demande, des prestations à fournir et de la courbe bénéficiaire des trois prochains mois reste inchangée par rapport à la dernière enquête de 2022. Les concepteur·rices sont ainsi 17% à espérer une amélioration de leur situation bénéficiaire, 76% à n’anticiper aucun changement et 7% à s’inquiéter d’une détérioration. Dans le même temps, l’évolution des prix semble avoir du vent dans les voiles puisque 26% des bureaux escomptent une dynamique haussière et 66% espèrent un maintien sur les trois prochains mois.

Les architectes restent confiant·es

Alors que les bureaux d’architecture n’ont constaté aucun changement de leur situation économique par rapport à la dernière enquête menée en 2022, la demande et les carnets de commande ont connu une évolution nettement plus forte entre octobre et janvier qu’au cours du trimestre précédent. Il n’en reste pas moins qu’ils ont légèrement revu à la baisse la récente évolution des prestations fournies. L’évaluation du nombre actuel d’employé·es révèle une pénurie de main-d’œuvre qui s’est encore aggravée depuis octobre: les bureaux d’architecture sont toujours 52% à s’en dire freinés dans leurs activités.

Les perspectives d’avenir en revanche se teintent d’un léger optimisme. En effet, la majorité des architectes interrogé·es ont révisé à la hausse leurs attentes concernant l’évolution future de leur entreprise. Elles et ils restent confiant·es pour ce qui est de l’évolution de leur situation économique des six prochains mois, escomptant en outre un développement plus vigoureux de la demande et de la fourniture de prestations au prochain trimestre. Leurs attentes concernant leur situation bénéficiaire s’améliorent également. En revanche, par rapport à octobre, les bureaux d’architecture ont été plus nombreux à affirmer devoir augmenter leurs effectifs dans les trois prochains mois et revoir leurs prix à la hausse

Ingénieur·es: un optimisme à toute épreuve

Contrairement aux bureaux d’architecture, les ingénieur·es se disent légèrement plus satisfait·es de leur situation économique actuelle. Par rapport à octobre, elles et ils se montrent toutefois plus réservé·es pour ce qui est de l’évolution de la demande, des prestations fournies, du nombre d’employé·es ainsi que des carnets de commande des trois derniers mois. En effet, la portée des carnets de commande a baissé, passant de 11,3 mois au troisième trimestre 2022 contre 10,9 mois au premier trimestre 2023. Qui plus est, la part de bureaux se disant freinés dans leur activité par des effectifs insuffisants a augmenté et s’établit désormais à pas moins que 68%.

Ceci n’empêche pas les ingénieur·es d’envisager l’avenir avec optimisme: elles et ils disent ainsi s’attendre à une amélioration de la marche de leurs affaires dans les six prochains mois et sont plus confiants pour ce qui est du renforcement de leurs effectifs. Notons que leurs attentes concernant la demande, la fourniture de prestations et la situation bénéficiaire des trois prochains mois se révèlent plus modestes. Sur le front des prix, une hausse significative est attendue.

Les indicateurs économiques du KOF au beau fixe

Dans l’ensemble, la situation économique du secteur des études est stable. On notera, dans certains domaines, des corrections vers le haut ou le bas, mais rien de bien significatif. L’indicateur de la situation des affaires, calculé à partir des résultats d’enquêtes trimestrielles KOF réalisées auprès d’entreprises suisses, affiche une hausse réjouissante, signe de la solide santé économique dont jouit le secteur privé. Alors que les entreprises ont connu une baisse de régime à l’automne dernier, janvier a marqué une sérieuse embellie. Non seulement les attentes relatives à l’évolution économique des prochains mois traduisent-elles un regain d’optimisme, mais en plus l’indicateur de l’emploi reste à un niveau élevé, nettement au-dessus de sa moyenne pluriannuelle, comme l’a fait savoir le KOF dans un communiqué publié en février. À voir ces nouvelles, on pourrait se demander si l’économie suisse n’a pas tout simplement renoué avec la croissance, déjouant tous les sombres pronostics qui, en somme, auraient fait beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Même la Handelszeitung, le premier journal économique suisse allemand s’interroge: la récession serait-elle déjà surmontée en Europe? Certains pessimistes — que d’aucuns qualifieront de réalistes — avanceront que si cela paraît trop beau pour être vrai, c’est sans doute que ça l’est… Mais reprenons les choses dans l’ordre.

Les chiffres de la zone euro

L’assouplissement des restrictions chinoises liées à la pandémie laisse présager une reprise économique qui s’accompagnera d’une demande accrue de matières premières. Ceci entraînera une hausse des cours, en particulier des métaux industriels tels que le cuivre, l’aluminium, le nickel, l’étain et le zinc. Dans le même temps, la production d’acier et de ciment a baissé en Europe, conséquence de l’augmentation des prix de l’énergie. Cela signifie que les prix de métaux industriels et de matériaux de construction importants resteront à des niveaux élevés, voire qu’ils augmenteront — conséquence logique de la réduction de l’offre.

Avec une croissance de 0,1% proche de la stagnation au quatrième trimestre, les chiffres de la zone euro publiés en janvier commandent la prudence. L’inflation sous-jacente (calculée en excluant les prix de l’alimentation et de l’énergie) se maintient à 5,2% comme l’a fait savoir l’économiste Klaus Wellershoff dans le format vidéo «Morning Call» de la Handelszeitung. La croissance économique ralentit en Europe, en premier lieu du fait de la perte de pouvoir d’achat des ménages dont les moyens financiers sont nettement plus limités. Ce n’est pas un secret: la Suisse n’est pas une île. Lorsque l’Europe tousse, la Suisse s’enrhume. Comme le souligne Klaus Wellershoff, l’inflation grandit en Suisse, le taux sous-jacent s’étant établi à 2% en décembre. Et c’est sans compter les prix de l’électricité qui continuent de grimper et les loyers qui gonfleront en raison du rehaussement du taux d’intérêt de référence. Résultat, avec un budget qui rétrécit, les consommateurs suisses serrent les cordons de leurs bourses, ce qui impacte négativement la croissance.

Même son de cloche du côté de l’économiste américain Nouriel Roubini dans un entretien accordé à la Sonntagszeitung en janvier: même si l’inflation a atteint un pic dans les principaux espaces monétaires, le pire reste selon lui à venir. Il est en effet plus facile de passer d’une inflation à deux chiffres à 5 ou 6% que de passer de ce palier à 2%, explique-t-il. C’est pourquoi l’inflation se maintiendra dans une fourchette de 5 à 10% dans les principaux espaces monétaires. Résultat, l’horizon économique mondial restera dominé par un cocktail toxique de hausse des prix et de conjoncture morose.

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