eve­ry­thing ar­chi­tec­ture – OF­FICE Kers­ten Geers Da­vid Van Se­ve­ren

Exposition au centre d’architecture arc en rêve à Bordeaux

Date de publication
09-11-2016
Revision
10-11-2016

Qu’est ce qui fait l’attrait du bureau belge OFFICE Kersten Geers David Van Severen, auquel le centre d’architecture arc en rêve à Bordeaux consacre ces jours-ci une exposition monographique?
Nous avons essayé de comprendre ce qu’il y avait au cœur de la pratique des lauréats du concours pour le nouveau bâtiment de la RTS (lire l'article Ode au journalisme) sur le campus de l’EPFL. L’exposition, dont la scénographie affiche un parti pris esthétique fort, reste assez cryptique à ce sujet. Néanmoins, la persistance d’un certain langage formel, la réitération de certains gestes dans le processus créatif permettent de se faire une idée de ce qui les anime.

Légèrement antinomique

Deux postures récurrentes semblent caractériser leur pratique: la dimension antinomique de plusieurs réalisations et une certaine disposition à s’imposer à eux-mêmes, arbitrairement, des contraintes assez rigides, souvent formelles, qui vont conditionner leurs projets.
Le goût pour la contradiction est souvent au départ du processus créatif. On peut l’observer pour la RTS dans les premiers collages réalisés à partir des vues aériennes du site. Le Learning Center vu du ciel est un grand rectangle perforé de formes circulaires. Prenant le contrepied du choix formel de Sanaa, Kersten Geers et David Van Severen dessinent un plan courbe perforé de quadrilatères. Ce parti pris en apparence superficiel constitue un point d’entrée dans le projet qu’ils n’hésitent pas à revendiquer. Ils vont ensuite dégrossir, affiner, ajuster, penser spatialement, c’est-à-dire agir en architectes.
Ce choix arbitraire initial fonctionne comme une contrainte qui conditionne la conception architecturale. Cette dernière va devoir s’élaborer en dépit, voire contre le choix formel. Cela ne surprend personne de savoir que le travail architectural, c’est-à-dire le fait de négocier entre une réalité donnée et une autre à atteindre, gagne à être confronté à des obstacles concrets. Dans la plupart des cas, on appelle cela le contexte. Quand le contexte ne s’impose pas et que tout est envisageable, Geers et Van Severen choisissent, pour commencer, de s’en fixer un.

Architecture sous contrainte

Cette façon de poser une contrainte à partir de laquelle ils vont concevoir se retrouve dans d’autres projets. Elle prend souvent la forme d’un cadre strict, d’une trame régulière et restrictive au sein de laquelle le projet va évoluer.
Une de leurs premières réalisations, la transformation d’une maison ouvrière avec jardin en week-end house, illustre parfaitement cette façon de faire. Le jardin long de 40 m et large de 10 m est séparé en 4 carrés de 10 m sur 10 m au sein desquels les éléments du programme vont devoir trouver leur place. Un carré pour la piscine, un autre pour la pelouse, un troisième pour la chambre d’amis, etc.
En essayant de comprendre si leur formalisme comporte une dimension critique, nous en sommes rapidement venus à la filiation koolhaasienne du binôme flamand. Kersten Geers n’hésite pas à dénoncer l’attitude qui a consisté à surinterpréter le formalisme de Koolhaas pour y voir systématiquement un geste porteur d’une signification politique.
Faut-il comprendre que Geers et Van Severen sont post-koolhaasien, c’est-à-dire formalistes, provocateurs mais sans la profondeur politique du fondateur de l’OMA? Leur collaboration exclusive avec l’un des photographes les plus en vue du moment (Bas Princen) pourrait laisser entendre qu’ils s’inscrivent pleinement dans ce système de cooptation qui spécule autour de certains noms et de certains lieux. La scénographie de l’exposition reléguant les maquettes au rang d’artefacts exposés parmi des œuvres d’artistes cotés corrobore cette hypothèse. Geers et Van Severen sont-ils les vecteurs de la transposition de la déchéance spéculative de l’art contemporain en architecture?
On aimerait penser que non, car ce qu’ils produisent reste pertinent, juste et capable de questionner un contexte par la façon de se poser en contrepoint. Leur bureau ne compte qu’une vingtaine de collaborateurs, et cela malgré les projets importants remportés récemment.
D’Harvard, où ils enseignent, à Bruxelles, où ils travaillent, et de l’EPFL au Bahreïn, ils poursuivent leur chemin singulier fait de réalisations imprévisibles car toujours différemment paramétrées par rapport à ce qui est attendu d’eux. En quittant l’exposition, je me suis demandé dans quelle mesure leur esprit de contradiction entrera en conflit avec la rigueur et l’orthodoxie formelle suisses. La RTS sera-t-elle une brèche supplémentaire dans cette swiss box qui n’en finit pas de se fissurer? Si tel était le cas, le caractère provocateur de leur conception n’aura pas été gratuit.

 


Informations

everything architecture - OFFICE Kersten Geers David Van Severen architectes, Bruxelles
3 novembre 2016 au dimanche 12 février 2017
arc en rêve, grande galerie
Bordeaux
www.arcenreve.com

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