L’éner­gie comme avan­tage éco­no­mique

Stratégies pour investisseurs institutionnels

Date de publication
11-06-2019

Le parc immobilier suisse consomme actuellement quelque 100 térawatts-heure (TWh) d’énergie, soit environ 45 % de la demande intérieure. La majorité des acteurs du secteur de la construction et de l’immobilier sont conscients de son importance pour atteindre les objectifs climatiques nationaux de 2050. La rénovation du parc existant se retrouve ainsi au centre des débats. Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), les investissements annuels en matière de rénovation ont augmenté de 36,5% entre 2007 et 2016. Au cours de cette période, les dépenses annuelles pour les constructions neuves ont progressé de 29,8%. Le volume actuel de celles-ci représente certes le double des investissements liés aux transformations soumises à une déclaration de construire, mais les chiffres du marché indiquent une dynamique sensible de transformation, surtout dans le secteur des immeubles d’habitation. Les investissements annuels ont même augmenté de 65,9 %.

Grâce à des concepts de rénovation cohérents et des décisions d’investissement judicieuses, les propriétaires immobiliers peuvent s’assurer des avantages concurrentiels à long terme. La décision de rénover un bâtiment plutôt que de le remplacerdépend de ses propriétés, de son âge, de son état ou de son utilisation. L’offre et la demande du marché permettent en outre de déterminer les mesures de rénovation les plus adaptées. Les conditions cadres comme les réglementations fiscales liées à la construction, le droit locatif ou la protection du patrimoine immobilier, influent également sur les marges de manœuvre.

Les investisseurs professionnels doivent établir des stratégies de porte-feuille – avec les options achat, continuation, rénovation, optimisation, reconversion, remplacement. Elles doivent être indépendantes de l’objet et tenir compte de la situation globale. Les facteurs d’influence suivants sont décisifs:

  • marché des utilisateurs: évolution et prévision de la population et de l’emploi, de la structure des foyers, du pouvoir d’achat
  • situation globale: type de commune, pression fiscale, infrastructures, desserte, présence d’investisseurs institutionnels
  • marché de l’immobilier: construction neuve, autorisations de construire, potentiel de densification
  • parc immobilier existant: vacance, ratio d’offres, période de construction, rénovations
  • prix: niveau de prix des logements locatifs ou en accession à la propriété

Une analyse structurée sur la base du portefeuille facilite l’identification des régions clés et l’élaboration de stratégies normatives. Elle facilite le management et permet d’effectuer une présélection sommaire. Dans l’étape suivante est développée une stratégie propre à l’objet, un concept de rénovation inclusif. Cinq aspects essentiels, qui déterminent largement la demande en énergie, doivent être pris en compte :

  • Consommation de surface habitable: la consommation d’énergie primaire diminuerait de l’ordre de 15% si l’actuelle consommation de surface habitable par personne était réduite d’un tiers, à savoir de 45 à 30 m2. Les émissions de gaz à effet de serre diminueraient dans une même proportion. L’avantage financier est évident pour les investisseurs professionnels: des plans fonctionnels, compacts et intelligemment conçus permettent d’atteindre un prix de location inférieur pour un prix au mètre carré identique. Les logements devenant abordables, le risque de vacance s’en trouve diminué.
  • Typologie et orientation: la forme, la compacité et l’orientation de la volumétrie influent fortement sur le besoin en énergie de chauffage. Des choix judicieux lors de la conception permettent ainsi de diminuer la demande sans investissements supplémentaires. Les coûts de construction baissent également quand les plans sont bien conçus. La distribution de salles de bains des logements contigus par une seul colonne montante et des canalisations communes devrait ainsi être privilégiée.
  • Enveloppe de bâtiment et ossature por­teuse: la rénovation énergétique des façades et le remplacement des fenêtres diminuent les déperditions thermiques de l’enveloppe. Des interventions limitées comme l’isolation des plafonds des caves et des combles peuvent aussi diminuer la consommation énergétique, avec comme résultat des économies et un confort accru. L’objectif est une diminution de la consommation d’énergie en cours d’exploitation. Tout aussi importante est la réduction de l’énergie grise, déterminée entre autres par les matériaux et le type d’ossature porteuse. Les bâtiments en bois consomment peu d’énergie grise, ce mode constructif s’avère avantageux dans l’évaluation du caractère durable, notamment pour le chemin vers l’efficience énergétique SIA ou les labels pour bâtiments «Minergie ECO» et «SNBS», respectivement pour le certificat «Site 2000 watts».
  • Équipement technique: la modernisation de l’équipement technique, ou son remplacement, permet d’augmenter l’utilisation d’énergies renouvelables, ce qui diminue les émissions de CO2. L’exploitation efficiente et la commande intelligente de l’équipement technique peuvent aussi fortement abaisser la consommation d’énergie. Les technologies actuelles permettent la construction de maisons à zéro énergie ou à énergie positive. Le choix de la source d’énergie est toujours plus étroitement lié à l’emplacement du bâtiment, dans la mesure où le raccordement au réseau ou l’exploitation de chaleur résiduelle est possible localement. Il convient également de tenir compte des zones d’énergie réservées à des bâtiments soumis à des quotas minimums d’utilisation d’énergies renouvelables. Le développement et la gestion d’un approvisionnement énergétique autonome à l’échelle de sites et de quartiers débouchent sur de nouveaux modèles d’entreprise. Les propriétaires professionnels peuvent ainsi limiter leurs risques immobiliers; la dépendance vis-à-vis des fluctuations de prix des porteurs d’énergie externe est ainsi amoindrie.
  • Disposition à payer et charges: en 2010 et 2017, Wüest Partner avait déjà publié une étude relative à la disposition à payer pour des bâtiments Minergie. En ce qui concerne les logements locatifs, l’augmentation de 0,9 % déterminée en 2017 est nettement inférieure à la valeur de 6,5 % de 2010. Même dans le cas des maisons individuelles, la prime a fortement diminué, passant de 4,9 % à 2,6 %. Concernant la propriété par étage, la première étude n’a pas révélé d’augmentations statistiquement significatives. La rénovation énergétique d’installations permet l’exploitation d’un potentiel de rendement supplémentaire. La différence entre les loyers brut et net ainsi que la diminution des charges sont à cet égard essentielles. À titre d’exemple, pour un immeuble d’habitation de 1970 rénové avec 22 logements, les charges de chauffage et d’eau chaude peuvent être réduites de l’ordre de 70 CHF par logement et par mois. Cela correspond à un total annuel de 18 000 CHF, soit environ 3 % du rendement locatif annuel.

De nombreuses prescriptions du label de qualité Minergie destiné aux bâtiments ont entre-temps été reprises dans le parc immobilier. C’est pourquoi le coût du label a depuis baissé. En même temps, la pression en faveur de la rénovation de bâtiments non durables augmente. Dans le cas contraire, le marché immobilier risquerait une perte d’attractivité. Le contexte du marché est souvent marqué par une pression d’installation massive et une demande stagnante des utilisateurs. Les investisseurs institutionnels peuvent retirer un grand bénéfice s’ils se confrontent de manière ciblée aux thématiques liées à l’énergie.

Cet article est paru dans la publication Hors-série N°2: Immobilier et énergie. D'autres contributions sur le sujet sont également à lire dans notre dossier en ligne.

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