Les bu­reaux ré­sis­tent à la tem­pête

Comme il ressort de l’enquête conjoncturelle du KOF, les bureaux d’étude font preuve d’une étonnante résilience dans un contexte économique difficile. L’heure n’est toutefois pas au relâchement, car si l’inflation touche tout le monde, elle frappe parfois de manière inattendue.

Date de publication
07-12-2022

Au regard des résultats de l’enquête menée en octobre 2022 par le Centre de recherches conjoncturelles de l’ETH (KOF), il apparaît que les bureaux d’études considèrent la marche de leurs affaires comme globalement stable. Bien que leurs évaluations se soient quelque peu assombries par rapport à juillet, 58% des bureaux, soit une nette majorité, considèrent que leur situation économique est bonne, et indiquent que les prestations fournies s’inscrivent dans la continuité de cet été. Les sondés ont à nouveau revu l’évolution de leur situation bénéficiaire à la hausse: 18% rapportent une amélioration au cours des trois derniers mois, 73% estiment qu’elle s’est largement maintenue. Bon point, les bureaux se disent plus satisfaits de l’évolution de la demande et de leurs carnets de commande au cours des trois derniers mois qu’ils ne l’étaient au troisième trimestre 2022. Ces résultats somme toute réjouissants s’accompagnent d’un bémol. En effet, le mécontentement lié à la pénurie de main-d’œuvre grandit et s’impose de plus dans l’actualité des bureaux. Pas moins de 60% d’entre eux ont déclaré que le manque d’employés constitue un frein à leur activité, ce qui correspond à une nouvelle dégradation par rapport au trimestre précédent où ce chiffre s’établissait à 57%.

La confiance de mise

Alors que les sondés sont 13% à escompter une amélioration de la marche de leurs affaires, 80% à tabler sur un maintien et seulement 5% à craindre une dégradation, octobre marque une légère embellie de l’humeur des bureaux. Ils sont également plus confiants pour ce qui est de l’évolution de leur situation bénéficiaire dans les trois prochains mois. Si les attentes relatives à la demande future n’ont pas augmenté par rapport à juillet, les estimations des bureaux sur les prestations à fournir dans les trois prochains mois se révèlent plus positives. La tendance à la hausse dans les prix attendus se poursuit: 19% des bureaux misent sur une augmentation, 72% sur un maintien et 9% prévoient une baisse. 

Les bureaux d’architecture mi-figue mi-raisin

En octobre, les architectes ont jugé la marche de leurs affaires moins favorable qu’en juillet. Ils ont ainsi indiqué avoir connu un ralentissement de leurs carnets de commande et un affaiblissement de leur situation bénéficiaire au cours des trois derniers mois. Malgré leurs réserves quant à la situation actuelle, leurs attentes pour les mois à venir se présentent à la hausse. Par rapport à juillet, ils se disent en effet plus optimistes pour ce qui est de l’évolution de la marche des affaires, de la fourniture de prestations, du nombre de salariés, des prix et de la situation bénéficiaire au cours des prochains mois. Là où le bât blesse nettement en revanche, c’est au niveau de l’évolution des effectifs au cours du dernier trimestre. Le nombre d’employés a baissé dans l’ensemble — ce alors même que depuis un certain temps déjà, les ressources humaines étaient jugées nettement insuffisantes. 

Les bureaux d’ingénieur·es stables

Les résultats d’octobre confirment ceux de juillet pour ce qui est de la situation économique actuelle des ingénieurs et de l’évolution de la fourniture des prestations au cours des trois derniers mois. Par rapport à cet été, les ingénieur·es ont revu à la hausse leurs estimations relatives à l’évolution récente de la demande et de leurs carnets de commande — et ils envisagent les mois à venir avec un peu plus d’optimisme. S’ils se montrent nettement plus positifs pour ce qui est du développement attendu de leurs effectifs, non moins de 63% des bureaux (contre 61% au 3e trimestre) indiquent que la pénurie de main-d’œuvre est actuellement l’un des freins à leur activité. En octobre, les ingénieur·es se montrent plus réservé·es concernant la demande et la situation bénéficiaire des trois prochains mois. Octobre marque également une nouvelle hausse des prix attendus.  

