Pré­vi­sions dis­pa­rates face à un ave­nir in­quié­tant

L’enquête conjoncturelle menée par le KOF en janvier 2024 a révélé une grande disparité dans les perspectives d’avenir partagées par les bureaux d’études. Architectes et ingénieurs se montrent circonspects quant à la marche de leurs affaires.

Date de publication
28-02-2024

Ni vraiment bons, ni vraiment mauvais, les résultats de la récente enquête du Centre de recherches conjoncturelles (KOF) s’inscrivent dans la continuité d’une année stable, sans tendances notables. Les bureaux d’études se montrent légèrement plus réservés dans l’évaluation de leur situation économique qu’ils ne l’étaient en octobre 2023 mais restent globalement positifs. La demande et les effectifs ont toutefois faibli au cours des trois derniers mois. Les bureaux rapportent un regain de dynamisme pour ce qui est des prestations fournies et des revenus du trimestre précédent, mais restent sur leurs déclarations pour ce qui est de leurs carnets de commande, dont la portée reste à douze mois. Le nombre de bureaux se disant ralentis par une demande trop faible augmente par rapport à fin 2023, et s’établit à 23%. La pénurie de main-d’œuvre reste toutefois le principal frein à leur activité, avec 57% de bureaux affectés.

Leurs prévisions d’avenir ne pointent pas dans une direction claire. Ils se révèlent d’une part moins optimistes pour ce qui est de la marche de leurs affaires dans les six prochains mois puisque seuls 11% tablent sur une amélioration (contre 13% en octobre) alors que 84% n’escomptent aucun changement et que 5% craignent même une dégradation. D’autre part, leurs attentes concernant l’évolution de la demande, de la fourniture de prestations et de la situation bénéficiaire affichent une légère éclaircie. Actuellement, ils sont 16% à estimer que leurs revenus augmenteront et 76% à n’attendre aucun changement.

Les architectes plus prudents

Par rapport à octobre 2023, les bureaux d’architecture ont légèrement revu à la baisse leur situation économique. Alors qu’ils ne font état d’aucun changement notable pour ce qui est des prestations fournies, ils ont indiqué que l’évolution de la demande et des carnets de commandes s’est nettement dégradée par rapport à octobre. Tranchant avec la légère amélioration enregistrée en automne, la part de bureaux d’architecture s’estimant impactés par la pénurie de main-d’œuvre, a légèrement augmenté et se monte désormais à 43%.

Ils ont tempéré leurs attentes concernant la marche de leurs affaires au cours des six prochains mois et la demande au cours du prochain trimestre. Ils sont en effet 12% à tabler sur une amélioration de leur santé économique tandis que 82% misent sur un maintien et que 6% craignent une dégradation. À plus court terme, ils se montrent en revanche plus confiants, tant pour ce qui est de leurs revenus que de la fourniture de prestations dans les trois prochains mois.

Fortes attentes des ingénieurs

S’ils se montrent légèrement plus réservés qu’en octobre s’agissant de leur situation économique actuelle, les bureaux d’ingénieurs font part d’une évolution plus réjouissante au niveau de la fourniture de prestations, du carnet de commandes et de la situation bénéficiaire. Bon point également sur le front de la main-d’œuvre: non seulement la part de bureaux s’en disant affectés a baissé pour s’établir à 66% mais en plus, ils sont à nouveau plus nombreux à estimer qu’ils pourront renforcer leurs effectifs au trimestre prochain. 

Leurs prévisions concernant la marche de leurs affaires dans les six prochains mois restent sensiblement les mêmes, idem pour les autres indicateurs qui ne présentent pas de changements notables. Ils sont légèrement plus circonspects quant à l’évolution de la demande et de la fourniture de prestations dans les trois prochains mois. Les ingénieurs affichent en revanche un regain d’optimisme pour ce qui est de leur situation bénéficiaire: 14% tablent sur une amélioration au prochain trimestre et 79% estiment qu’elle se maintiendra.

L’économie mondiale en berne

Le baromètre conjoncturel du KOF tranche avec les résultats mitigés de la branche des études: en janvier 2024, il est remonté pour la troisième fois d’affilée à un niveau légèrement supérieur à la moyenne en s’établissant à 101,5 points. Comme l’a fait savoir le KOF dans un communiqué paru le 30 janvier 2024, c’est la première fois depuis mars dernier qu’il dépasse ses valeurs moyennes à moyen terme. Si le KOF y voit un signe de l’amorce d’un rétablissement conjoncturel, ce n’est pas l’avis de la Sonntagszeitung qui, dans un article paru à la mi-décembre, diagnostiquait le début d’une nouvelle ère de l’économie mondiale, plombée par la hausse des coûts, des intérêts et de la fiscalité. Les experts cités dans l’article mentionnent notamment des effets boule de neige: le vieillissement de la population qui entraîne une pénurie de main-d’œuvre, la démondialisation et les tendances protectionnistes qui augmentent les coûts de production et donc les prix à la consommation. Par ailleurs, la lutte contre le changement climatique exige de lourds investissements, ce qui se répercutera également sur les prix. En effet, l’électrification est gourmande en matières premières telles que le lithium, le cobalt et le cuivre – une demande croissante qui fait augmenter les prix de manière disproportionnée. Et finalement, les états s’endettent à mesure qu’explosent les frais de défense, que le vieillissement de la population fait grimper en flèche les frais de santé et que les systèmes de retraite sous-financés doivent être renfloués. Grande serait la tentation d’imaginer que la Suisse est une oasis préservée des turbulences de l’économie mondiale. Mais ce serait oublier qu’elle est fortement dépendante des exportations – et que les soubresauts de l’économie mondiale l’impactent forcément. Seul l’avenir nous dira qui du KOF ou des experts de la Sonntagszeitung avait raison, mais quoi qu’il puisse arriver, remémorons-nous les sages paroles de Périclès, grand homme d’État athénien: l’important n’est pas de prédire l’avenir, mais de s’y préparer.

Le baromètre conjoncturel du KOF

 

Depuis les années 70, le KOF publie le baromètre conjoncturel, un indicateur phare qui prévoit l’évolution de la conjoncture suisse dans un avenir proche. Dans sa version actuelle, il repose sur une série de références calculées par le KOF ainsi que sur la variation par rapport au mois précédent du PIB (sur la base de la trimestrialisation des données brutes du PIB suisse produites par l’Office fédéral de la statistique et le Secrétariat d’État chargé des affaires économiques).

Cet article se fonde sur les données du Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l’ETH. Il est complété par l’éclairage économique de l’autrice, Susanne Schnell, responsable des contenus SIA.

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