L’emprunte urbaine. Sur l'exposition Aldo Rossi à Archizoom
Visite à Archizoom de l'exposition majeure "ALDO ROSSI – LA FINESTRA DEL POETA" conçue en partenariat avec le Bonnefantenmuseum de Maastricht et la fondation Aldo Rossi
La rétrospective de l’œuvre graphique d’Aldo Rossi à Archizoom, l’espace d’exposition du campus de l’EPFL, pourrait passer pour un projet d’intérêt local, visant à familiariser les étudiants avec le langage graphique d’un des principaux membres de la Tendenza. Une visite a vite fait de convaincre du contraire. L’enjeu de cette exposition, conçue en partenariat avec le Bonnefantenmuseum de Maastricht et la fondation Aldo Rossi, est majeur. Il témoigne encore une fois de la justesse du travail accompli à Archizoom depuis plusieurs années.
L’actualité d’Aldo Rossi tient en ceci: le savoir-faire dont témoigne son univers graphique serait aujourd’hui d’une grande utilité. Cela car les principales villes suisses sont engagées dans de vastes projets de développement et de densification. Notre époque risque probablement d’entrer dans l’histoire comme un moment de saut en avant dans le devenir des villes, un moment d’augmentation quantitative comme on a pu en connaître dans les années 1960. Or cette urbanisation au rythme soutenu semble délaisser un point important, essentiel même pour les architectes qui, comme Rossi, s’étaient donnés pour mission de définir l’urbain pour mieux le produire. Il s’agit de la théâtralité de la ville, des tableaux que constituent les paysages urbains, et de la possibilité offerte d’agir sur ce matériau, comme s’il s’agissait d’un décor.
La Tendenza va sortir la ville moderne de son indistinction générique pour la rendre spécifique, contextuelle et, d’un certain point de vue iconique, c’est-à-dire déterminée par la représentation qu’elle produit. La Tendenza recentre la fabrique de la ville sur la possibilité d’instrumentaliser la dimension symbolique des représentations urbaines. Il s’agit là d’une attitude qui fait aujourd’hui terriblement défaut. La ville en train d’être construite, de l’Ouest lausannois au Glatt zurichois, semble peu travaillée par des enjeux de cette nature. Le risque est bien évidemment de se retrouver avec des entités fonctionnelles mais dont il ne se dégage aucune urbanité.
Revenir aujourd’hui à Rossi, c’est donc aussi se poser la question du savoir-faire qui s’est constitué autour de ce mouvement, à partir notamment d’une réflexion historiciste et de nombreuses expérimentations graphiques. Sur ce point, notons que l’exposition se concentre bien plus sur la partie graphique que sur la réflexion historiciste. On y découvre un travail dont la fonction est tout à la fois de produire une œuvre artistique autonome et autosuffisante, que de produire des documents pour des projets d’architecture. Au croisement de ces deux fonctions se dessine une vision claire de ce qu’est une ville, et les moyens d’y parvenir.
L’exposition de documents originaux est complétée par une très belle tentative de décrypter une des compositions mythiques de Rossi : La città analogua. Ce labyrinthe graphique, constitué de fragments de plans, d’ornements, d’élévations et de coupes, de Vitruve au 20e siècle, incarne a lui seul l’esprit de la démarche éclectique de Rossi et ce qu’elle permet: l’urbanité instantanée, reconductible et librement appropriable.
Car force est de constater que les principes qui régissent cette composition traversent aussi la conception postmoderne de l’architecture et de l’urbanisme. Le modus operandi est le même. Au sein de l’exposition, chacun peut décrypter ce collage avec une application qui reconnaît et nomme les fragments qui constituent cette synthèse complexe de Rossi. Notons pour terminer la parution de l’ouvrage Aldo Rossi : Opera Grafica, édité par Ton Quik et Germano Celant.
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