L’inflation, plus douloureuse qu’il n’y paraît

Alors que les turbulences boursières s’enchaînent, que l’inflation de la zone euro atteint des pics inédits et que l’Europe frissonne littéralement à l’amorce de l’hiver, la branche suisse de la conception semble imperturbable. Les consommateur·rices en revanche s’en montrent impacté·es, les ménages jugeant leur situation économique désastreuse comme s’en fait l’écho la presse économique. L’information concorde avec l’indice du climat de la consommation qui a atteint en octobre le niveau le plus bas jamais enregistré depuis 1972 selon des chiffres du Secrétariat d’État à l’économie (SECO). Avec un enviable taux d’inflation de 3%, la Suisse semble relativement épargnée en comparaison avec d’autres pays, et apparaît comme une oasis préservée des poussées inflationnistes. À première vue seulement, car les primes de caisse maladie — qui grimperont de 6,6% l’année prochaine — ne sont tout bonnement pas prises en compte dans ce calcul… Et ce n’est pas tout: le renchérissement est calculé en partant du principe que le loyer des ménages correspond à 20% de leurs dépenses totales, ce qui est loin d’être le cas chez les plus modestes, où il représente environ un tiers. Vous l’aurez compris, le taux affiché de 3% est relatif, et s’avère, pour bon nombre de Suisses, bien plus élevé. 

La boucle prix-salaires: mythe ou réalité ?

Lorsque les ménages jugent leur situation mauvaise, l’économie s’essouffle. En effet, ils consomment moins et reportent à plus tard les grosses acquisitions. Baisse du pouvoir d’achat est donc synonyme de ralentissement économique, puisque le chiffre d’affaires des entreprises recule. Une situation qui, si elle empire, mène à des baisses de salaires voire à des licenciements. À première vue, rien de plus logique que d’augmenter les salaires pour redresser la barre. Mais le remède est controversé — à son évocation, l’épouvantail de la boucle prix-salaires est rapidement brandi. Ce terme désigne une dynamique d’entraînement croisée alimentée d’une part par des augmentations salariales, et de l’autre, par les mesures prises par les ménages et les entreprises pour s’adapter à l’inflation. Mais s’il est vrai que ce phénomène aggrave l’inflation, il ne faut pas oublier qu’il n’en est pas la cause, et que sa dangerosité ne fait pas consensus chez les économistes, certains le jugeant délétère, d’autres l’estimant bénin. Nous ne règlerons pas le débat ici, mais deux choses doivent être prises en compte. Primo, tout est question de mesure, et cela vaut également pour les augmentations salariales. Secondo, ce sont la rareté et la cherté de l’offre — résultant des prix élevés de l’énergie et des problèmes d’approvisionnement — qui nourrissent l’inflation. Comme dans bien des cas, la solution au problème réside peut-être dans le juste milieu. Il appartient donc tant aux entreprises qu’aux salariés de faire des concessions. C’est d’ailleurs ce qui préconise Philip R. Lane, économiste en chef de la Banque centrale européenne (BCE). À son sens, les entreprises doivent revoir à la baisse leurs attentes bénéficiaires et les salariés accepter une certaine dévaluation de leurs salaires, faute de quoi l’inflation ne pourra être contrée efficacement.  

Calcul de l’évolution des prix en Suisse: en Suisse, le taux d’inflation est mesuré sur la base de l’Indice suisse des prix à la consommation (IPC). L’indice mesure l’évolution des prix d’un panier-type constitué de produits et de services essentiels pour les ménages. Ce panier comprend 12 catégories totalisant 1175 produits et services pondérées en fonction de la part qu’elles représentent dans les dépenses des foyers suisses.  

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